INfluencia : la manière de consommer la TV et donc de la monétiser a radicalement changé. Pouvez-vous nous expliquer les principaux traits de ce changement ?
Laurent Bliaut : on observe aujourdâhui  un phénomène de base qui est celui de la convergence de la consommation vidéo et TV, quel que soit lâappareil utilisé. Derrière un écran de TV, on retrouve tous les contenus vidéo. En effet, aux côtés du linéaire ou du replay, vous avez du YouTube ou du Netflix. Dans lâautre sens, sur un mobile ou sur un PC, vous trouvez les contenus vidéos du digital, et ceux de la télé ! Lâévolution des capacités technologiques du digital a généré ces dernières années une concurrence de plus en plus frontale avec les médias offline. Le digital a challengé dâabord la presse écrite, qui a énormément perdu dâaudiences, puis la radio et la TV. Si le digital a prouvé sa plus grande efficacité pour les annonceurs comparé à la radio et à la presse, la TV a su rester résiliente. Et la raison est simple : la TV permet de faire à la fois du branding et de la performance. Elle est la seule à le permettre, avec certains leviers digitaux.
IN : comment la monétisation de la TV se porte-t-elle entre le linéaire et le digital ?
L.B. : lâaudience de la TV linéaire est en phase dâérosion et cela ne surprend personne car les autres usages de la TV progressent partout. Sur MyTF1, les derniers chiffres connus dâaoût 2021 indiquent une progression de 25 % des audiences comparé à août 2020. La monétisation sâaccroît sur le digital tout simplement parce que les audiences augmentent. Nous bâtons des records dâaudience tous les ans, et cela génère plus de recettes. Dâautant que nous injectons de la valeur à nos inventaires. Un CPM vaut de 40 % à 50 % plus quand le média est vendu avec la data. Tous nos inventaires sont « dataïsés » : les inventaires digitaux de MyTF1, ceux de la TV segmentée, et même la TV linéaire, à travers notamment les panels Kantar.
IN : quels sont les autres principaux leviers de croissance des recettes publicitaires de TF1 aujourdâhui ?
L.B. : la TV segmentée est un levier de croissance porteur dâespoir pour nous. Dâici le premier trimestre 2022, la levée des derniers freins (ouverture au prime time et fin des restrictions du nombre de spots par écran) nous permettront dâaccélérer sur la TV segmentée. Nous opérons avec Orange et Bouygues et espérons trouver bientôt un accord avec SFR et ensuite avec Free. Nous avons déjà réalisé ou programmé plus de 100 campagnes depuis le début de lâannée et devrons dépasser les 120 au total. Cela fait beaucoup de campagnes, mais les tickets dâentrée sont encore petits. Nous avons en effet déjà pu constater deux aspects majeurs. Dâune part, on vend mieux nos inventaires. Comparé à la TV linéaire, la TV segmentée coûte plus cher parce quâelle est ciblée et les inventaires sont optimisés. En contrepartie, il nây a plus de gros tickets dâentrée : vous pouvez adresser votre campagne à une petite cible ou une petite zone. Le deuxième avantage pour nous est dans la multiplication dâopportunités de monétisation dâune même émission : plusieurs annonceurs pourront lâacheter, chacun ciblant une catégorie sociodémographique et une zone géographique différente.
IN : vous aviez lancé une offre de programmatique TV permettant aux annonceurs du digital dâaccéder à certains de vos inventaires avec One PTV. Quelle est lâimportance du programmatique pour vous ?
L.B. : le programmatique nâest pas déterminant pour la valeur. Son intérêt, câest de nous permettre dâouvrir nos inventaires à des acteurs qui nâauraient jamais acheté chez nous autrement. Nous commençons à savoir faire en sorte que dâinvestir sur notre inventaire soit aussi simple que dâacheter un mot-clé chez Google. La Box entreprise [plateforme qui facilite lâaccès à lâachat média sur les inventaires TF1 pour les PME, N.D.L.R.] sert aussi à cela. De même, notre partenariat avec Leboncoin vient pour renforcer la commercialisation de nos inventaires de TV segmentée auprès des PME-PMI au niveau local.
IN : tous ces chantiers sont-ils là pour vous permettre de vous ouvrir davantage ?
L.B. : câest cela, câest une question dâaccès, de développement du nombre de clients. Progressivement, tous ces inventaires, outils et offres â TV segmentée, inventaires MyTF1 en IPTV et digital, etc. â nous permettent dâadresser de nouveaux clients. Il y a 15 ans, TF1 avait un ticket dâentrée extrêmement élevé. Aujourdâhui toute cette gamme nous rend beaucoup plus accessibles. Et câest ce qui fait la force des plateformes : leur top 100 clients ne représentent pas plus de 20 % de leurs recettes, pour certaines dâentre elles !
IN : dans ce contexte de convergence avec le digital, la peur de voir les prix de ses inventaires TV perdre de la valeur sâest-elle dissipée ?
L.B. : tout dépend de quoi on parle. La norme en vigueur sur le digital ne permet pas de comparer un inventaire vidéo à un inventaire TV. Sur le digital il suffit de 2 secondes de visionnage pour quâune impression soit prise en compte, quelle que soit la durée du spot vidéo. Or, nos taux de complétion sont de lâordre de 95 %. La valeur nâest certainement pas la même : il faut comparer ce qui est comparable ! Câest pour cette raison que nous sommes très favorables à lâadoption en France de la norme cross media publiée par le Media Rating Council (MRC) en début dâannée [la référence se trouve sur ce lien, N.D.L.R.]. Cette norme prévoit que lâimpression soit pondérée par la durée dâexposition. Dans notre exemple plus haut, dans le cas dâune vidéo de 20 secondes, une exposition de deux secondes ne compterait plus comme une impression mais comme 0,1. Sur One PTV, que lâon met à disposition du marché via un DSP (The Trade Desk), on vend la TV linéaire encore plus cher au contact que via la programmation classique en gré à gré. Mais quand on tient compte du taux de complétion, ce nâest pas cher du tout ! Câest pour cela que lâadoption du standard MRC par lâindustrie française est un enjeu majeur pour nous. Cela va animer les débats de lâinterprofession dans les prochains mois.
IN : quelles synergies avez-vous établi entre la TV et les marques dâUnify ?
L.B. : les synergies sont très nombreuses sur les opérations spéciales. Ce sont des dispositifs intégrés concernant plusieurs médias et parfois la production de brand content. Dans tous nos appels dâoffre pour ce type dâopération, nous intégrons des extensions avec les assets dâUnify pertinents pour la marque, y compris en matière de production de contenus (Unify dispose de studios de production). La data dâUnify nous permet également de qualifier les inventaires de MyTF1 sur des cibles particulièrement présentes sur leurs verticales.
IN : quels sont vos chantiers prioritaires pour les mois à venir ?
L.B. : ce sont des chantiers qui concernent lâensemble de lâindustrie. Je pense notamment au manifesto de la WFA, qui enjoint lâadoption de solutions de planification et reporting de plans mixtes TV, vidéo et display. Ferons-nous du standard MRC une monnaie commune en France ? Câest ce que nous souhaitons. Peu importent dâailleurs quâelle soit exprimée en GRP ou CPM ou les deux, du moment où la définition du contact est homogène. Se pose aussi la question de la déduplication des impressions entre les différents environnements vidéo. Câest un gros enjeu pour Médiamétrie afin que nous puissions disposer de media plannings et bilans cross media. En deux mots, il nous faut industrialiser la convergence avec des KPI homogènes. Et nous ne sommes quâau début des discussions.
source : www.influencia.net