Comment sortir le marché pub de l’impasse dans laquelle il s’est fourré

28 mars 2022

Et alors que le suspense est à son comble et que nous attendons tous le nouvel épisode, à qui profite le crime ? [Attention spoiler] Toujours aux mêmes : les GAMA (Google, Apple, Meta et Amazon) qui gagnent du temps en faisant durer les procédures ou en acceptant des amendes transactionnelles, à condition que leurs parts de marché restent intactes voire se développent…

Chaque acteur de la chaîne publicitaire pilote ses propres intérêts au rythme du calendrier législatif, de ses préoccupations corporatistes, de ses contraintes organisationnelles et historiques.

D’abord les annonceurs…

L’année 2021 aura été agitée et les annonceurs ont dû faire face à la refonte de la chaîne logistique, à la digitalisation à marche forcée et à la mise en application des directives de la loi climat et résilience. Ils ont aussi bénéficié des tendances et innovations du moment qui sont désormais durables : audio, télé connectée et segmentée, e-commerce, jeux et influence.

En 2022, l’année a commencé sur les chapeaux de roue avec une mise en demeure à l’encontre de plusieurs d’entre eux, portée par la CNIL, pour non-respect du RGPDen tant que gestionnaire de l’outil Google Analytics. Ce que l’on oublie de dire est que c’est un outil (en apparence gratuit) de mesure des comportements des internautes et des actions marketing qui dispose de 95% de part de marché… et qui contribue à nourrir par la data la position dominante de Google.

Et pour autant, la schizophrénie demeure

– les exigences sont fortes, vis-à-vis de l’Open Web, en matière de brand safety, de contexte, de capping et de mesure. A contrario, la pression exercée sur les GAMA n’est que relative, alors mêmes que ceux-ci instrumentalisent la protection des données personnelles pour profondément bouleverser l’écosystème – à l’instar de la disparition des cookies tiers et de la privacy sandbox de Google et de l’ATT framework d’Apple pour renforcer leurs jardins clos ;

– les attentes de brand safety et de KPIs sont disproportionnées pour les campagnes branding (avec ironiquement un recours démesuré à la publicité sur les réseaux sociaux), quand tous les droits sont données aux campagnes à la performance tant qu’elles nourrissent la machine à clic et les “arrivées sur site” ;

– les revendications sont fortes sur le concept de transparence côté supply, mais les annonceurs peinent à s’impliquer sur les outils et protocoles qui permettent pourtant de faire bouger les lignes. Qu’est-il advenu, par exemple, du SCID (Shared Campaign Identifier, ex Trust-Id) ?

Étonnamment les annonceurs ne manifestent que très peu d’intérêt pour la préservation de la diversité en matière d’investissements digitaux

Étonnamment les annonceurs ne manifestent que très peu d’intérêt pour la préservation de la diversité en matière d’investissements digitaux, et ne s’approprient que maigrement les challenges relatifs au média planning sans cookies : recueil du consentement, solutions d’identifiants alternatifs et contextuelles, co-construction de la privacy sandbox ou des univers applicatifs de demain, sans oublier l’élaboration d’un cadre éthique pour les influenceurs virtuels.

Ensuite les agences

Côté agence, les années se suivent et se ressemblent. Comme en 2021, les agences sont cette année encore confrontées à la paupérisation des ressources et des expertises, faute d’être rémunérées correctement face à la complexité ambiante. Ceci induit inévitablement délocalisation, réorganisation et guerre des talents.

Autre difficulté, opérer le digital (ou ce qui est devenu le tout digital) qui représente désormais plus de 60% des investissements (d’où parfois le choix de la facilité et donc de la concentration sur peu d’acteurs avec le moins possible d’outils/plateformes partenaires). Un bon indicateur de cette dépendance à quelques acteurs serait d’avoir en toute transparence le poids de chaque DSP dans les dépenses vidéo, display et native mais aussi de comprendre la manière dont les segments d’audience et la data sont facturés.

