INfluencia : Quelle est lâorigine du mot Geek ?
D.P. : Au Moyen-âge en Europe du Nord, le geek était lâidiot du village. Au Pays-Bas, « gek » signifie aujourdâhui encore le simplet du coin. La danse de la Guigue et le verbe gigoter viennent également de ce mot très ancien. Au XVIIIème siècle, ce nom a été associé par les Anglais avec celui de « freak » qui était le monstre de foire. Parmi tous les « freaks » qui étaient présentés sous des chapiteaux, le « geek » était celui qui était le moins valorisé. Câétait lâhomme qui mangeait tout y compris des cailloux, des morceaux de verre ou du métal et quâon présentait à côté de la femme à barbe. Aux Etats-Unis, le « geek » est resté dans le vocabulaire comme étant un monstre de foire.
Aux Ãtats-Unis, le « geek » est resté dans le vocabulaire comme étant un monstre de foire.
IN : Ce mot est ensuite revenu au goût du jour au XXème siècle ?
D.P. : Effectivement. Dans les années 50 et 60, « geek » était une insulte par très méchante prononcée par les étudiants des universités américaines. Tous les jeunes qui se trouvaient un peu en marge de la vie estudiantine étaient traités de « geek ». Au fil du temps, ce terme a été utilisé pour qualifier tous les passionnés dâinformatique et de jeux de rôle. Les fans de Star Wars et de comics ont rapidement rejoint leur contingent.
Ils ont tous pour point commun de créer des mondes virtuels et de les aborder comme sâils étaient réels
IN : Quand , ce terme est-il arrivé en France ?
D.P. : Les Français qui étudiaient aux Etats-Unis lâont importé à leur retour de lâuniversité dans les années 80. Au milieu des années 2000 avec lâarrivée de lâADSL, nous avons commencé à relier le mot « geek » aux cultures liées aux mondes imaginaires et notamment à Star Wars, aux mangas et au Seigneur des Anneaux. Ces fans peuvent regarder vingt fois le même film pour trouver des détails en arrière-plan tel un informaticien qui lit chaque ligne de code. Ils ont tous pour point commun de créer des mondes virtuels et de les aborder comme sâils étaient réels. Ils veulent sans cesse aller plus loin dans leur immersion de lâunivers quâils se sont créés. Ils suivent une quête sans fin. Câest pour cela que tant de gens ont une passion pour J.R.R. Tolkien qui a inventé des langues et des plantes dans ses livres.
IN : Quelle est lâorigine de la Journée mondiale des Geeks ?
D.P. : Cette journée a été créée en Espagne en 2006 sous le nom de « Dia del Orgullo Friki ». Dans ce pays, les gens revendiquent leur culture geek. Le quartier « El Triangulo Friki » à Barcelone abrite de nombreux magasins spécialisés dans les mangas, les jeux-vidéos ou les déguisements.
IN : combien existe-t-il de Geeks dans le monde ?
D.P. : câest impossible de le savoir. Les jeux-vidéos dépassent, par exemple, la culture geek. Câest une identité revendiquée qui entre dans lâordre de lâintime. Ce qui est certain par contre est que ce phénomène continue de croître année après année même si le nombre de personnes qui se disent geek recule depuis dix ou quinze ans car elles ne ressentent plus le besoin viscéral de le dire tout haut comme dans le passé. Cette culture est devenue presque normale ces dernières années. Il suffit de voir comment Marvel, Star Wars et les jeux-vidéos dominent aujourdâhui le monde du divertissement pour sâen apercevoir.
Nous avons un rapport particulier en France avec la culture qui est très liée à lâÃtat et au patrimoine
IN. : Quelle est lâimportance de ce phénomène en France ?
D.P. : nous avons un rapport particulier en France avec la culture qui est très liée à lâÃtat et au patrimoine alors que dans les pays anglo-saxons la culture doit avant tout être populaire et se vendre très bien. Dans notre pays par exemple, les BD coûtent chères alors quâelles sont bon marché aux Etats-Unis et au Japon. La culture geek est donc très forte en France car beaucoup de gens veulent montrer quâils sâintéressent à autre chose quâà la culture patrimoniale nationale. Ce nâest dâailleurs pas un hasard si nous sommes le deuxième pays au monde le plus amateur de rap et de manga.
IN : quel est lâavenir du mouvement geek ?
D.P. : son côté marginal va continuer de disparaître peu à peu. Cette forme de dilution est la destinée de toutes les sous-cultures. Certains geeks chercheront toutefois toujours à trouver des moyens de se distinguer par rapport aux autres.
source : www.influencia.net