LâImpératrice cartonne depuis quelques années. Après un développement éclair sur le marché étasunien, le groupe dâélectro pop sâest retrouvé propulsé il y a deux ans sur le line up de lâiconique festival Californien Coachella. Un véritable accomplissement pour une formation française, signée, qui plus est, en indépendant. Loin de se laisser griser, ses six membres sont retournés en studio pour nous livrer il y a tout juste un an Tako Tsubo, leur second album.
Un projet salué par les critiques qui les a conduit jusquâà une nomination surprise à la dernière édition des Victoires de la Musique, dans la catégorie Révélations. De quoi fêter ça sur les planches du Zénith le 28 mars dernier et par la même occasion fouler la plus grosse scène parisienne de leur carrière. Success is sweet.
Pour en apprendre plus sur les stratégies mises en place pour faire grandir le groupe et conquérir le marché US, mais également sur les évolutions structurelles rencontrées par lâécosystème musical indépendant ces dernières années, nous avons eu la chance de converser avec Pascal Bittard, président et fondateur dâIdol, et Antoine Bigot, fondateur et directeur artistique de Microqlima, respectivement distributeur et label du groupe. Aujourdâhui nous vous livrons notre entretien avec la tête pensante dâIdol, lâune des structures les plus importantes du secteur. Celui dâAntoine Bigot sera publié dans la newsletter de demain*!
INfluencia : considérant la relation que vous entretenez avec Antoine Bigot et les équipes de Microqlima, en quoi Idol se démarque des autres distributeurs indépendants ?
Pascal Bittard : Idol est un distributeur singulier car nous faisons depuis longtemps ce que lâon appelle du label service, à savoir proposer à nos partenaires un accompagnement plus approfondi que nos concurrents. Normalement un distributeur ne sâoccupe que des dernières étapes de la vie dâun projet, essentiellement le marketing commercial. Il entame pour ce faire une collaboration avec le label responsable de ce dit projet, qui lâa vu naître, afin de le distribuer, en physique comme en digital. Concrètement, notre métier revient à optimiser la visibilité de nos labels sur les plateformes de streaming. Mais dès nos débuts, nous avons voulu nous imposer en tant que distributeur haut de gamme en leur apportant différents services additionnels. Pour Microqlima, il sâagissait en premier lieu de leur faire profiter de notre expérience sur la distribution en physique. Eux venaient initialement nous chercher pour le digital, et nous avons dû rapidement leur faire comprendre que lâun allait pas sans lâautre. Nous essayons, à chaque collaboration, dâêtre force de proposition. Aujourdâhui, nous accompagnons également Antoine sur la vidéo et le web marketing.
IN : comment choisissez-vous vos partenaires ?
P.B : on est très sélectif, quitte à sâasseoir sur de gros deals, pour éviter de surcharger notre catalogue et de ne plus avoir le temps de nous investir pleinement auprès de nos clients. Mais nous nous positionnons sur tous les genres musicaux, du jazz à lâélectronique. Ce dont je suis le plus fier dans ma carrière câest dâavoir grandi au contact, et parallèlement, de certains labels, tels que Microqlima. Câest un très bon exemple. Antoine Bigot est venu nous voir il y a 6,7, 8 ans en nous tenant à peu près ce discours : « je suis en licence chez un autre label mais je ne veux plus me cantonner au rôle de producteur. Je veux créer mon propre label pour être plus impliqué dans les projets sur lesquels je travaille ». Malgré tout il hésitait, alors on lâa poussé et il nous a rapidement montré quâon avait eu raison de le faire, vu le succès de plusieurs de ses artistes. Câest un parfait exemple de réussite mais surtout dâune bonne synergie entre label et distributeur. Antoine est très créatif, notamment en community management, mais on lâa beaucoup aidé à se structurer, et eux nous ont beaucoup apporté par leur jeunesse et leur talent.
IN : plus concrètement, sur lâémergence de lâImpératrice, comment avez-vous apporté votre pierre à lâédifice ?
