Comment renforcer la mixité dans l’esport

3 décembre 2020

Alors que les femmes sont peu représentées dans les compétitions de jeux vidéo, nous avons interrogé plusieurs acteurs de la scène esportive française pour comprendre les raisons de leur faible présence et quelles solutions pourraient être mises en place pour y remédier.

Pourquoi les femmes sont-elles si peu nombreuses dans l’esport ? © Drobot Dean – stock.adobe.com

Alors que plus de 17 millions de femmes jouent régulièrement aux jeux vidéo en France, selon le Syndicat des Éditeurs de Logiciels et de Loisirs (SELL), elles ne sont que très peu à se lancer dans une carrière dans l’esport. Sur 1,3 million de pratiquants en compétition dans l’hexagone, seulement 6 % de ces adeptes seraient des femmes, d’après le dernier baromètre de France Esport. Pourquoi les femmes sont-elles si peu représentées dans ce secteur ? Quelles barrières les freinent et les empêchent de devenir professionnelles ? Que faudrait-il mettre en place pour attirer plus de femmes dans l’esport ?

Éducation genrée et sexisme à l’origine du manque de femmes dans l’esport

Parmi les raisons qui pourraient expliquer cette sous-représentation des femmes en esport, l’éducation genrée et l’absence de figure féminine dans les publicités pour les jeux vidéo sont pointées du doigt. « Les filles ne sont pas éduquées à jouer aux jeux vidéo. On aura beaucoup plus tendance à offrir une poupée à sa fille plutôt qu’une console. Pour moi, l’éducation genrée est la base de tout cela. Et même hors du cadre familial, la société ne nous montre pas de figure féminine jouant aux jeux, surtout dans les campagnes de publicité. Cette éducation genrée a contribué à diminuer le nombre de joueuses, et ainsi le nombre de femmes dans les milieux compétitifs », explique Kenza, head manager chez ROG Esport, la section esportive d’Asus.

Autre explication avancée par Margaux, fondatrice et CEO de l’association mixte Enoxia Esport : le sexisme, qui est fortement présent dans le milieu de l’esport. « La raison de cette présence plus qu’étouffante du sexisme dans l’esport est la facilité de parler sur les réseaux sociaux sans aucun risque, derrière un écran. Les insultes envers les femmes sont toujours plus simples à prononcer puisqu’ils se sentent protégés à travers leur écran. Les joueuses tentent de se protéger, jusqu’à parfois ne pas oser dire qu’elles sont des filles, car elles savent pertinemment qu’elles se prendront des remarques la seconde d’après. » Si l’esport reste « un écosystème très jeune qui reprend le modèle patriarcal de la société », selon Kenza, « il est difficile mentalement pour un garçon de perdre face à une fille aux jeux vidéo juste à cause des idées reçues transmises par la société ».

Malgré le manque d’encadrement dont peuvent souffrir certaines joueuses, Mel, youtubeuse et streameuse Fortnite, a choisi de se lancer dans l’esport pour combattre les clichés qui persistent dans ce milieu. « Je suis devenue professionnelle car je voulais représenter l’image des filles dans les jeux vidéo, surtout actuellement dans Fortnite, où il y a le plus de préjugés. » Pour Mel, qui est également membre de l’association Enoxia Esport, la faible présence des femmes dans l’esport n’est pas seulement due aux préjugés, mais aussi au manque de motivation qu’ils peuvent engendrer auprès des jeunes filles. « Elles manquent énormément d’encadrement pour les aider à se lancer dans leur carrière, parce que les clichés ne sont pas prononcés que par les joueurs, mais parfois également par des staffs, ce qui ne leur facilite pas la tâche », ajoute Margaux.

Renforcer la mixité dans l’esport et accompagner les joueuses

Face à ce constat, des solutions existent. Au-delà d’un esport au féminin, c’est la mixité qu’il faudrait avant tout renforcer pour encourager les femmes à s’investir dans ce milieu. « Avant on parlait d’esport féminin, on ne parlait pas de développer la mixité. Contrairement à certains sports où il y a une véritable différence physique entre les hommes et les femmes, sur les jeux vidéo, nous avons tous les mêmes capacités avec une manette dans les mains. Elles ont plein de qualités à démontrer : rapidité, intelligence… Une femme peut être plus forte qu’un homme sur un jeu. On part avec exactement les mêmes chances au départ. Pour nous le talent n’a pas de sexe », clame Edern Plantier, directeur sportif de l’équipe CRaZY Esport. Son constat est partagé par la manageuse d’Asus : « il n’existe aucune différence entre un homme et une femme qui jouent à un jeu vidéo. Je pense qu’il ne faut pas hésiter et que, malgré tout, le fait d’être une fille est un atout. On vous remarquera plus, vous ferez plus de viewers, les gens se souviendront de vous ».

