Cathy Ibal , régie CNN International : « Nous bénéficions de la…

28 avril 2021

 

Entre l’actualité américaine et la pandémie, l’année qui vient de se passer a été riche en enseignements et en opportunités, estime Cathy Ibal, senior vice-présidente de la régie CNN International Commercial (CNNIC) pour la région EMEA. Elle dirige des équipes qui regroupent une vingtaine de nationalités et sont basées dans quatre pays, ainsi que le studio de production interne Create.

 


 

INfluencia : à quel type d’annonceurs s’adresse une régie comme CNNIC, qui commercialise CNN en dehors des Etats-Unis ?

 

Cathy Ibal : nous répondons aux attentes d’annonceurs qui veulent diffuser leurs campagnes internationales sur un seul média CNN, mais sur l’ensemble des marchés touchés par le signal Europe Moyen-Orient Afrique (EMEA), en ce qui concerne la région dont j’ai la charge. Nos équipes situées à Dubaï, Abu Dhabi, Londres et Paris ont des clients très différents. Sur des marchés d’Europe de l’Ouest comme la France, la Suisse ou le Royaume-Uni, nous touchons des annonceurs plutôt corporate dans les secteurs du luxe, de l’hôtellerie, de la logistique… En Afrique et en Europe de l’Est, il s’agit plutôt d’annonceurs institutionnels qui veulent promouvoir leur pays sur le plan du tourisme ou sur les possibilités d’investissement. CNN s’adresse une cible très haut de gamme et assez compliquée à toucher, de décisionnaires qui voyagent, parlent plusieurs langues, sont très équipés… Le public vient regarder cette chaîne pour sa mission principale d’information, mais nous proposons aussi des verticales premium sur le voyage, la santé, la mode, la politique, le business… qui permettent de proposer un contexte et un environnement adapté aux univers des marques.

 


 

IN : quelles dynamiques observez-vous sur les différents pays de cette zone EMEA ?

 

C.I. : une partie de l’Asie est déjà revenue à une certaine forme de normalité, qui se décale petit à petit vers l’Ouest. Au Moyen-Orient, le marché commence à bouger. Aux Etats-Unis, où la vaccination est très avancée, les gens retrouvent une dynamique de voyage. L’Europe est un peu au milieu et nous espérons que cette dynamique va progressivement arriver sur nos marchés. Il y a eu un « avant » la crise et, avec les périodes de stop and go, nous sommes toujours « pendant » la crise, même si nous avons tous envie de nous projeter dans « l’après ». Tout le monde essaie de se préparer à la reprise : les secteurs traditionnels qui se repositionnent, comme les nouveaux secteurs sur lesquels nous nous sommes positionnés et pour lesquels nous avons beaucoup de briefs.

 

 

IN : justement, comment avez-vous fait face à une crise qui a particulièrement impacté vos deux plus gros secteurs annonceurs, le tourisme et le luxe ?

 

C.I. : cela a été un gros challenge, mais nous avons aussi pu bénéficier de nouvelles opportunités. Tous les décisionnaires du monde ont été empêchés de voyager et étaient donc plus disponibles. La régie a pu avoir des contacts avec des CEO et des CMO auxquels nous n’aurions pas eu accès avant. Au niveau commercial, nous avons monté une task-force pour essayer de diversifier très rapidement le portefeuille vers de nouveaux secteurs. Par exemple la tech, la finance, l’industrie pharmaceutique, l’énergie qui a pris de l’importance avec des messages sur le développement durable ou les énergies renouvelables. Nous espérons que cet élargissement de notre portefeuille va s’inscrire dans la durée et aussi que le tourisme reviendra assez largement au deuxième semestre de 2021. Notre studio de production travaille d’ailleurs avec l’Organisation mondiale du tourisme pour adapter les messages des campagnes.


 

IN : les déplacements professionnels risquent d’être durablement impactés par les nouvelles habitudes de travail en visioconférence. Quel impact cela peut-il avoir sur votre activité ?