P.B : en premier lieu, sur le développement à lâinternational. Même en étant une structure plus petite que la plupart de nos concurrents, câest lâune de nos spécialité car nous savons nous montrer plus créatif. Il se trouve que ce groupe nâétait quasiment pas développé hors de la France, et surtout outre Atlantique. Certains groupes, les plus chanceux, obtiennent des buzz immédiats, ce qui nâa pas été le cas de LâImpératrice qui ne cumulait, au début de notre collaboration, que quelques milliers de streams. On sâest alors posé cette question dâune hypothétique conquête des états unis, notamment avec Talent Boutique, leur tourneur. Ces derniers ont constitué une première petite tournée il y a 3 ou 4 ans et nous avons fait le choix de beaucoup les accompagner, en les aidant par exemple à choisir un attaché de presse aux US et au Mexique, on a établi ensemble toute la stratégie de conquête du marché etc. Tout sâest très bien passé en stream et en promo média, résultat nous avons récolter lâune de nos plus grosses victoires : être booké à Coachella. Une belle aventure qui nâa malheureusement toujours pas pu se concrétiser car le festival a été annulé ces deux dernières années à cause du Covid. Mais cette année est la bonne et le groupe est prêt à partir dans un mois. Le résultat de tout ce travail que lâon a fourni ensemble.
globalement pendant toute une partie de la crise du disque et lâémergence du digitale ces 15 dernières années, les indépendants ont repris du poil de la bête.
IN : concernant votre nomination au conseil dâadministration de Merlin, qui regroupe l’ensemble des distributeurs indépendants sous une seule et même bannière, l’industrie est-elle, selon vous, plus structurée que par le passé ? Â
P.B : globalement pendant toute une partie de la crise du disque et lâémergence du digitale ces 15 dernières années, les indépendants ont repris du poil de la bête. Ils se sont montrés réactifs face à cette cette transition vers le numérique. Une transition particulièrement longue car, au contraire de lâindustrie photographique, par exemple, qui a connu une transformation similaire mais de seulement trois ou quatre ans, chez nous elle est encore dâactualité. De plus, lâindustrie musical a même surement été la première des industries culturelles à faire face à ce contexte technologique. Pourquoi ce processus est-il aussi long ? Simplement parce que le physique est toujours en vie. Dans ce contexte particulier, les indépendant ont su prendre une grande place au niveau international. Mais il faut se montrer prudent car le marché en bel et bien en pleine croissance. Bon, pas de la même intensité que dans les années 2000, mais une belle croissance quand même. On constate que beaucoup dâargent circule, certains nâhésitent pas à dire que les investisseurs ne savent plus quoi faire de leur argent, y compris dans lâindustrie du disque. Quelques très gros indépendant ont su tirer partie de cette bonne santé économique, à lâimage de Believe en France. Aux US, par ailleurs, nous avons vu de nombreux fonds qui se sont montés pour racheter dâimportants catalogue. Nous sommes donc en mesure dâaffirmer que le marché se consolide, même si ce nâest pas forcément une bonne nouvelle pour les petits et les moyens indépendants.
IN : comment Merlin Åuvre à cette restructuration et à la bonne santé financière de ses membres ?
P.B : au début, tout le monde était de son côté, mais on a voulu se regrouper pour lutter à armes égales avec nos concurrents. Même dans le physique , avec certaines structures comme la Fnac, Leclerc, Cultura etc. Quand on prend lâexemple dâIdol, nos 5 plus gros clients sont Spotify, Google/Youtube, Deezer, Apple, Amazon. Au moins de ces entreprises sont plus forts que lâEtat Français. En fait le groupement de la presque totalité des distributeurs indépendants nous a apporté plus de poids et de légitimité dans les négociations avec nos interlocuteurs, en premier lieu les plateformes de streaming. Quand jâai commencé, il existait six majors dans le monde. Aujourdâhui elles ne sont plus que trois, Warner Music, Universal Music et Sony Music â qui contrôlent à elles seules 80% du catalogue mondial des artistes présents sur les plateformes â. Nous nous positionnons, grâce à Merlin, comme la quatrième. Nous pouvons donc nous asseoir à la table des plateformes de streaming et leur dire : « regardez tous nos chiffres cumulés nous autorisent à vous demander des deals équivalents à ceux de nos concurrents ». Grâce à Merlin, la grande majorité des indépendants distributeurs, ont signé des contrats équivalents à ceux des majors.
*Demain, ne ratez pas l’interview d’Antoine Bigot directeur artistique de Microqlima.
source : www.influencia.net