INfluencia : un grand classique pour commencer, pouvez-vous nous parler de la genèse du projet ? Quâest ce qui vous a motivé à lancer Explore Media.
Jérémy Nacache : il sâagit avant tout dâune passion pour lâinnovation au sens large. Michaël Sebbag, mon associé, avec qui jâai fondé le media, et moi-même, avons toujours été des grands consommateurs de contenus sur lâinnovation, notamment sur Kickstarter. Au lancement du site, on était fascinés par tous ces projets un peu dingues mais peu connus du grand public. En créant Explore Media on avait vraiment cette volonté de sortir lâinnovation de son petit carcan en rendant grand public des sujets soi-disant « obscurs ». Mais ce qui a fait la nouveauté de notre offre éditoriale est quâau moment de nous lancer, il nây avait presque pas de contenus comme le nôtre sur les réseaux sociaux. On y trouvait surtout du divertissement et de lâactu à chaud.
Maximilien Devay : encore aujourdâhui, lâessentiel des médias présents sur les réseaux sociaux rebondissent sur lâactualité. Nous pensons que ce nâest pas la meilleure stratégie car les algorithmes de Facebook, Youtube et consorts encouragent un traitement sensationnaliste de lâinformation. Cela induit les médias à créer, ou à orienter, leur contenu sur des sujets sensibles. Rien de compliqué à cela. Vous travaillez dans la presse donc vous comprenez ce que je dis, même la manière de tourner le titre dâun article aura forcément une conséquence sur la nature des commentaires et des posts quâil suscitera. On a donc fait le choix de ne pas faire de lâactu à chaud, de privilégier les contenus froids. Ce qui est drôle câest quâon se fait parfois rattraper par lâactualité. Par exemple, on avait publié une vidéo il y a quelques temps au titre évocateur : « Que se passerait-il si toutes les bombes nucléaires stockées sur terre explosaient en même temps ? ». Après lâinvasion de lâUkraine par la Russie, elle a été remise sur le devant de la scène et a fini par générer un grand nombre de vues. On aborde nos sujets, non sous le prisme de lâactu mais de ce qui cristallise aujourdâhui la société. Résultat, on peut se targuer dâavoir une communauté très saine. Les gens ne sâécharpent que très peu sur les posts que lâon publie sur les réseaux. On en est fiers.
IN : pouvez-vous nous décrire votre ligne éditoriale ?
Maximilien Devay : nous voulons que chaque membre de notre audience apprenne quelque chose à travers nos contenus. Nous sommes littéralement dédiés à la connaissance, en témoignent nos trois concepts fondateurs que sont la découverte, lâinnovation et la Science. Câest essentiel car il faut apprendre à vivre avec le monde qui va arriver. Il sâagit de journalisme de solution. On évitera de commencer une vidéo avec quelque chose de négatif, on en trouve tellement facilement sur les réseaux sociaux. Si lâon fait un sujet sur le nettoyage des plages, par exemple, on essayera toujours de le contextualiser avec un chapitre sur le temps que prend un mégot à se décomposer dans la nature.
Jérémy Nacache : on se définit plus comme un groupe de créateurs de contenus que comme un média au sens strict. On ne se refuse rien. Notre tagline le résume dâailleurs parfaitement : « stay curious ». Nous voulons mettre en lumière des sujets dont on a entendu parler nulle part ailleurs et répondre à des questions que lâon ne sâest pas encore posées.
Maximilien Devay : on cherche à briser les bulles de filtres.
https://www.youtube.com/watch?v=4Gb2ZkCNKXE
IN : comment se décompose votre offre entre les vidéos que vous produisez vous-même et le reste qui provient « de la curation de contenus ârepackagésâ et réécrits », comme jâai pu le lire dans le communiqué ?
