INfluencia : Quelles sont les raisons qui ont encouragé les pouvoirs publics à fusionner le CSA et lâHadopi pour donner naissance à lâArcom, lâAutorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ?
Isabelle Wekstein-Steg : Il y a en a principalement deux. La fusion entre le CSA et lâHadopi sâinscrit, tout dâabord, dans le sens de lâhistoire. On observe en effet un mouvement identique de regroupement des régulateurs à lâétranger notamment au Royaume-Uni et dans plusieurs pays européens. Il est rationnel de créer des institutions fortes qui peuvent lutter avec des moyens importants contre la prolifération du piratage. Il faut également bien reconnaître que le bilan de lâHadopi est mince et que son succès est, pour le moins, très relatif. Entre 2010 et 2019, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet a reçu plus de 82,7 millions dâeuros de subventions publiques et le montant cumulé des amendes quâelle a prononcé se chiffre à ⦠87.000 euros. Près du tiers de cette somme très faible a été recueillie durant la seule année 2019. Ces chiffres sont tirés des rapports annuels de lâHadopi qui sont accessibles sur ce lien. Ils sont donc tout à fait officiels et publics.
Le bilan de l’Hadopi est mince avec 82,7 millions dâeuros de subventions publiques et un montant cumulé des amendes qui se chiffre à ⦠87.000 euros
IN : Quâest-ce que la création de lâArcom va changer concrètement dans le monde de la communication audiovisuelle et numérique ?
O.W.-S. : plus que la fusion du CSA et de lâHadopi en tant que telle, lâélément le plus important est la volonté marquée des pouvoirs publics de renforcer le dispositif juridique en faveur de lâautorité de régulation. Sur les trois dernières années, sept réformes ont permis dâaccroître les prérogatives du CSA. Plusieurs lois ont été votées concernant notamment la manipulation de lâinformation, la lutte contre la haine en ligne ou lâaccès des mineurs à la pornographie. Lâarticle L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle a notamment été modifié afin de prévoir un système de « liste noire » que lâArcom pourra rendre publique. Elle y inscrira le nom et les agissements de sites qui portent atteinte « de manière grave et répétée » aux droits dâauteur ou aux droits voisins, à partir de constats dâinfractions recueillis. Cette liste pourra notamment servir dâappui pour les actions judiciaires des ayants droit. Ces nouveaux outils sont destinés à lutter contre le phénomène de répétition des infractions sur internet, dans la mesure où les sanctions judiciaires de blocage ou de déréférencement des sites illicites sont facilement détournées en pratique par la création dâun nouveau site accessible par un autre nom de domaine. Le mécanisme de réponse graduée est par ailleurs enrichi de la possibilité donnée à un ayant droit individuel de saisir directement lâArcom dâune demande dâintervention, alors que cette possibilité nâétait auparavant donnée quâà un organisme de gestion collective.
L’Arcom inscrira le nom et les agissements de sites qui portent atteinte « de manière grave et répétée » aux droits dâauteur ou aux droits voisins
IN : LâArcom aura t-elle les moyens financiers et humains pour remplir ces missions élargies ?
O.W.-S. : Toute la question est là . Le CSA disposait lâan dernier dâun budget de 37,4 millions dâeuros et lâHadopi dâune enveloppe de 8,2 millions, soit 45,6 millions dâeuros au total. Pour 2022, lâArcom va recevoir 46,6 millions dâeuros de subvention, soit 1 million de plus que le montant cumulé accordé au CSA et à lâHadopi. Le président de la nouvelle autorité de régulation, qui dirigeait jusquâà maintenant le CSA et qui est très compétent et efficace, Roch-Olivier Maistre, a déjà fait savoir quâil aurait besoin de davantage de moyens dès 2023. Lâimportant aujourdâhui est de savoir si lâArcom va avoir un effet dissuasif sur les pratiques illégales sur le net notamment.
Roch-Olivier Maistre, a déjà fait savoir quâil aurait besoin de davantage de moyens dès 2023
IN : La création de lâArcom peut-elle modifier la donne concernant la fusion entre TF1 et M6 ?
O.W.-S. : Je ne le pense pas du tout. Je mâétonne même que la question soit posée. Il y a deux sujets concernant TF1 et M6:  Les renouvellements des autorisations de diffusion des groupes TF1 et M6 qui arrivent à échéance au printemps 2023 devront être examinées à lâaune de la fusion de ces deux groupes. En ce qui concerne la fusion elle-même, rappelons que lâavis du CSA nâétait que consultatif. La création de lâArcom ne change rien au caractère consultatif de cet avis.
source : www.influencia.net