« Être une licorne, c’est cool mais commercialement, ce titre ne change pas grand chose », Philippe Salah (DentalMonitoring)

14 avril 2022

INfluencia : comment un docteur en biophysique moléculaire de l’École Polytechnique se retrouve-t-il à la tête d’une start-up spécialisée dans l’imagerie dentaire ?

Philippe Salah : je connaissais déjà ce milieu car j’avais fondé en 2007 une start-up baptisée Harmony qui avait mis au point un système d’appareillage orthodontique invisible qui était placé derrière les dents. Lorsque je l’ai revendu quatre ans plus tard à un grand groupe américain, j’ai eu l’idée de lancer une autre société qui parviendrait à synchroniser l’offre et les besoins en soins dentaires. Aujourd’hui lorsqu’un enfant se fait poser un appareil par exemple, son orthodontiste lui donne tout un tas de rendez-vous de contrôle en fonction des disponibilités qu’il a dans son calendrier. Notre objectif était de créer un service qui permette aux patients de voir leur spécialiste uniquement quand ils en ont besoin. La méthode actuelle fait perdre du temps aux particuliers et de l’argent aux dentistes.

IN : comment êtes-vous passé de l’idée à la pratique ?

P.S. : en y mettant le temps et l’argent… Dans un secteur tel que celui-ci, il n’était pas question de lancer un produit test bricolé en quelques mois. Mon expérience précédente m’a permis de ne pas avoir de problèmes de financement. J’ai donc pu investir massivement pour préparer un produit fini à mes clients potentiels. Il nous a fallu quatre ans de recherche et un budget de 60 millions d’euros pour être prêts à nous lancer sur le marché. Notre solution est commercialisée depuis 2018 et nous enregistrons depuis le départ une progression extrêmement rapide mais ce succès n’aurait jamais été possible sans le travail que nous avons accompli au préalable.

IN : Quelles solutions proposez-vous ?

P.S. : après un premier rendez-vous chez son dentiste ou orthodontiste, le patient utilise chez lui notre ScanBox qui lui permet des prendre des images intra-buccales avec son smartphone. La cinquantaine de clichés qui être prise à ce moment-là est envoyée à notre base de données et notre plateforme d’intelligence artificielle compare ces photos avec 130 paramètres préétablis et lorsqu’une anomalie est détectée, une alerte est lancée au praticien qui peut alors prendre un rendez-vous avec son patient grâce à notre application.

 

 

IN : combien facturez-vous ce service et qui sont vos clients ?

P.S. : nous facturons nos services aux professionnels dix euros par mois et par patient. Nous comptons aujourd’hui 7000 clients dans une cinquantaine de pays. Notre solution a déjà été utilisée par 1,2 million de patients et la France représente tout juste 10% de notre chiffre d’affaires que nous refusons de dévoiler au public.

IN : qui sont les partenaires qui vous ont permis de lever 150 millions de dollars supplémentaires ? 

P.S. : Vitruvian Partners est un fonds avec lequel nous entretenons d’excellentes relations et, fait plutôt rare, ils viennent de nous apporter une enveloppe de 60 millions de dollars qui est supérieure à celle qu’il nous avait donnée lors de notre précédent tour de table. Ce fonds nous a beaucoup aidé pour la partie « go to market » de notre société mais sans être aucunement intrusif. Cet après-midi par exemple, j’ai un rendez-vous avec eux concernant notre pricing car je leur ai demandé s’ils pouvaient nous trouver deux ou trois spécialistes pour parler de cette question. L’arrivée de Mérieux Equity Partners correspond, elle, à un souhait que nous avions. Nous voulons en effet nous implanter en Chine qui est déjà, selon certains classements, le premier marché mondial concernant les soins dentaires. Il est toutefois extrêmement difficile de se lancer dans ce pays car il faut trouver au préalable un partenaire qui soit capable de nous faire comprendre les spécificités culturelles de cette nation. Or bioMérieux qui est derrière Mérieux Equity Partners, est le plus grand groupe pharmaceutique étranger sur le marché chinois et quand ils nous ont approchés, ils nous ont tout de suite dit qu’ils allaient nous aider à nous implanter dans ce pays. Nous n’avons donc pas hésité…

IN : Cela fait quoi d’être une licorne ?

P.S. : c’est cool… Le matin suivant l’annonce, on se réveille un peu étonné car j’ai beaucoup de potes qui sont entrepreneurs et qui travaillent autant que moi mais qui sont encore loin d’atteindre ce cap. Le lendemain, on s’aperçoit que le milieu dans lequel on travaille nous voit différemment. C’est comme si on était sorti du bois et que les grands groupes nous regardent en se disant : « Je ne pensais pas que cette startup qu’on voyait de temps en temps était déjà arrivée à ce niveau-là ». Ce statut change le rapport que nous pouvons avoir dans certaines discussions. Devenir licorne galvanise également nos équipes car cela leur donne l’impression que leur travail est reconnu. Le plus grand plaisir est de voir que les gens ont le sourire autour de la machine à café. Mais commercialement, je ne suis pas sûr que ce titre ne change grand chose. Nous étions en pleine croissance bien avant cette levée de fonds.

IN : à quoi, justement, vont vous servir ces 150 millions de dollars ?

P.S. : à recruter. Nous employons actuellement 500 personnes dans 18 pays et nous souhaitons embaucher rapidement 400 salariés supplémentaires. Nous recherchons des spécialistes dans tous les domaines. Des ingénieurs, des docteurs, des professionnels de la vente et du marketing. Le recrutement est, de loin, notre problème numéro 1 car nous souhaitons trouver des personnes performantes qui partagent les valeurs de notre entreprise. Au fil des années, j’ai réalisé que le salaire n’était pas l’élément le plus important pour les candidats qui s’intéressent avant tout aux valeurs de la société et à ses produits. Nous devons en conséquence apprendre à bien nous vendre auprès des postulants qui cherchent un emploi.

IN : allez-vous lancer de nouveaux produits ?

P.S. : nous lançons en moyenne une nouveauté par trimestre alors que les géants du secteur en commercialisent une tous les trois… ans. Près de 30% de nos revenus sont consacrés à la R&D mais nos produits actuels permettent de financer ces investissements.

IN : où vous voyez-vous dans trois ans ?

P.S. : toujours à la tête de DentalMonitoring. Ce n’est pas tous les jours qu’un entrepreneur a la possibilité de créer un tout nouveau marché. Harmony avait lancé une nouveauté dans un marché existant mais ma nouvelle société a encore beaucoup de choses à faire. Nous avons aussi la chance de travailler dans un secteur important mais déjà très concentré. Il y a à peine 1 million de dentistes dans le monde et 100.000 spécialistes. Nous sommes donc implantés dans un secteur BtoB où les acteurs sont bien connus. Si nous continuions sur notre lancée, nous pourrions avoir 2000 salariés dans trois ans et réaliser un chiffre d’affaires proche du demi-milliard de dollars.





source : www.influencia.net

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