Sur la table également, le sujet de la mise en application des choix de l’annonceur, qui vient avec son domaine de contraintes (son outil de visibilité / son siège sur le DSP de son choix / son contrat cadre global), le cumul des solutions de mesure ne facilitant ni les opérations ni la chaîne de valeur.

Des agences dites Google shops qui tirent plus de profits à conseiller sur les outils de la chaîne Google ou à créer de nouveaux dashboards, qu’à proposer des solutions alternatives durables.

Puis les éditeurs

L’année 2021 a été mouvementée et instable pour les éditeurs qui ont dû faire face à de nombreux défis parmi lesquels la part grandissante des inventaires sans consentement (qui peut atteindre plus de 30%), des incertitudes suite à la pluie d’amendes à l’encontre des GAMA, des mises en demeures (pour violation des données personnelles) avec une superposition de décisions complexes à appréhender – ou du moins difficilement lisibles entre les Etats Unis, l’Europe et la France… Les éditeurs français ont surtout privilégié la négociation des droits voisins (et la rémunération des contenus) ce qui aura fait l’objet de querelles intestines, mais qui leur aura créé sans aucun doute quelque dépendance.

2022 ne s’avère pas plus reposante. Même si la fin du feuilleton des droits voisins semble proche pour la presse d’information, il reste à le traiter pour les magazines, mais aussi à se mettre d’accord avec Meta (Facebook News) en accentuant une distribution “dependante”. Et enfin, les éditeurs devront innover pour monétiser au mieux les inventaires en décroissance, seront confrontés au challenge de la non-conformité de Google Analytics (outil implémenté également de ce côté de la chaîne) et prochainement de Google Ad Manager et du programme abonnement de Google SWG qui font face aux mêmes problèmes de conformité avec le RGPD.

Ici aussi, la schizophrénie est de mise, car se sont bien les GAMA qui distribuent les subventions, et non plus l’Etat.

– la défense des enjeux de long terme, l’Open Web trop souvent abandonne le contrôle de sa data et de son audience au profit des GAMA pour préserver son contenu (cf la négociation droits voisins)

– la préservation des recettes publicitaires, qui au contraire des revenus provenant des abonnements garantissent un accès à des contenus pour tous les publics et alimentent les réservoirs de potentiels futurs nouveaux abonnés

– la réaction aux manipulations des enchères et des pratiques auto-préférentielles et anticoncurrentielles de Google en matière de header bidding (en référence à la plainte des états américains menée par le procureur du Texas sur les affaires “Bernanke”, “Jedi Blue” et maintenant “Bulbasaur”)

– la dénonciation des pratiques de ventes couplées (ie: cloud + adtech + dépenses publicitaires), forçant l’adoption des solutions technologiques de Google et renforçant leur non interopérabilité (adserving / SSP/Google Ads). Suite à l’amende de l’autorité de la concurrence française en juin dernier à son encontre, Google a pour la première fois plaidé coupable mais cherche toujours à s’acquitter de ses engagements à moindres frais.

Et évidemment, vient natuellement l’adtech… car il est esssentiel de balayer devant sa porte

2021 s’était déjà déroulée sous les auspices “de sables mouvants”, pour causes de changement de calendrier de la privacy sandbox, du non alignement des autorités législatives en matière de privacy et de publicité ciblée (nouveauté au UK avec les mesures prononcées par la CMA), du caractère anticoncurrentiel de l’ATT d’Apple, de la condamnation du stack Google (pour sa non interopérabilité) mais aussi de la démultiplication des initiatives autour des identifiants “nouvelle génération” sans pour autant trouver une grammaire commune.

2022 commence également en “fanfare” avec :

– la sanction de l’IAB Europe par l’APD (Cnil belge) pour son rôle de responsable de traitement dans le cadre du TCF (transparency and consent framework, standard de consentement)

– le manque de clarification par l’Europe concernant DMA/DSA (digital marketing / services act), l’avenir de la publicité ciblée et les mesures à l’encontre des plateformes dites “structurantes”

– les annonces Topics de Chrome qui sont potentiellement complexes à décoder, de par le rôle et poids du navigateur Chrome.

