Contre la domination des GAFAM : « Internet est un bien commun qui doit rester neutre, libre et accessible »

17 septembre 2021


Rencontre avec Inès Slama, membre de l’association Nantes Numérique Responsable, qui nous décrypte l’influence de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, et en quoi leur domination est problématique.

Les GAFAM sont quasiment incontournables dans le parcours des internautes en ligne. © Tada Images – stock.adobe.com

Nous avons interrogé Inès Slama de l’association Nantes Numérique Responsable, à l’occasion du festival Nantes Digital Week (16-26 septembre). Le collectif nantais, qui fait la promotion d’un numérique éthique, inclusif et durable, organise un atelier (le 20 septembre à 18h) et une table ronde (le 22 septembre à 18h) sur l’influence des GAFAM sur les stratégies numériques des professionnels du secteur.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours, ainsi que l’association Nantes Numérique Responsable ?

Je m’appelle Inès Slama. Je suis membre du bureau de l’association NNR et co-fondatrice de Leksi, qui est une agence digitale nantaise au service de l’intérêt général. Consultante en stratégie digitale depuis 10 ans, j’accompagne les entreprises et les institutions dans le développement et la maîtrise de leur transformation numérique.

Que représentent les GAFAM et dans quelle mesure les professionnels du secteur en sont-ils dépendants aujourd’hui ?

Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont quasiment incontournables dans le parcours des internautes en ligne. Face à ce phénomène, annonceurs et agences investissent chaque année un peu plus de temps et d’argent pour capter l’attention de leurs cibles sur ces plateformes. Cela pose de nombreuses questions quand on connaît l’impact environnemental et sociétal de cet oligopole surpuissant. En tant que professionnel.le.s du numérique, il est de notre responsabilité de faire un pas de côté pour exercer un regard critique sur cette dépendance qui se joue sur tant de niveaux (cloud, marché publicitaire, logiciels etc.).

Comment les GAFAM impactent-ils nos stratégies digitales ? Avez-vous des exemples et/ou des chiffres concrets ?

Les GAFAM jouent un rôle crucial dans les stratégies de communication et de marketing actuelles. Ils sont à la fois des points de contact, des régies, des outils de travail qui influencent et façonnent notre travail. Si l’on s’intéresse au cloud, par exemple, 63 % du marché est concentré entre les mains d’Amazon, Microsoft et Google (source). Sur le terrain de la publicité en ligne, Google et Facebook représentent déjà les 3/4 du marché français (source). À l’échelle de la recherche en ligne européenne, Google contrôle plus de 92 % de l’activité. Quant aux systèmes d’exploitation et applications mobiles, 99,4 % sont accaparés par Google et Apple.

Cette domination des géants s’impose à tous les domaines et nous sommes complices plus ou moins consentants de ce phénomène. Au fond, au-delà de notre dépendance à l’égard de ces outils, c’est aussi l’influence qu’ils prennent sur notre travail qui pose problème. Grâce à leur position dominante et aux algorithmes qui les régissent, les GAFAM fixent les normes de ce qui doit se faire ou non en termes de communication. Plaire à Google, Instagram, Amazon… C’est la condition sine qua none de l’efficacité de notre travail et nous devons sans cesse nous adapter et suivre leurs évolutions.

En quoi la domination des GAFAM est-elle problématique ?

Elle est problématique parce que les GAFAM ont des responsabilités sociales et environnementales considérables et qu’ils se sont avérés plutôt décevants dans leur gestion éthique de ces dossiers. On pourrait citer le scandale Facebook-Cambridge Analytica, la récente condamnation de Google par l’Autorité de la concurrence pour non-respect de la loi sur les droits voisins, ou encore l’amende de 746 millions d’euros infligée à Amazon cet été pour non-respect de la nouvelle réglementation européenne sur la protection des données privées des internautes (RGPD).

Plus globalement, cette domination est problématique parce qu’elle se heurte à la promesse initiale de l’Internet, que certains de ces GAFAM ont contribué à faire émerger. Au sein de l’association Nantes Numérique Responsable, nous sommes attachés à cette promesse, à l’idée qu’Internet est un bien commun qui doit rester neutre, libre et accessible à toutes et tous. On ne peut donc pas d’un côté défendre cette idée et, de l’autre, soutenir quotidiennement et renforcer un oligopole qui la met à mal.

L’idée, derrière cette association, était donc de faire ce pas de côté pour prendre conscience des paradoxes qui s’imposent à nous lorsqu’on travaille dans la communication numérique et pour tenter de proposer des solutions et des alternatives à notre échelle.

Peut-on réellement se passer des GAFAM ? Si oui, quelles sont les solutions alternatives ?

Il serait illusoire de dire que l’on peut aujourd’hui se passer des GAFAM. Il ne s’agit pas de se complaire dans une posture dogmatique, qui consisterait à délaisser définitivement ces outils. Certains présentent des atouts et des solutions qui sont encore incontournables dans la pratique de nos métiers. Pourtant, il est essentiel de connaître, de tester et d’utiliser des alternatives si l’on veut que ces géants du numérique se remettent en question et laissent la place à de nouveaux acteurs.

Pour que le numérique soit « responsable », il faut justement responsabiliser les acteurs qui le composent en étant exigeant, en leur demandant d’être enfin transparents sur leurs algorithmes, en s’interrogeant non pas uniquement sur le contenu, mais aussi sur le contenant, en favorisant l’émergence d’innovations numériques au service de l’intérêt général, et non pas juste de quelques multinationales. Ce n’est pas une vision utopique, mais au contraire une ambition pragmatique, si l’on veut voir naître de nouvelles pépites telles que Wikipedia.

Avec l’association NNR, nous souhaitons justement sensibiliser et informer le grand public et les professionnels sur l’existence de ces alternatives. Nous en présenterons et nous en débattrons à La Cantine Numérique, les 20 et 22 septembre prochain, avec des professionnel.le.s impliqué.e.s sur ces sujets. Pour découvrir l’ensemble des alternatives aux GAFAM, on ne peut qu’inviter les lecteurs du BDM à faire un tour sur le site Dégooglisons Internet créé par Framasoft, une association lancée en 2001 qui promeut un Internet plus éthique et décentralisé.

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Source : Blog du modérateur

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