Pour aider les joueuses à trouver leur place, la fondatrice d’Enoxia Esport leur recommande de trouver une personne de confiance pour les soutenir dans leur quotidien. « Je leur conseillerais de trouver une ou plusieurs personnes sur lesquelles elles peuvent compter pour les accompagner. Quand je pense aux pires moments, quand on doit encaisser des insultes injustifiées ou même des histoires inventées de toute pièce pour simplement porter atteinte à notre image, nous craquons et nous devons bien être entourées pour supporter parfois toute cette pression. S’entourer de bonnes personnes ne peut être que bénéfique, tout comme intégrer une structure, une entreprise ou encore une agence compétente qui accompagne, forme et aide les jeunes filles à s’intégrer dans l’esport. » Si les influenceurs peuvent eux aussi sensibiliser leur communauté afin d’essayer de faire évoluer les mentalités, pour Edern Plantier, la solution doit être collective. « Une association toute seule ne peut pas faire bouger les choses. On aimerait accompagner des joueuses. Mais il faudrait qu’il y ait plus d’organisations qui puissent le faire. »

Enoxia Esport, une association qui prône l’égalité entre les hommes et les femmes

L’association mixte Enoxia Esport fait partie de ces structures qui tentent de faire bouger les choses. En tant que fondatrice et CEO de l’équipe, Margaux tient un rôle essentiel auprès des joueuses. « Je gère principalement le côté administratif et les équipes dans leur ensemble. J’aime énormément être proche de chaque membre de ma structure puisqu’ils s’investissent pour Enoxia Esport, c’est donc pour moi la moindre des choses. Qu’il s’agisse de staffs ou de joueurs, j’adore discuter avec eux, les soutenir dans leur travail ou encore les aider personnellement s’ils ont besoin. Je suis toujours une oreille attentive pour eux, notamment pour mes joueuses et les membres féminines de mon staff lorsqu’elles rencontrent des problèmes en ligne. »

Un suivi personnalisé et une communication renforcée

L’accompagnement des membres de l’association, dont plusieurs managers ont la charge, fait partie des valeurs véhiculées par Enoxia Esport. « Nos joueurs et nos joueuses sont suivis par des managers et ont un planning personnalisé en fonction de leurs objectifs, de leurs attentes, de leurs disponibilités et de leur niveau d’étude. Ils sont également suivis par des coachs, qui les suivent mentalement, ce qui est très important pour nous. » Pour soutenir leurs membres face aux messages et aux insultes dont ils peuvent être victime en ligne, l’association a mis en place plusieurs dispositifs de communication, notamment via la plateforme Discord. « Nous établissons des réunions toutes les semaines pour parler avec tout le monde. Nous faisons un point général sur tout ce qu’il s’est passé. S’il y a eu un problème, nous en discutons immédiatement. Nous nous rendons très disponibles pour nos joueurs et nos joueuses, afin de pouvoir leur offrir le meilleur encadrement possible. »

L’ambition de développer la scène esportive féminine, notamment sur Fortnite

L’association, qui vient de fêter ses deux ans, a pris de l’ampleur, ce dont ne s’attendait pas sa fondatrice et CEO. « Nous nous sommes lancés dans l’aventure par passion et on ne pensait pas une seconde que ça marcherait car nous débutions comme gérants d’une structure esport », rappelle Margaux. Pour l’avenir, l’association Enoxia Esport ne manque pas d’idées ni d’ambition. « Les projets sont nombreux et variés. Tout d’abord, nous comptons continuer sur notre lignée de formation des staffs et des joueurs pour leur permettre d’avoir un encadrement afin de les aider à atteindre la scène professionnelle. Mon but premier reste le développement de la scène féminine, notamment sur Fortnite, qui est trop peu développée à mon goût. Permettre aux joueuses d’obtenir le même encadrement que les joueurs est pour moi la base même de ce projet, et il en est de même pour les membres staffs, qui sont des femmes. Tout repose sur l’égalité. »



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