Communication : changeons le moteur, pas la peinture

26 mars 2021

L’humain a trop tiré sur la corde de son écosystème et sa propre survie s’en trouve menacée. Lorsque l’on prend conscience de la situation, ignorer le sujet ou le contourner volontairement devient criminel. L’attitude qui consiste à ne rien changer – que l’on reste dans le déni, que l’on se désintéresse du sujet ou que l’on choisisse le camp des cyniques – est désormais mortifère. Mais stigmatiser ne sert à rien, inutile de chercher des coupables. Nous flageller non plus, c’est même contre-productif. En revanche, s’arc-bouter sur les anciens modèles n’est plus excusable.


Certains acteurs de la communication, jeunes ou moins jeunes, petites fourmis du métier ou piliers tutélaires de la profession, pensent toujours – ou soutiennent, ce qui est différent – que la publicité n’est que le dernier maillon de la chaîne au service des annonceurs. Et donc qu’elle ne serait pas un levier au service de la transition écologique. Ils se font forts de démontrer que ce n’est pas la surconsommation le problème, mais la nature des produits et services. Interdisez donc les produits et services néfastes au climat ! Ils accolent régulièrement à leurs arguments le chômage et/ou la souveraineté nationale – la Chine est généralement brandie en menace à ce stade. Légiférez la pub, vous verrez ce que cela fait à l’emploi ! Et à la grandeur de la France ! Quels sophismes, quels raccourcis, quels non-sens ! Légiférer sur les produits et services n’entraîne-t-il pas plus de chômage que de légiférer sur la pub ? Et en quoi légiférer ici nous fragiliserait-il par rapport à l’international ? Les importations ne seraient-elles pas mises au même régime ? Les exportations seraient-elles pénalisées ?

 

Nous pensons, au contraire, que la publicité est centrale en tant que levier de changement. Petit retour en arrière : que s’est-il passé au moment de la loi Evin ? Cette réglementation, qui fête ses 30 ans cette année, visait à l’époque à lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme. On aurait pu rétablir la prohibition, tuer des secteurs économiques entiers, sacrifier le savoir-faire viticole national, mais non, on a choisi d’influencer les comportements. « La loi Evin a tout changé, affirme aujourd’hui le Pr Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac et épidémiologiste en santé publique. «L’industrie du tabac était consubstantielle de l’État français. La loi Evin a commencé, dans les esprits, à casser l’idée de jeunesse et de virilité associées au tabac[1]. »

 

L’impact recherché de cette loi était clairement l’amélioration de la santé via les comportements initiés par l’incitation de la pub – même si son bilan a été plus mitigé concernant l’alcool que pour le tabac. En instaurant le principe de limitation forte du droit à la publicité et au marketing, elle a été très loin avec « une interdiction complète de toute publicité, promotion ou propagande en faveur du tabac » ; « l’interdiction de fumer dans tous les lieux à usage collectif » ainsi qu’un renforcement de l’information et la protection des consommateurs au travers d’une amélioration du dispositif des avertissements sanitaires.

 

Bien sûr, d’autres leviers sont également utilisés – fiscalité, horaire, lieu et âge pour les achats. Déjà, certains chantres du « laissez-faire », très intéressés, se sont battus à l’époque – un publicitaire vedette d’hier clamait d’ailleurs à l’époque son droit à fumer, comme il s’insurge aujourd’hui contre d’éventuelles restrictions juridiques sur la pub. Pouvons-nous aujourd’hui reconnaître que cette loi a été bonne, si ce n’est pour certaines agences de publicité, mais pour la société ? 

 

En 2007, une loi, une autre, fixait les conditions relatives aux informations à caractère sanitaire devant accompagner les messages publicitaires ou promotionnels en faveur de certains aliments et boissons – avec les fameux mangez moins gras, plus de fruits et de légumes, moins salé, moins sucré. Pour la malbouffe aussi, et pour lutter contre diabètes, obésité et autres maladies cardio-vasculaires, le législateur a agi. Tenter de dénombrer les boucliers et leviers employés par l’industrie à l’époque, encore une fois, serait vain. Mais là encore, c’était un mieux sociétal qui était visé.