J.N. : câest assez fluctuant. Dâailleurs les contenus originaux ne font que croître. La vérité câest que lâon préfèrera toujours créer du très bon contenu plutôt que dix vidéos par jour de moyenne qualité. Si vous vous baladez sur nos différentes chaines, vous constaterez que lâon publie beaucoup moins que les autres médias.
IN : avez-vous prévu dâaborder dâautres thématiques que lâinnovation dans les mois ou les années à venir ?
J.N. : quand on sâest lancés en 2017, nous étions vraiment axés sur lâinnovation. Très vite, on a réalisé que notre « terrain de chasse » était connexe avec les sciences. Résultat, le média évolue constamment pour devenir celui de la connaissance au sens large. On peut autant parler dâhistoire, de biologie, dâécologie que de politique⦠tous les champs de la connaissance.
M.D. : mais nous sommes aussi conditionnés par nos canaux de diffusion. Dès quâun nouveau réseau social émerge, il amène avec lui de nouveaux codes éditoriaux qui nous poussent à adapter nos contenus. Par exemple, on investit beaucoup Snapchat en ce moment avec les « Show », un format vertical de 3 à 7 minutes sensé proposer du contenu plus scénarisé. Cela nous a permis de lancer une série de vidéos qui traitent de questions que tu ne tâes jamais posées mais que lâon estime dignes dâintérêt, type : « comment se déplace le président américain ? », « comment Pixar a perdu Toy Story ? ». On peut parler de tous les sujets mais en termes de format, le challenge est de réussir à épouser les codes éditoriaux qui nous sont proposés.
Le seul fait de prendre du recul sur lâactualité nous permet dâaborder nâimporte quelle thématique à nâimporte quel moment.
IN : vous mâavez dit tout à lâheure vouloir « briser les bulles de filtre ». Comment y arriver et pourquoi le format court est-il, selon vous, la solution ?
M.D. : déjà par la manière de traiter les sujets. On nâa jamais été fans des faits divers, des sujets toujours très à chaud, et que lâon retrouve beaucoup aujourdâhui sur les réseaux sociaux. Le seul fait de prendre du recul sur lâactualité nous permet dâaborder nâimporte quelle thématique à nâimporte quel moment. Par exemple, la guerre en Ukraine. Tous les médias la couvrent, tu en manges toute la journée, et câest normal ! Mais quand tu atterris chez nous, on va te parler dâautre chose. On pourrait croire quâon navigue à contre courant mais non. Voilà comment on sort des bulles de filtre et du rythme de publications imposées par lâactualité. Après, sur la seule question du format court, il permet dâinitier une réflexion sur un sujet donné. Mais si son audience souhaite le creuser davantage, câest à elle de le faire. En une minute montre en main, il est difficile dâexpliquer la fusion nucléaire aussi bien que le ferait Einstein (rire). Câest pour cela que nous sommes parfaitement complémentaires avec des médias comme INfluencia, pour ne citer que vous.
J.N. : on ouvre des portes vers plein dâunivers différents et câest aux gens de les explorer.
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IN : concernant votre modèle économique, le brand content est-il finalement le passage obligé pour nâimporte quel média qui cherche à pérenniser son économie et à installer sa marque dans un secteur toujours plus compétitif ?
J.N. : je ne sais pas pour les autres mais en ce qui nous concerne, nous sommes un média indépendant qui se développe sur fond propre depuis 2017, après quelques levers de fonds au début de lâaventure. Les modèles économiques de la sphère médiatique reposent souvent sur plusieurs leviers. Nous cherchons toujours à varier nos sources de revenues, le brand content en est une, et ce depuis nos débuts. Il ne faut pas oublier que jusquâen 2019, il nây avait que Youtube qui rémunérait les créateurs de contenus. Aujourdâhui les choses ont changé avec Snapchat et Instagram qui ont raccroché le wagon.
