INfluencia : Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à créer Swile ?
Loïc Soubeyrand : Mon idée de base était de proposer aux collaborateurs une plateforme qui leur permettrait de faire des commandes groupées afin de pouvoir bénéficier de réductions. Je voulais mettre en place le Groupon de la pause déjeuner en quelque sorte mais jâai vite réalisé que ma « belle idée » ne fonctionnerait pas. 70% du chiffre dâaffaires des restaurants ouverts le midi sont payés avec des tickets-restaurant et 90% de ses tickets sâéchangeaient sous forme de papier quand je me suis lancé en 2018. Je me suis donc dit que nous pourrions mettre en place un système digitalisé de ticket-restaurant.
IN : Pourquoi personne nâavait-il eu cette idée auparavant ?
L.S. :  La dématérialisation des tickets-restaurant est devenue possible en 2014 mais il ne sâest presque rien passé jusquâà notre création en 2018. Certains entrepreneurs avaient bien tenté de proposer des cartes de paiement mais ces dernières étaient acceptées par un nombre très limité de restaurants et de commerçants. Notre idée a été de nous faire agréer par la Commission Nationale des Titres-Restaurant (CNTR) https://www.cntr.fr/V2/home.php car cela permettait à nos cartes dâêtre acceptées par tous les établissements qui prennent les tickets en papier. Pour obtenir leur aval, il suffisait de remplir leur cahier des charges.
IN : Le succès est ensuite vite venuâ¦
L.S. : Il est vrai que nous avons démarré en fanfare. Nous avons commencé par travailler avec les PME et les TPE puis avec des ETI et des grands groupes. Notre plus gros client aujourdâhui est Carrefour. Nous fournissons des cartes à 70.000 de ses collaborateurs. 500.000 employés utilisent Swile au quotidien. En moins de quatre ans, nous sommes parvenus à prendre 13% de parts de marché et notre volume dâaffaires devrait atteindre 850 millions dâeuros en 2021 mais la moitié du marché des tickets restaurants nâest toujours pas dématérialisé aujourdâhui. Il y a donc encore beaucoup à faireâ¦
IN : Vous avez pourtant rapidement décidé de vous développer dans dâautres activitésâ¦
L.S. : En effet. Nous ne proposons plus aujourdâhui uniquement un système de ticket restaurant dématérialisé mais une carte avec laquelle vous pouvez gérer dâautres avantages employés comme les titres cadeaux, les crédits mobilités et à partir de lâannée prochaine les chèques vacances. Câest le deuxième étage de notre fusée. Le troisième nous permettra de proposer une carte employé complète avec laquelle vous pourrez gérer vos frais professionnels, recevoir des avances sur salaire et échanger de lâargent avec vos collègues lorsque vous partagerez une addition au restaurant ou que vous participerez à une cagnotte dans lâentreprise. Nous avons parallèlement développé une application qui met lâexpérience employé entre les mains des employés.
IN :  Quelle est votre stratégie de développement à lâinternational ?
L.S. : Nous avons racheté au mois de février la start-up brésilienne Vee Beneficios qui emploie 120 collaborateurs. Sur le marché des avantages salariés, le Brésil est un pays quatre fois plus gros et quatre fois plus rentable que la France. Le Mexique est aussi très intéressant. Ces deux nations représentent, à elles seules, 80% à 90% de notre marché dans cette région.
IN : Pourquoi les avantages salariés sont-ils si développés en Amérique Latine ?
L.S. : Pour des raisons historiques. Les groupes français de notre secteur mais aussi ceux dâautres industries comme Michelin,Renault, Peugeot ou Leroy Merlin se développés très tôt dans les pays latins. Ils ont commencé par sâimplanter en Italie, en Espagneet au Portugal avant dâaller au Brésil et au Mexique.
IN : Votre levée de fonds est-elle destinée à accélérer votre présence dans cette région ?
L.S. : En partie. Cette levée de fonds va nous permettre de reproduire à lâinternational le succès que nous avons connu en France. Globalement, nous allons rapidement passer de 500 à 1000 collaborateurs. Nous souhaitons nous développer en Amérique Latine et dans tous les pays latins, soit potentiellement dans 35 pays. Nous suivons une stratégie de « built up ». Nous avons récemment repris trois petites sociétés ce qui montre que nous ne sommes pas opposés à la croissance externe. Beaucoup de dossiers passent entre nos mains actuellement.
IN : Pourquoi avez-vous choisi le japonais SoftBank comme partenaire ?
L.S. : Car il cochait toutes les cases. Nous cherchions tout dâabord un investisseur qui connaisse très bien lâAmérique Latine et Softbank est le plus gros acteur de cette région avec un budget de 8 milliards de dollars. Un de leur associé a, par ailleurs, travaillé sur le marché des tickets restaurants dans cette zone ce qui nous va beaucoup nous aider. Le président de SoftBank International Group, Michel Combes, qui va entrer à notre conseil dâadministration, a aussi une très forte expérience dans la restructuration de sociétés et les stratégies de built-up (il a dirigé auparavant Alcatel, SFR et Sprint).
IN : Les 200 millions de dollars que vous venez de lever seront-ils suffisants pour vous développer dans les années à venir ?
L.S. : Tout dépend de la manière dont nous nous développons. Si nous nous limitons à la croissance interne, cette enveloppe devrait être suffisante pour de nombreuses années, par contre si nous réalisons des opérations de croissance externe, tout dépendra de la taille des cibles que nous viseronsâ¦
IN : Quels sont les avantages dâêtre une licorne ? Ce statut flatte juste lâego des dirigeants ou permet-il de booster le business dâune société ?
L.S. : Ãtre une licorne est hyper positif lorsquâon suit une stratégie dâinternationalisation. En France, notre marque est bien identifiée mais à lâétranger, elle est encore mal connue. Ãtre une licorne nous apporte un gage de sérieux et représente une forte garantie auprès de nos clients, de nos collaborateurs et de nos cibles potentielles. Ce nâest pas seulement un titre. Câest utile.
source : www.influencia.net