Que l’on soit annonceur, agence, éditeur ou adtech, il faut être extrêmement agile pour adapter sa roadmap au rythme de ces chamboulements mais aussi pour bénéficier de toutes les innovations. Un domaine où excellent particulièrement les entreprises françaises, qu’il s’agisse des solutions contextuelles qui fonctionnent dès maintenant de manière efficace dans un monde potentiellement post cookies, mais aussi sur la convergence digital/TV, le retail media ou via la prodigieuse accélération du recueil du consentement et de la revalorisation de la data first party (dans le plus grand respect de la privacy).

Il est essentiel d’apprendre du passé, un œil dans le rétro et un œil sur la ligne d’horizon, et donc d’être capable de piloter à la fois le court terme pour éviter les écueils mais aussi de construire le long terme en reprenant le pouvoir. La souveraineté passe par la défense du territoire numérique et la construction de solutions d’IDs qui ne soient pas déléguées les yeux fermés aux navigateurs (toujours les mêmes…). La responsabilité numérique ne peut pas être transférée toujours aux mêmes. Sur des sujets aussi structurants, l’Open Web c’est aussi la défense de l’open source et on en est tous responsables.

Donc petit mémo pour vivre sereinement 2022 :

S’entourer de partenaires technologiques de confiance en imposant son cahier des charges (c’est souvent le contraire). Ceci implique de se méfier de ce qui est gratuit (c’est qui le produit ? Et surtout en BtoB, il est important de bien comprendre le business modèle de celui avec qui on travaille), de ce qui est trop simple (souvent parce que l’acteur avec lequel vous contractez est présent à plusieurs étapes et points de la chaîne de valeur) et enfin, de se méfier de ce qui est vendu en couplage.

Rééquilibrer en ne cédant rien à l’efficacité c’est exiger la même réciprocité sell et buy side (en matière d’outils et de transparence), et éviter l’usage du “bouclier de la privacy” comme arme marketing. La transparence c’est aussi connaître le poids des dépenses qui transitent par une plateforme, la liste des éditeurs qui bénéficient des aides d’un fond d’innovation d’un acteur privé.

Participer, tester et toujours apprendre :  collaborer autour des nouveaux protocoles et normes qui dessinent l’internet de demain (comme les identifiants alternatifs, la privacy sandbox, le SCID), et bien sûr, choisir ses combats en collectif ou en individuel. Tester, c’est accepter de faire des changements (dans son stack, dans ses dépenses) pour en mesurer les conséquences tout en limitant les risques. Et toujours apprendre, en rencontrant de nouvelles solutions, comme aujourd’hui les offres de curation data + médias, et extension d’audience

“Less is more” : de plus en plus d’éditeurs vont devoir rationaliser leur stack en vérifiant le comportement business et juridique des partenaires qu’ils sélectionnent. Et parce que l’empilement des SSPs et des technologies sur chaque position et format ne créent pas toujours la valeur additionnelle escomptée – à contrario les acheteurs cherchent à opter pour le chemin le plus court et le plus efficace – les éditeurs devront exiger un meilleur contrôle sur les données et les flux financiers, ainsi que la transparence sur les transactions.

Transformer la RSE des entreprises numériques en réel, c’est harmoniser les méthodologies de mesures de l’empreinte carbone pour éviter des déconvenues et des débats stériles (avec ou sans le terminal ? à format équivalent ? avec ou sans compensation à coup de Gama Dollars ?), mais c’est surtout choisir un prestataire (média ou technologique) fournisseur responsable et durable en phase avec ses valeurs. La diversité, c’est aussi dans le choix de ses prestataires et comprendre comment ils opèrent, et quel est le prix à payer.





source : www.influencia.net

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