M.D. : Mais surtout, nous choisissons avec attention les projets sur lesquels nous travaillons pour ne pas trahir notre ligne éditoriale. Le brand content est une belle opportunité pour nous car il nous finance des vidéos de meilleure qualité tout en nous donnant accès à des ressources folles. Là , par exemple on sort une vidéo pour Renault qui nous a fait découvrir tout leur design lab qui était extrêmement bien équipé. Ãa nous donne aussi lâopportunité dâexpliquer lâinexplicable, de traiter des sujets très techniques et de les rendre sexy pour les réseaux sociaux. Sans jamais brouiller la frontière entre publicité et journalisme.
Le brand content est une belle opportunité pour nous car il nous finance des vidéos de meilleure qualité tout en nous donnant accès à des ressources folles…
IN : vous nous parlez depuis la Vivatech avec laquelle vous accomplissez votre troisième partenariat dâaffilée. Quâest ce qui vous a motivé à retenter lâexpérience ?
J.N. : notre relation avec la Vivatech sâest tissée de manière super naturelle. Et pour cause : parmi nos différentes chaines, nous avons « 1 innovation par jour », peut-être celle qui marche le mieux, donc les sujets que lâon traite tout au long de lâannée on les retrouve quasiment tous ici.
M.D. : mais lâenjeu est double. Câest une fierté de sâassocier à la plus grande messe de lâinnovation de France, et peut-être même dâEurope, mais câest aussi une opportunité incroyable de découvrir de nouveaux projets que lâon se devrait de faire connaître.
IN : Maximilien Devay, jâai lu sur votre page Linkedin la citation suivant : « un bon contenu sans visibilité, câest comme un bulot sans mayonnaise ». Avec lâarrivée croissante de médias vidéo sur les réseaux sociaux, qui tente dâoccuper le même espace médiatique que vous, ne craignez vous pas que la mayonnaise, limitée par nature, manque de plus en plus pour assaisonner tous les bulots de ce monde ?
M.D. : donc vous aimez aussi les bulots (rire), on est rassuré. Bien sûr ! Dernièrement, vous avez Jamy Gourmaud, par exemple, qui sâest lancé un peu sur le même segment. La différence c’est que comme je vous lâai dit, on ne se considère pas comme un média au sens strict. Nous ne cherchons absolument pas à rester dans notre coin. Même Jamy pourrait être amené à faire une vidéo pour nous, on ne sait jamais. Chaque nouvelle personne qui se met à parler dâinnovation rend les internautes plus curieux ce qui, à terme, conduira forcement nos vidéos à remonter plus souvent. Grossièrement, plus les réseaux sociaux tendent vers lâinnovation et la connaissance, mieux on sera. Notamment car lâon se positionne en tant que leader de ce segment, les chiffres le prouvent.
Câest là quâon intervient, je crois beaucoup à la marque employeur.
IN : avez vous des actus à venir dont vous pouvez nous parler ?
M.D. : oui, plusieurs, notamment en brand content. On va sortir une super vidéo pour Intel ou lâon explique une bonne fois pour toute comment â bien â choisir un ordinateur portable. Toujours la même rengaine, vous allez sur le site de la Fnac ou autre, vous entendez parler de Go Ram, de disque dur SSD, de processeurs Intel core i5 ou i7⦠la plus part des gens nây comprennent rien. Donc on a réalisé une vidéo avec lâinfluenceur spécialisé V2F pour leur donner les clés. On a aussi la vidéo sur Renault pour présenter leurs équipes de modélisation 3D, que lâon a déjà évoquées. Et les choses sâaccélèrent. En ce moment vous avez plein dâentreprises, et surtout de grands groupes, qui recrutent et qui ont besoin de contenus pour expliquer leurs métiers que souvent, en prenant lâexemple de notre projet pour Renault notamment, plus personne ne comprend. Les grands groupes, type Dassault, Airbus⦠les fleurons historiques de lâindustrie française sur lesquels nos parents et leurs parents avant eux se seraient jetés ne savent plus trop se raconter. Câest là quâon intervient, je crois beaucoup à la marque employeur.
source : www.influencia.net