 

C.I. : les voyages d’affaires vont sans doute être considérés différemment mais, pour les clients clé, il faudra quand même retrouver un contact en direct et une relation humaine. Les voyages liés au business devront donc se réinventer, au même titre que l’aérien. De notre côté, nous trouverons toujours le moyen d’aller vers cette cible de décisionnaires qui voyage. Nous les accompagnerons dans des déplacements qui seront sans doute moins nombreux mais peut-être plus qualitatifs.

 

 

IN : aux Etats-Unis, CNN – qui n’a cessé d’être brocardée par Trump – a perdu près de la moitié de son audience aux heures de pointe depuis son départ de la Maison blanche. Constatez-vous le même phénomène sur la zone EMEA ?

 

C.I. : l’audience de CNN aux Etats-Unis est beaucoup plus mainstream que celle de la chaîne à l’international, qui touche davantage les décisionnaires. L’année 2020 avait été très marquée par l’actualité américaine avec des audiences record, qui n’avaient d’ailleurs jamais été atteintes depuis la création de la chaîne. Pour la première fois, CNN est passée devant Fox News sur les 25-54 ans, qui est la cible principale des gros câblo-opérateurs américains. Après une année aussi exceptionnelle, les audiences vont baisser mais les informations qui arrivent des Etats-Unis continuent de susciter l’intérêt. En tant que CNN International, nous bénéficions du fait que la nouvelle administration américaine accorde davantage de place à l’international.

 

 

IN : la fragilisation des médias d’informations face aux fake news oblige-t-elle à se « vendre » différemment ?

 

C.I. : aux Etats-Unis, CNN est le média d’informations considéré comme le plus fiable par 28 % du public avec 10 points d’écart par rapport à Fox News (1). Les téléspectateurs viennent sur ce média car ils peuvent avoir confiance dans l’information qu’il délivre et faut que nous restions fidèles à cette mission première. Il m’est arrivé d’animer des panels dans des pays qui manquent de sources d’information et on voit à quel point cette diversité est importante. Ces derniers mois, il y a eu un regain de confiance autour des médias traditionnels. Nous avons donc plutôt bénéficié de la puissance et des valeurs qu’incarne la marque CNN. Ces valeurs s’incarnent aussi dans différentes actions autour du bien commun : une campagne Facts First pour répondre à la montée en puissance des fake news, mais aussi d’autres prises de parole pour encourager le public à aller voter, inciter au respect des gestes barrière… Nous avons libéré un fonds d’inventaires publicitaires avec d’autres diffuseurs pour promouvoir des messages de santé à l’international.

 

 

IN : comment la chaîne s’adapte-t-elle à l’évolution des usages de la télé, notamment avec la consultation sur mobile ?

 

C.I. : 60 % de notre audience numérique se fait sur mobile et même jusqu’à 80 % en Afrique. Le public est très friand des nouveaux formats développés au niveau éditorial et qui sont très adaptés au mobile. Le podcast Coronavirus : Fact vs Fiction, animé par le spécialiste santé de la chaîne Sanji Gupta, a été téléchargé des millions de fois dès son lancement au début de la crise sanitaire. La chaîne produit aussi des newsletters, renforce sa présence sur les réseaux sociaux… Max Foster, un de nos correspondants à Londres, est une des personnalités les plus influentes sur TikTok. Au niveau commercial, nous essayons de nous adapter dans la façon de concevoir et de personnaliser les formats publicitaires. Nous testons énormément les campagnes notre département Data Insight Key Learning pour voir sur quels éléments le public réagit, suivre les tendances.

 

 

IN : en quoi la stratégie « Audience First » a-t-elle changé la nature des échanges ou relations avec les partenaires ?

 

C.I. : dès que la régie reçoit un brief ou une demande de proposition et jusqu’à l’exécution, l’audience est au centre de tout. De manière historique, nous travaillions sur les grands critères socio-démographiques et les catégories socio-professionnelles. Aujourd’hui, nous nous positionnons en tant que consultant conseil pour les annonceurs et il s’agit d’aller beaucoup plus loin dans l’analyse. En partant d’une catégorie de voyageurs d’affaires, il faut savoir ce qui l’intéresse dans le détail lors d’un séjour dans un pays. Une équipe est aussi dédiée aux key clients. Toute solution créative ou éditoriale est désormais soutenue par de la donnée. Nous nous appuyons sur des outils d’analyse sémantique pour éviter les listes noires de mots, des outils de ciblage… Le studio accompagne les annonceurs à orchestrer leurs messages. Nous pouvons aussi bénéficier des synergies sur l’innovation technologique issues de notre maison mère, le groupe WarnerMedia (filiale d’AT&T, ndlr). Toutes les marques du groupe peuvent amplifier les messages.

