The Good : Vous êtes arrivée chez Accor au printemps. Quelle est votre feuille de route pour les prochains mois ?
Brune Poirson : La feuille de route qui mâa été fixée par notre PDG Sébastien Bazin est claire : aider à impulser des changements stratégiques afin dâemmener lâentreprise vers un modèle contributif, où nous rendons plus que ce que nous prenons. Nous travaillons déjà à la mise en oeuvre de solutions concrètes qui doivent nous permettre de résoudre des problèmes sociaux et environnementaux plutôt que dâen créer.
Nos hôtels doivent devenir plus que des lieux utilisés quelques heures par jour, pour y dormir. Ils doivent être au coeur dâécosystèmes locaux où la nourriture que nous offrons à nos clients participe à la régénération de la biodiversité plutôt quâà sa destruction, où les personnes qui y travaillent se voient offrir des perspectives plutôt que dâêtre condamnées à un avenir qui ne récompense pas leurs talents, où les bâtiments ne sont pas des passoires thermiques mais des banques de matériaux, où les habitants du quartier viennent y télétravailler plutôt que prendre leurs voitures pour se rendre au bureau. Toutefois, de nombreuses initiatives ont déjà été lancées par le passé et au sein de notre secteur, notre groupe est un moteur de ce changement depuis plusieurs décennies. La mission qui mâa été confiée est donc dâamplifier ce mouvement et transformer notre modèle pour quâil soit pleinement vertueux.
Cette transformation est attendue par les propriétaires dâhôtels, exigée par un nombre croissant dâinvestisseurs, encouragée par des changements de régulation, et demandée par nos clients. Aux côtés de mes collègues du Comité Exécutif de lâentreprise, ma mission est donc de leur apporter des réponses tangibles pour que Accor demeure lâentreprise leader de son secteur en matière de performance sociale et environnementale. Le terreau est très fertile : Accor a été une entreprise pionnière en matière de développement durable. Elle a pris le sujet à bras le corps depuis 1998.
The Good : Comment définit-on et déploie-t-on une stratégie RSE à lâéchelle internationale au vu de la diversité des problématiques et des enjeux des 110 pays dans lesquels Accor intervient ?
BP : Accor est implantée dans le monde entier et jouit dâune riche diversité dâhôtels, de marques, de salariés, et donc de cultures. Il sâagit dâune véritable force car notre capacité dâaction est globale. Mais cela demande une méthode de mise en oeuvre pour maximiser lâimpact social et environnemental.
Notre approche est centrée sur quatre grands piliers : lâélévateur social (« people »), la préservation de la biodiversité à travers lâalimentation (« eat »), lâoptimisation des ressources naturelles (« stay ») et lâévolution de notre rapport à la communauté dans laquelle se trouve lâhôtel (« explore »). Sur cette base, notre objectif est de définir des « standards » internes ambitieux et qui sâimposent partout dans le monde. Câest par exemple le cas pour la mise en oeuvre dâune stratégie carbone, la lutte contre le plastique à usage unique, ou encore la réduction du gaspillage alimentaire. Ensuite, les pays dans lesquels nous opérons ont la possibilité de choisir un des quatre piliers sur lequel ils veulent faire preuve dâexcellence et devenir des locomotives pour le reste du Groupe sur celui quâils auront choisi. Enfin, nous voulons transformer la culture de lâentreprise pour que le développement durable devienne lâaffaire de tous.
NOS HÃTELS DOIVENT DEVENIR PLUS QUE DES LIEUX UTILISÃS QUELQUES HEURES PAR JOUR, POUR Y DORMIR. ILS DOIVENT ÃTRE AU COEUR DâÃCOSYSTÃMES LOCAUX
The Good : Deux projets menés par Accor sont récompensés par le Grand Prix de la Good Ãconomie : les actions de lutte contre les violences faites aux femmes et ALL Heartist Fund. En quoi ces projets sont-ils emblématiques de la stratégie RSE de AccorÂ
BP : Je suis très heureuse que le jury ait distingué ces deux initiatives qui sont représentatives de deux valeurs inhérentes à notre Groupe : lâinclusion et la protection.
Comme le répète souvent Sébastien Bazin, nous sommes un Groupe ouvert sur lâextérieur et dont les hôtels doivent servir dâabris à chacun, dâoù quâil vienne. Parmi les personnes les plus vulnérables en France comme dans le reste du monde, se trouvent les femmes. Nous nous sommes donc engagés dans un projet dâéradication mondiale des violences faites aux femmes, en transformant nos chambres en abris dâurgence pour les femmes victimes de violences durant la crise covid, et en étant à lâinitiative de coalitions rassemblant des acteurs privés et publics travaillant à des solutions concrètes pour que ces violences cessent.
Le ALL Heartist Fund â un fonds de solidarité de 70 millions dâeuros â a été lancé par Sébastien Bazin, en accord avec le conseil dâadministration, dès les premiers jours de la crise covid afin de venir en aide à nos collaborateurs et leurs familles, ainsi quâaux personnes en première ligne du Covid-19. Nous avons attribué à ce fonds 25 % des dividendes prévus en 2020, soit 70 millions dâeuros. Cette somme a permis de jouer le rôle dâassurance et dâamortisseur social pour les personnes, partout dans le monde, qui ne bénéficiaient pas de mécanismes sociaux suffisamment protecteurs lors de la crise sanitaire. Aujourdâhui ce sont près de 94 000 requêtes qui ont pu bénéficier de près de 30 millions dâeuros.
The Good : Accor, comme lâensemble du secteur touristique, a été largement impactée par la crise. Comment, dans un contexte de crise, faire en sorte que la RSE reste/ soit au coeur des enjeux de lâentreprise ? La crise a-t-elle fait évoluer la stratégie RSE de Accor ?
BP : La crise du covid a accéléré la volonté de voir se mettre en oeuvre concrètement une transition juste, alliant progrès sociaux et environnementaux. Nous sommes au-delà de la prise de conscience qui avait en grande partie eu lieu avant le Covid (je pense par exemple au mouvement lancé par la COP21 ou encore par Greta Thunberg). Nous sommes entrés dans le temps de la mise en oeuvre. Ces questions ne sont plus cantonnées à une direction, celle du développement durable : il y a une volonté de rendre plus durables et inclusives les entreprises. Câest lâambition de nombreux chefs dâentreprise ; câest celle de Sébastien Bazin.
Durant des années, le secteur de lâhôtellerie a bénéficié dâune croissance record. La crise du covid lâa forcé à faire une pause brutale. Pour redémarrer, le secteur doit mettre le développement durable au coeur de sa stratégie de reprise. Nous manquons de bras aujourdâhui parce que les conditions de travail étaient parfois trop difficiles et ne permettaient pas aux talents de sâépanouir. Certains des hôtels que nous gérons sont directement menacés par des évènements climatiques extrêmes et lâérosion de la biodiversité en menace lâattractivité. Enfin, si nous voulons continuer à attirer des capitaux, il nous faut mettre au coeur de notre stratégie les questions sociales et environnementales.
source : www.influencia.net