INfluencia: vous-vous décrivez comme un organisme neutre dont le rôle est dâinformer⦠Que fait aujourdâhui Russie-Libertés ?
Olga Prokopieva: nous sommes depuis la création il y a dix ans, une organisation neutre et indépendante dont lâobjectif est de soutenir le développement dâune démocratie digne de ce nom et de défendre la défense des droits humains en Russie. Notre mission est de partager une information objective sur la situation politique du pays. Enfin, nous rendons compte de manière régulière de lâétat des institutions, des libertés et des droits humains en Russie.
IN. : aujourdâhui plus que jamais vous devez être mobilisés. Quelles actions menez-vous, concrètement ?
O.P. : en tant que mouvement de la société civile, nous organisons régulièrement des conférences, -la dernière portait sur La censure de guerre qui tue-, réalisons des expositions pour aider les artistes réfugiés, et publions des ouvrages tels que Les autres visages de la Russie » en partenariat avec Mediapart et lâéditeur Les Petits Matins, Amnesty International France, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de lâhomme (FIDH). Notre rôle plus que jamais est de faire comprendre aux citoyens que tous les russes ne sont pas pro-Poutine. En juin, nous mettrons sur pied une marche contre le régime de Poutine à Paris.
IN. : vous nâaccompagnez pas, les Russes en France, dites-vousâ¦
O.P. : effectivement, notre rôle est dâalerter et de donner la parole aux journalistes, auteurs russes, universitaires, femmes et hommes politiques, syndicalistes, artistes et militants russes et français qui se battent pour lâinformation, mais nous collaborons avec Russie Asile, -par exemple-, qui elle sâoccupe de toutes les démarches administratives auprès des préfectures.
IN. : ce conflit enfle, Vladimir Poutine se fait chaque fois plus menaçant. Que préconise Russie-Libertés pour cesser ce massacre ?
O.P. : la seule manière dâarrêter cette guerre est dâappuyer lâembargo sur le gaz et le pétrole, à notre sens. La machine de guerre de Poutine ne pourra cesser que si on lui coupe les vivres. On sait quâil y aura des dommages collatéraux pour le peuple russe qui va souffrir, mais au final ce sera pour de bonnes raisons.
IN. : la propagande marche à plein⦠Comment lâexpliquez-vous ?
O.P. : la population russe est vieillissante. Les plus âgés sont sous lâinfluence de la télévision. Ils ne savent rien dâautre que ce quâils regardentâ¦
IN. : estimez-vous que les medias français parlent suffisamment de ces Russes qui sont contre ce terrible régime et se battent à leur manière ?
O.P. : en France, lâinformation se fait surtout en termes de géopolitique et de guerre. On ne parle pas beaucoup de la Russie. Beaucoup de nos concitoyens sont dâailleurs étonnés quâon leur parle dâeffondrement de lâétat, des droits et des libertés qui sâest accéléré depuis dix ans. Or cette répression a été concrétisée en 2017 avec « La loi sur les agents à lâétranger ». Les gens nâimaginent pas que des Russes vivant en dehors du pays sont épiés, et doivent rendre des comptes, faire du reporting au service dâétat qui contrôle leurs activités. En 2021 cette loi sâest encore durcie. Il faut arrêter dâécouter Poutineâ¦
IN. : Vladimir Poutine brandit la menace dâune troisième guerre mondiale si lâinterventionnisme en faveur de lâUkraine se poursuit. Faut-il le croire ?
O.P. : avec cet homme, toutes les menaces peuvent devenir réelles. Il ment, il nâa pas de limites, tout est possible. Lâéconomiste russe exilé en France depuis quelques années déjà , Sergueï Gouriev désormais professeur en sciences économiques à Sciences Po a écrit un article dans lequel il démontre pourquoi la menace économique a bien plus de poids sur le régime de Poutine, et des conséquences moins graves pour lâEurope, que de fournir des armes indéfiniment.
IN. : des groupes français tels que Mulliez (Auchan, Decathlon, Leroy Merlin, Saint Maclou) ont pris la décision de rester sur le sol russe. Quâen pensez-vous ?
O.P. : on ne peut pas affamer une population⦠Nous croyons plus aux sanctions ciblées auprès des oligarques russes afin de créer une tension autour de Vladimir Poutine et à lâembargo sur le gaz et le pétrole.
IN. : vous dites soutenir également Les Pleureuses, groupe féministe. Quâen est-il ?
O.P. : câest une autre manière de combattre pour ses droits. Les Pleureuses est un mouvement féministe. Pour se faire entendre elles organisent des événements éphémères, des performances. En Russie dès le début de la guerre, des militantes se sont organisées pour participer pacifiquement à des activités, exprimant ainsi leur opposition à la guerre.
IN. : avez-vous de la famille en Russie ?
O.P. : je suis en France depuis de longues années. Jâai des grands parents là -bas auxquels je ne parle plus, des amis qui pensent vivre dans un pays libre et qui estiment que la manipulation se déroule ailleurs⦠Mais même si tout cela est très triste, il y a beaucoup de Russes qui partagent la conviction quâune autre Russie peut exister.
En résumé
Russie-Libertés câest : le président Nicolai Kobliakov, le secrétaire général, Alexandre Nikitin, le trésorier Dmitry Rodin, le président dâhonneur, Alexis Prokopiev, Michele Poussard, Ekaterina Oleinikova et Olga Prokopieva. Par ailleurs, l’association compte 50 adhérents et 2000 sympathisants.
source : www.influencia.net