Nous sommes désormais dans un monde âdata drivenâ, dans lequel il est devenu plus facile de mesurer lâefficacité des campagnes.
INfluencia: vous étiez membre du jury de la catégorie qui a connu la plus forte croissance cette année, avec 83% de campagnes de plus déposées par rapport à lâan passé : comment expliquer lâessor de cette catégorie âCreative Effectivenessâ ?
Christine Removille : le Covid nâa pas mis un frein à la créativité, au contraire ! Il y a eu de nouveaux formats, de nouvelles façons de communiquer. Et certains ont été très efficaces, avec des résultats très tangibles en 2021 : ce sont ces idées que nous avons jugées cette année. En outre, nous sommes désormais dans un monde âdata drivenâ, dans lequel il est devenu plus facile de mesurer lâefficacité des campagnes.
IN. : quelles sont les tendances fortes que vous avez identifiées parmi les 258 campagnes reçues ?
Ch.R. : beaucoup de marques ont pris des risques, souvent majeurs, allant jusquâà enfreindre la loi pour certaines. Certaines campagnes auraient pu se retourner contre leurs auteurs. Je pense à cette marque Taïwanaise qui a communiqué avec le message âbreak the rulesâ en invitant les écoliers à refuser les uniformes traditionnels ou à Burger King, avec son visuel de Whopper moisi.
Lâautre tendance naissante, câest le métaverse, avec les premières marques qui commencent à utiliser les technologies pour apporter des solutions et de services à valeur ajoutée pour le consommateur, à lâimage de lâassociation française lâEnfant Bleu avec sa campagne âUndercover Avatarâ. Avant le Covid, on regardait les avatars, les robots ou la reconnaissance vocale sans trop y croire. Là , ça commence à devenir plus tangible, de plus en plus de CMO pratiquent le test-and-learn dans le domaine, et certaines ont vraiment porté leurs fruits.
La troisième tendance, câest la âsustainabilityâ, dont on parlait finalement assez peu avant le Covid. Aujourdâhui, beaucoup de campagnes présentées étaient liées au DE&I (Diversité, Equité & Inclusion), au handicap ou à lâécologie, alors que par le passé, elles étaient plutôt cantonnées aux catégories dédiées aux âfor goodâ. Des initiatives comme la campagneâContract for ChangeâdâAbinbev, qui développe des partenariats de long terme avec les fermiers américains, ou le « Project Free Period » de Johnson & Johnson en Inde auprès des prostituées, sont à ce titre remarquables.
IN. : comment sâest déroulé le travail du jury ?
Ch.R. : nous avons jugé les 258 campagnes selon trois critères : les résultats (50%), lâidée (25%) et la stratégie (25%). Tous les membres du jury ont voté selon un processus très rigoureux, avec des réunions virtuelles tous les 15 jours. A Cannes, nous nous sommes retrouvés dans la même salle pendant deux jours, pour converger sur une shortlist dâune trentaine de campagnes. Puis nous avons réparti les Gold, Silver et Bronze, en cherchant autant que possible à avoir une unanimité. Nous étions un jury très collaboratif, avec à la fois des CMO et des représentants dâagences et une bonne représentation géographique.
IN. : comment évaluez-vous lâefficacité, qui est au cÅur du prix ?
Ch.R. : nous avons cherché à comprendre dâoù venaient les données et essayé de repérer les chiffres qui nâétaient pas cohérents avec les objectifs. Autour de la table, il y avait des experts de différentes industries, ce qui a permis de mettre en perspective les résultats affichés. Chacun a pu donner son point de vue.
Bain & Company aide les annonceurs à aligner leurs organisations autour d’objectifs stratégiques, et à transformer leurs « operating models » afin de mieux travailler avec leurs agences et le bon écosystème de partenaires.
IN. : Accenture, PWC ou Deloitte sont déjà présents sur la Croisette depuis quelques années⦠Pour Bain & Company, câest la première venue aux Cannes Lions. Quelle est votre approche vis-à -vis du monde de la publicité et des agences ?
Ch.R. : Chez Bain & Company nous adoptons un positionnement différent : nous travaillons avec les agences, et pas contre les agences. Lâépoque a changé : le temps est moins à lâintégration quâaux partenariats, pour être capable dâorienter nos clients vers les bons interlocuteurs. Nous aidons les annonceurs à aligner leurs organisations autour d’objectifs stratégiques, et à transformer leurs « operating models » afin de mieux travailler avec leurs agences et le bon écosystème de partenaires. En tant que cabinet de conseil, nous accompagnons les CMO et les CEO, tout en parlant aussi de plus en plus aux CFO, qui ont un rôle croissant dans la transformation du marketing.
De plus en plus de CMO évoluent pour devenir des âChief Growth Officersâ et diriger la transformation de toute lâentreprise.
IN. : comment voyez-vous évoluer la fonction marketing dans les grands groupes que vous accompagnez ?
Ch.R: de plus en plus de CMO évoluent pour devenir des âChief Growth Officersâ et diriger la transformation de toute lâentreprise. Ils deviennent ainsi responsables de la croissance des revenus pour lâensemble de leur organisation. Ils ne doivent plus seulement sâoccuper des produits, mais racheter des startups, développer des services ou se poser des questions comme celle de lâintérêt du métavers pour lâavenir de leurs entreprises.Â
Nous parlons dâ »Experiential Marketers », capables à la fois de piloter des équipes multidisciplinaires et de travailler de façon transverse, en alignement avec le CEO.
On note aussi un passage du âproduct marketingâ au âservice marketingâ, avec le développement de services cross-marques dans les groupes du secteur de la grande consommation, ce qui nécessite de déployer de nouveaux âoperating modelsâ qui ont des impacts forts en termes dâorganisation et de chaîne de valeur.
Ces tendances se sont accélérées avec le Covid, mais aussi avec les conséquences de la guerre en Ukraine et le retour de lâinflation. Les responsables marketing doivent faire évoluer la stratégie de prix, mais aussi lâensemble de lâorganisation. Nous parlons dâ »Experiential Marketers », capables à la fois de piloter des équipes multidisciplinaires et de travailler de façon transverse, en alignement avec le CEO.Â
source : www.influencia.net