 

Les promoteurs actuels du « avant d’interdire », piliers légendaires du monde de la pub, mieux que personne, le savent : présenter dans le quotidien des gens – à la télé, dans les journaux, en affichage, sur les réseaux sociaux via des influenceurs en vue, ou au cinéma – certains comportements positionnés comme désirables, les érige en normalité et façonne durablement les comportements. Convaincre les early adopters pour tenter de massifier les usages tout en entretenant, si possible, le sentiment élitiste que confère l’accession au produit ou au service, est précisément le principal outil des publicitaires – pour ne pas dire atout. Le nier consiste à se moquer de l’intelligence des consommateurs – nous ne ferons pas ce procès d’intention. Mais peut-on suggérer que, sachant cela, on se moquerait également de l’annonceur en lui vendant la plus facile des campagnes ?

 

Légiférer, et les agences ne sauraient plus comment faire pour satisfaire leurs clients ? Quel échec intellectuel de la part d’une profession qui s’est toujours targuée de ses capacités d’innovation et de réinvention inégalées, de ne pas savoir s’adapter au monde d’aujourd’hui et surtout aider son client à s’y adapter. Alors l’auto-proclamation de créativité serait-elle usurpée ? Les artistes, eux, réinventent le monde, quitte à sacrément le bousculer. En cela oui, les communicants auraient tout à s’en inspirer, et ne pas juste en singer les vecteurs – couleur, musique, formes, vocabulaire, en suivant la mode du moment. Les artistes sont plus libres, sans doute. Mais surtout, ils voient plus loin. Or les marques ont vraiment besoin qu’on les aide à voir plus loin.

 

Ces raisonnements, réflexions et choix de société dépassent évidemment largement le petit monde de la communication, en s’invitant largement dans les débats et médias économiques et grand public. En cela, non seulement ils ralentissent la lutte contre le changement climatique mais ils rendent également les métiers de la communication nocifs. Nous pensons au contraire que nos métiers peuvent être utiles. Le plan de conduite du changement majeur et global qui s’impose nous les rendent même indispensables : pour rendre désirable une autre vision de la société, la communication est un outil puissant, idéal. Les entreprises ont besoin d’être accompagnées sur leur propre chemin vers plus de sobriété, l’adaptation de leurs offres à un monde nécessairement moins carboné, plus solidaire, un monde désirable – plus juste et meilleur, pas repeint en vert. Et les consommateurs ont besoin de désirer cette société. Les professionnels de la communication, entre les entreprises et les consommateurs, seront le chaînon indispensable

 

Nous pensons que les métiers de la communication en général et de la publicité en particulier sont bien plus que le bras armé aveugle, cynique parce qu’obéissant au seul brief d’un annonceur obtus. Si la communication peut transformer des habitudes, des cultures et des comportements alors changer la communication peut changer l’offre. Encore faut-il qu’elle accepte, encore une fois, le changement de ses propres règles, comme elle l’a fait par le passé, pour le bien du plus grand nombre. Et la loi de l’offre et la demande s’adaptera, comme elle l’a toujours fait : si la publicité suscite chez les consommateurs d’autres envies, les entreprises proposeront une autre offre, guidées par les marketers. Les professionnels de cette communication-là se rendant d’autant plus indispensables. Tout le monde y gagne.

 

Réinventer nos métiers est impératif. Les écoles doivent intégrer la formation aux sujets du développement durable de manière intégrée – et pas en option – pour que les jeunes qui vont remplacer la vieille garde soient aptes à comprendre et traduire le monde, pour la société comme pour leurs clients. Prouvons que notre créativité sert à quelque chose de plus grand que la somme de toutes nos campagnes. Construisons un contexte de confiance, d’optimisme, de créativité libérée. La relève est là.

[

1] https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/addictologie/la-loi-evin-30-ans-un-heritage-proteger-et-developper

 

 

Signataires

Robin Coulet, Conversationnel

Vincent David, L’agence RUP

Bénédicte Delu de Cal, Blow You Up

Vincent Drouet, Light

Elodie Hérisson, Rose Primaire

Stéphanie Laporte, OTTA

Julien Le Corre, .YZ

Émeric Le Meur

Nathalie Leroy, Com’ un éco

Béatrice Lévêque, LookSharp

Arnaud Levy

Daniel Luciani, Icom21

Mathieu Maréchal, MotiWeb

Vincent Moreau, Objectif Papillon

Thomas Parouty, Mieux

Thomas Piettre, ComOnLight

Muriel Planet, My Planet Event

Charles Prévôt

Céline Puff Ardichvili, LookSharp

Céline Réveillac, Solidacom

Gilles Reeb, Uzful

Julie Schwarz, Econovia

Noélie Terrisson, Bigbang Communication

Jade Vincent, Rose Primaire





source : www.influencia.net

agence de communication à Rennes

Communication : changeons le moteur, pas la peinture
Mot clé :                
Agence LDP