 


 

IN : la publicité segmentée est un nouvel horizon pour les régies. Comment abordez-vous ce sujet alors que les pays des zones de diffusion sur lesquelles vous opérez ne sont pas au même niveau de maturité ?

 

C.I. : les Etats-Unis ont été le premier marché à lancer la publicité segmentée. En Europe, nous travaillons plus spécifiquement sur quelques pays. Un partenariat a été lancé avec Rakuten en Allemagne et au Royaume-Uni, qui sont nos deux gros pays en termes d’audience en Europe.

 

 

IN : quels leviers d’action pouvez-vous activer avec le studio Create que vous supervisez également ?

 

C.I. : dès à présent, 60 % de nos campagnes intègrent du brand content et le studio. Create complète aussi les idées créatives du département éditorial de CNN, qui travaille sur le sponsoring. C’est une des spécificités de CNNIC – et des publishers à l’international – que de travailler les messages sur leurs valeurs. Nous misons sur le storytelling et l’émotionnel. Le programme vidéo CNN Film School, parrainé par la marque automobile de luxe Genesis et mené à l’échelle mondiale, mettait en lumière l’art du storytelling visuel. C’était aussi une manière de soutenir le 7e art et les étudiants. Avec ses onze court-métrages produits pour BMW, la série The Art of Leadership rend hommage aux talents qui transforment notre société pour le bien de tous. Ces histoires puissantes et émouvantes produites par Create et Great Big Story (média de CNN consacré aux récits cinématographiques, ndlr) sont une composante clé au sein de nos offres. Elles vont encore grandir pour une place de premier choix sur toutes les plateformes afin de toucher un public international qui partage nos valeurs.

 

 

IN : vous dirigez une équipe qui compte près de 20 nationalités différentes. En quoi est-ce une source de complexité et/ou d’enrichissement ?

 

C.I. : travailler avec des équipes basées dans plusieurs pays et comportant une grande diversité de nationalités amène par nature des différences, mais aussi une grande richesse. Et aussi un respect qui fait que cela fonctionne dans la manière de travailler. C’est souvent quand on est trop identique que se créent les frictions. Sans doute plus qu’un média local, CNNIC a tendance à mêler des nationalités très différentes. Nous avons créé un comité avec des culture champions pour faire en sorte que cette culture rayonne et soit partagée. Au-delà de cette richesse, il faut aussi travailler sur la diversité hommes-femmes.

 

 

IN : comment cela se traduit-il ?

 

C.I. : les questions que se posent les femmes sur les initiatives qu’elles peuvent prendre dans l’entreprise s’expriment parfois différemment selon les cultures, mais sont quand même assez largement partagées. Nous sommes dans un groupe avec une culture américaine, qui propose beaucoup de programmes de coaching et de mentoring. En tant que manager, j’interviens beaucoup auprès des jeunes femmes pour parler de sujets clé, les conforter dans l’idée qu’elles sont tout à fait à même de prendre des responsabilités. Au niveau de la régie, nous avons la chance d’avoir un président, Rani Raad, qui a toujours poussé les hommes comme les femmes aux fonctions exécutives. Le cadre nous aide mais il y a du travail. J’espère d’ailleurs que cette période de Covid et de travail à la maison pourra bousculer les mentalités sur le fait qu’une femme peut avoir une vie professionnelle et une vie de famille. Et que cette année marquera un point d’inflexion également sur ces questions sociétales.

 

(1) Etude CNN Trust Project réalisée en interne sur 2000 adultes de plus de 18 ans, interrogés par téléphone du 30 janvier au 7 février 2021







source : www.influencia.net

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