INfluencia : étonnamment et alors que lâon ne cesse dâévoquer ces sujets, aucun indicateur professionnel nâexistait jusquâà aujourdâhuiâ¦
Luc Wise : le sujet de la diversité et de lâinclusivité a toujours existé en publicité. LâARPP publiait jusquâen 2009 une étude qui était un outil pour les publicitaires, mais depuis, bizarrement, rien. Or tout le monde a un avis sur la question, et de fausses impressions… La presse professionnelle qui sâintéresse de fait à la question pense quâil y a un engouement un peu trop systématique pour cessujets, en parallèle si vous interrogez les consommateurs, ils estiment que la diversité et lâinclusivité sont sous-représentés dans la communication. Nous avons décidé avec Kantar de créer ce premier baromètre pour apporter un éclairage objectif. Un baromètre pour lequel nous avons en effet travaillé sur une méthodologie qui combine une analyse de contenus publicitaires (data et pré-tests et post-tests publicitaires), et une enquête auprès de 1000 Français. Cette lecture croisée permet de confronter la perception et les attentes des Français à la réalité du contenu publicitaire.
IN. : Et que disent les Français ?
L.W. : le baromètre souligne un plébiscite pour la diversité dans la publicité. Les Français, sont pour 75% persuadés quâil est important de montrer des minorités, dans une France divisée, avec des tensions communautaires accentuées pendant la campagne présidentielle. Ils sont 78% à trouver que les marques font plus dâefforts sur le sujet ces dernières années. Et que cette représentation sâaméliore surtout, selon eux, pour les personnes de couleurs de peau ou dâorigine différente. Mais en revanche lorsquâil sâagit dâévoquer des marques inclusives, ce sont Benetton et Dove qui arrivent très largement en tête.
IN. : Benetton qui ne communique plus ainsi depuis 30 ans⦠Et Dove qui a démarré sa construction inclusive en 2004⦠Comment expliquez-vous ce phénomène ?
L.W. : Benetton a laissé une trace indélébile dans lâesprit des Français parce quâà lâépoque, le débat médiatique déclenché par la marque de prêt à porter était lâéquivalent dâun buzz aujourdâhui… à une époque où sâengager pour une marque était absurde, ou en tout cas mal venu pour beaucoup, -comment une marque pouvait oser sâengager alors que son job câest de vendre des pulls ?-, les affiches de Oliviero Toscani étaient de pures provocations… Pour sa part, Dove, prouve que sa démarche est sincère, et que les citoyens lâont entérinée comme telle. Loin, très loin derrière apparaissent H&M, Decathlon et Carrefour.
IN. : comment expliquez-vous ce décrochage ?
L.W. : pour les Français, les marques manquent de sincérité et dâauthenticitéâ¦69% dâentre eux pensent que les marques sâengagent sur le sujet par opportunisme, pour surfer sur la tendance ou être politiquement correct. 38% estiment que la diversité nâest quâun élément accessoire de la publicité. Une chose est claire si Benetton et Dove viennent immédiatement à lâesprit, câest quâil y a lâaudace et la persistance qui seules comptent, en matière de pub.
IN. : la publicité serait en retrait aussi sur la représentation des masculinités et en matière de handicap?
L.W. oui, on parle souvent de la représentation de la femme dans la publicité ces dernières années, notamment avec des publicités comme Darjeeling qui a su sortir de son pré carré convenu, mais lâétude montre que les hommes se sentent mal représentés, victimes dâarchétypes et de stéréotypes rétrogrades. Le sportif musclé quâon retrouve par exemple chez Nivea Men, le businessman chez Uber ou encore le séducteur qui plaît à toutes les femmes chez Dior⦠D’un autre côté certaines semblent ouvrir la voie et essaient de véhiculer des représentations nouvelles des masculinités, comme par exemple Gilletteâ¦Â Mais il faut également parler de handicap qui est le grand oublié de la publicité⦠Alors que 12 millions de Français sont en situation de handicap en France, seulement 9% des Français disent avoir vu une publicité montrant une personne en situation de handicap⦠Lâanalyse de Kantar montre quâen réalité, seulement 3% de la publicité française montre une personne en situation de handicap en 2020…
IN. : quelle est votre conclusion sur ce rapport ?
L.W. : Il faut cesser à tout prix les démarches opportunistes, il faut être sincère, maintenir le cap, prendre le temps de bâtir une stratégie et sây tenir. Et puis, ce qui compte aussi, câest la preuve par le produit. Adidas et ses brassières, Garnier et son Green beauty for all, Nike qui célèbre la diversité de manière ultra-créative et politique. Nous avons du travail.
source : www.influencia.net