Vous avez occupé plusieurs postes chez Michelin, notamment en marketing et en finances, deux fonctions a priori assez éloignées des questions de la responsabilité environnementale. Comment votre conscience environnementale sâest-elle forgée ?
Mon parcours ne me prédestinait pas à développer une conscience environnementale radicale, encore moins à lancer la Convention des Entreprise pour le Climat ! Je traçais ma route chez Michelin suivant un plan de carrière assez classique. Mais entre 2019 et 2020, un enchaînement de lectures, de podcasts et de conversations a conduit à ma prise de conscience et surtout à ma volonté de prendre part à la grande transformation de société qui sâimpose à nous. Je me souviens dâun jour de mars 2020 où la question du sens sâest brutalement posée pour moi, jâai ressenti un besoin très fort de contribuer à un monde plus responsable. Quelques semaines plus tard, le projet de la CEC mâest apparu comme une révélation. Jâavais trouvé ma manière de faire ma part.
Quel est lâobjectif de la Convention des Entreprises pour le Climat?
La raison dâêtre de la CEC, câest justement de provoquer un sursaut pour que les entreprises prennent toute leur part à la redirection écologique. Lâoriginalité de notre dispositif est dâavoir constitué un collectif de 150 dirigeants dâentreprises de toutes tailles, toutes régions, tous secteurs. Nous leur proposons une démarche que nous résumons en 2 mots, exigence et bienveillance. Exigence car nous voulons que le changement de cap ne soit pas marginal mais fondamental, bienveillance car lâéquipe dâorganisation est issue du monde de lâentreprise, nous savons que la vie de dirigeant est stressante et pleine dâinjonctions contradictoires. Nous nous positionnons donc à leurs côtés pour les aider à réussir leur transformation. Le premier livrable de la CEC, ce seront justement les 150 feuilles de route de transformation que les dirigeants façonnent tout au long de parcours.
Le deuxième livrable, ce sera une plateforme de requêtes à lâattention des décideurs politiques.
2050, câest bien trop tard
Comment encouragez-vous les entreprises à passer à la vitesse supérieure en terme dâéco-responsabilité?
Sâil nây a pas de bascule concrète dâici cinq ans afin de produire des effets positifs sous dix ans, on sera tous pris de court par la catastrophe environnementale. Or, la plupart des entreprises se donnent des objectifs à 2050, se contentant dâavancer par petits pas. Tout le monde sait aujourdâhui que 2050, câest bien trop tard et que les petits pas ne suffiront pas. Il nous faut un grand mouvement, maintenant. Pour faire grandir ce mouvement, un discours critique culpabilisant ne servirait à rien, notre approche consiste au contraire à insuffler une dynamique commune. Les trois premières sessions de la CEC ont eu lieu, nous sommes à mi-parcours, la force de lâélan collectif dépasse toutes nos espérances.
Quelles sont selon vous les entreprises les plus à même dâagir véritablement sur les enjeux environnementaux ? Les grands groupes feront-ils la différence ?
Toutes les entreprises sans exception sont confrontées à des défis majeurs, que ce soit du fait des changements climatiques, de la raréfaction des matières premières, des contraintes énergétiques, des changements dâattentes consommateurs⦠ou de tous ces facteurs à la fois⦠Celles qui vont sâadapter le plus vite sont celles dont les dirigeants comprennent lâampleur des changements à venir et se préparent à construire des business models gagnants dans lâéconomie de demain.
Personnellement je crois que les grands groupes seront les derniers à se hisser à la hauteur des enjeux : ils ont certes une communication très léchée, mais ils sont soumis à dâénormes forces dâinertie et aussi de très solides cordes de rappels, notamment les exigences de rendement court terme de leurs actionnaires. Les grands groupes risquent de se contenter encore longtemps de ce que nous appelons « la RSE à la papa », câest-à -dire des modifications à la marge.
Quel genre dâentreprises et de dirigeants font partie de la CEC ?
Le point commun des 150 dirigeants engagés dans la CEC, câest leur capacité de remise en question personnelle et leur envie de contribuer à plus grand quâeux⦠mais ce qui caractérise le collectif de la CEC, câest la diversité. De la Corse à la Bretagne, du secteur agricole au secteur financier, des société cotées aux coopératives⦠Dans la CEC, des start-uppeurs de 25 ans peuvent côtoyer les PDG dâHeineken ou de Renault Trucks⦠Au total, nos membres totalisent 75 milliards dâeuros de chiffre dâaffaires et 500 000 salariés.
Propos recueillis par Sophie Guignard.
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source : www.influencia.net