Faut-il vous présenter Justine Hutteau? Au cas où vous ayez passé cette dernière année dans la forêt, voici de quoi vous la situer: Justine Hutteau a 27 ans. Elle a étudié à HEC Montréal, terminant ses études par un mémoire dont lâintitulé initial était « Pourquoi les gens courent et se motivent sur Instagram ? ». Pour comprendre, Justine sâest autant mise à courir quâà poster frénétiquement sur Instagram, se créant en quelques mois une communauté de 18,000 followers. Un jour, un doute sur une boule près de sa poitrine (qui sâest révélée bénigne) la fait sâinterroger sur la composition des produits quâelle utilise, notamment les déodorants. Ses découvertes la laissant perplexe, elle décide de créer sa propre gamme de produits. Elle sâassocie avec un brillant diplômé dâHEC, sâoffre les services dâune docteure en pharmacie, et lâaventure Respire démarreâ¦sur les réseaux sociaux. Grâce à sa communauté, Justine et son associé récoltent leurs premiers fonds à travers une campagne de crowdfunding. Toujours grâce à cette communauté, ils testent leurs produits et les améliorent. Et puis ils commencent à vendre, toujours grâce à leur fameux réseau de followers. Deux ans et demi après son lancement, Respire a commercialisé plus de 5 millions de produits, et compte désormais 27 employés parmi ses rangs, dont la moyenne dââge est inférieure à 30 ans Lâaventure ne fait que commencer, nous dira t-on, mais les enseignements de Respire sont déjà riches.
Sophie Guignard : Votre sujet de mémoire à McGill est finalement devenu « Comment crée t-on sa communauté Instagram? ». Du coup, comment fait-on ?
Justine Hutteau : Il faut être très actif, poster tous les jours, trouver un angle. Et puis être dans une démarche continuelle de Test & Learn. Tenter des choses, les répliquer quand elles marchent, abandonner quand elles ne marchent pas. Pendant un moment, sur mon compte « JustineRun » jâavais commencé à communiquer sur mon alimentation, prenant en photo les plats que je mangeais. Ãa ne marchait pas du tout, donc jâai arrêté. Câest assez difficile de savoir ce qui va marcher ou pas. Ce qui est certain, câest que lâauthenticité est clé. Il faut pouvoir être soi-même pour que ça prenne.
S.G. : Que vous ont apporté ces mois sur Instagram, à créer votre communauté ?
J.H. : Cela a commencé par mâapporter beaucoup de confiance. On se crée une base solide de personnes qui nous suivent et peuvent nous aider. Avoir une communauté, câest avoir un réseau, et pouvoir en exploiter la force. Notre réseau était digital, mais tout aussi puissant quâun réseau traditionnel. Câest aussi grâce à ma communauté que nous avons pu démarrer la commercialisation de notre premier déodorant, grâce aux fonds récoltés à travers nos campagne de crowdfunding.
S.G. : Le développement des produits, puis leur commercialisation, se sont également basés sur cette communauté de followers. Comment avez-vous procédé ?
J.H. : Nos produits ont vraiment été co-conçus avec notre communauté. Nous nous sommes appuyés sur elle pour les tester et les évaluer. Cette démarche a eu la double vertu de nous permettre dâapprendre et dâaméliorer nos produits, mais aussi celle dâembarquer nos followers dans lâaventure, ce quâils apprécient énormément.
S.G. : La communication de Respire.co est très incarnée, notamment par vous. Pourquoi ?
J.H. : Dâabord parce quâà lâorigine, la communication de Respire est partie de ma communication personnelle, les deux étaient presque indissociables, car les personnes qui me suivaient se sont mises à suivre Respire. Ensuite, je crois que les consommateurs apprécient authentiquement de connaître lâhistoire des produits quâils achètent, de savoir dâoù ils viennent. Puis, de plus en plus, ils se soucient dâen connaitre la composition. La transparence est vraiment devenue clé. Nous, on a voulu expliquer pourquoi on était là , pourquoi on créait ses produits et comment. En faisant cela, on les touche de manière plus personnelle, plus émotionnelle. Notre communication se base entièrement sur la proximité et la transparence.
S.G. : Quelle est votre stratégie avec les influenceurs et influenceuses externes ?
J.H. : Au début, nous nâavons pas investi un seul centime en marketing. Tout était organique. Aujourdâhui, nous faisons un peu de pub et de retargeting. Nous avons également testé quelques influenceurs, que nous payons. Mais cela ne marche que sâils sont vraiment en phase avec le produit et quâils lâaiment réellement.
S.G. : Câest le cas de Laure Manaudou, qui apparaît dans lâun de vos spots de pub ?
J.H. : Laure est une amie. Tout comme Laurie Thielmann, dâailleurs. Ce sont plus plutôt des ambassadrices. Là encore, câest la force du réseau. Cela nous permet dâêtre très agiles en terme de communication. Par exemple, nous nâavions rien prévu pour les fêtes de Noël. Mais une semaine avant les fêtes, nous nous sommes dits que ça pourrait être bien de bouger un peu: jâai appelé quelques copines influenceuses et en quelques jours nous avons monté une petite opération de comâ en last-minute.
S.G. : Vous avez reçu le prix de lâEntrepreneure de lâannée, quâest ce que cela a changé pour vous ?
J.H. : Je ne mây attendais absolument pas, car jâétais nominée avec des femmes entrepreneurs que jâadmire depuis longtemps, comme Julie Chapon (Fondatrice de Yuka), Charlotte Cadé (fondatrice de Selency), Sophie Hersan (co-fondatrice de Vestiaire Collective) ou Pauline Laigneau (Co-fondatrice de Gemmyo). Pour moi, câétait déjà un grand succès dâêtre parmi elles. Dâautant que certaines mâont accompagnée et aider dans lâaventure Respire. Pour moi câétait donc une grande fierté, mais aussi pour tous ceux qui font partie de lâaventure, qui ont pu sâapproprier le trophée aussi. La photo de moi avec le Trophée a eu une visibilité énorme â plus dâ1 million de vues sur Linkedin, et des milliers de « like ». Pour moi, câest la preuve que câest un succès partagé. Lâautre effet, câest que je reçois encore plus de messages ou questions de jeunes entrepreneurs, notamment des femmes, qui aimeraient se lancer et cherchent des conseils.
S.G. : Avez-vous contacté dâautres entrepreneur(e)s avant de vous lancer ?
J.H. : Oui. Jâai la chance dâavoir bénéficié de conseils dâentrepreneurs et entrepreneures brillants, que je continue de solliciter parfois. Ils sont des sources dâinspiration très importantes. Tout comme les athlètes dâailleurs, dont le mindset mâa toujours impressionnée.
S.G. : Vous en avez dâailleurs interviewé quelques-uns pour votre livre (Rêver, oser, se dépasser, Ed. Marabout, sorti le 12 janvier 2022): quel était lâobjectif de ce livre ?
J.H. : Je voulais mettre mon réseau et ce que les gens que jâai eu la chance de rencontrer mâont appris à disposition de tous. On me demande souvent ce qui mâa aidé: le livre est pour moi une manière de répondre à cette question et de partager mes réponses avec tous ceux que ça pourrait intéresser.
source : www.influencia.net