Difficile pour les plus jeunes dâentre nous de se représenter des ordinateurs de bureau et des téléphones portables avec des forfaits internet limités. Et pourtant, avant lâapparition de lâADSL au début des années 2000, il fallait bien penser à déconnecter son ordinateur du web si on voulait éviter le hors forfait. Pour les téléphones portables, il sâagissait de réduire la longueur des messages et de laisser les autres nous appeler pour préserver les 200 sms et 2 heures dâappels par mois. Le changement est venu au début des années 2010, lorsque les forfaits illimités et leurs dizaines de giga-octets ont commencé à poindre le bout de leur nez. Lâhistoire aurait pu sâen tenir là , lâillimité étant pour beaucoup une forme de progrès technique et un besoin vital dans un monde ultra connecté. Mais la pollution numérique sâest invitée à la danse.
Les centres de données au coeur de la pollution numérique
Car naviguer sur internet depuis un ordinateur ou un téléphone produit des gaz à effet de serre importants. Il y a dâabord la fabrication des centres de données, de nos terminaux domestiques et des réseaux dâantenne qui font le lien entre les deux. Lâinfrastructure du numérique représenterait ainsi 44% des émissions du numérique français selon un rapport sénatorial de juin 2020 â un calcul qui nâinclut pas le coût social et humain de lâextraction des métaux rares nécessaires au réseau physique. Mais ce qui nous intéresse ici, câest les 56% restants, câest-à -dire lâutilisation de ces infrastructures et la pollution qui en découle. Une pollution due notamment aux énergies fossiles utilisées pour alimenter les centres de données, les serveurs et les antennes du réseau internet. Or, selon quâun utilisateur fait appel à un réseau fixe ou mobile, lâempreinte carbone nâa rien à voir.
La 4G : 23 fois plus polluante que la Wi-fi
Une étude de lâUniversité du Michigan et de lâopérateur américain AT&T a montré que les données mobiles étaient beaucoup plus émettrices que les « données fixes » par Wi-Fi. Ainsi, sâattaquer au problème des émissions numériques, câest avant tout viser le smartphone et ses forfaits gargantuesques. Car selon lâétude, la 3G serait 15 fois plus coûteuse en énergie que la Wi-Fi. Quant à la 4G, malgré ses gains en efficacité énergétique, elle serait 23 fois plus émettrice. Un écart considérable entre internet fixe et internet mobile qui est encore mal connu du grand public. Une méconnaissance entretenue par le coût financier assez faible dâun forfait mobile illimité en comparaison de sa consommation énergétique. Pour 50 Go par mois, on paye rarement plus de quelques dizaines dâeuros. Ce découplage entre le prix et les émissions de gaz à effet de serre nous rappelle lâintérêt de mettre un véritable prix sur la tonne de CO2. Car à lâheure actuelle, rien ne nous incite à privilégier la Wi-Fi à la 4G, résolument plus bas carbone.
Un problème aggravé par la vidéo et la 5G
La gourmandise des données mobiles nâaurait pas été aussi problématique si le taux dâéquipement en smartphone nâavait pas explosé ces dernières années. En 2019, 77% de la population possédait un téléphone intelligent. Un chiffre élevé qui sâaccompagne dâun usage très largement porté sur la vidéo, de Youtube à  Netflix en passant par Pornhub. Le problème, câest que la vidéo représente à elle seule 60% des flux de données mondiaux dâinternet. Cela représenterait 1% des émissions mondiales de CO2 selon le think tank The Shift Project. Pour avoir un ordre de grandeur, notons que le visionnage du film Pulp Fiction en 4K pèse autant que lâenvoi de 300 000 emails sans pièce jointe. Les forfaits limités pourraient circonscrire la consommation vidéo sur smartphone et lâusage dâénergies fossiles pour alimenter les centres de données. La régulation de la consommation de données est dâautant plus nécessaire que la 5G est en train de se déployer. Malgré ses gains en efficacité énergétique, cette nouvelle génération de réseau incite à consommer toujours davantage de vidéos tant le débit est élevé. Sans mentionner le coût environnemental des nouvelles infrastructures et des nouveaux téléphones à fabriquer. Selon une étude du Haut Conseil pour le Climat, son déploiement entraînerait une augmentation de lâempreinte carbone du numérique de 18 à 45% dâici à 2030. Revenir aux forfaits limités serait donc une manière de combattre lâeffet pervers « à volonté » des données. Car à la manière du restaurant au buffet illimité, notre vie numérique sans garde-fou est en train de nous mener vers une infobésité dangereuse pour le climat et pour notre santé.
source : www.influencia.net