On pourrait résumer lâhistoire de lâhumanité par lâhistoire de ses bateaux. Dâabord la propulsion musculaire avec les radeaux, les barques et les pirogues pour pêcher et explorer le monde. Puis la propulsion vélique avec les caraques, les jonques et les galions pour conquérir de nouvelles terres et faire la guerre à ses ennemis. Et enfin la propulsion thermique avec les paquebots, les porte-conteneurs et les cargos pour le tourisme de masse et le commerce mondialisé. Dâune période à lâautre, on pourrait parler de progrès technique. Sauf quâen 200 ans, la mécanisation des navires a fait du transport maritime un énorme pollueur. Le secteur représente actuellement 3% des émissions mondiales, un chiffre qui pourrait monter à 17% en 2050 selon lâOrganisation Maritime Internationale. Le secteur consomme 7% du pétrole mis sur le marché et rejette 12% des émissions mondiales dâazote et de particules fines. Aujourdâhui, seuls les bateaux de sports et les bateaux de plaisance sont à voile. Décarboner la marine marchande est donc un immense défi.
Le vent, une solution qui date de 5000 ans
à lâimage des compagnies aériennes, les grands armateurs explorent une kyrielle de solutions techniques pour verdir leur flotte. Les spécialistes parlent de propulsion électrique ou à hydrogène, de combustible au méthanol ou au gaz naturel liquéfié (GNL). Un mirage technologique selon les associations écologistes dans la mesure où la flotte mondiale représente 50 000 bateaux (porte-conteneurs, paquebot, pétrolier, gazier, chimiquier, vraquier, thonier etc.) pesant chacun des centaines de milliers de tonnes. Un poids quâil est technologiquement impossible de déplacer sans énergie fossile dans les décennies à venir. Câest donc la propulsion vélique, une technique découverte il y a plus de 5 000 ans par les premiers explorateurs, qui se veut la plus prometteuse par sa gratuité et son foisonnement. à Marseille, le premier transporteur maritime français CMA CGM sâest associé au laboratoire Syroco afin dâétudier la faisabilité dâune navigation à voile sur des trajets internationaux en fonction de la météo et du chemin emprunté. Le transporteur ambitionne dâéconomiser jusquâà 20% de carburant en utilisant la voile aux moments les plus opportuns.
Les Chantiers de lâAtlantique, Michelin, Airseas…
Plusieurs constructeurs et armateurs se sont déjà lancés dans la course au navire de charge vélique. Les Chantiers de lâAtlantique par exemple, qui travaillent sur une voile rigide hissée sur un mât baptisée Solid Sail. Lâobjectif est de fabriquer dâici 2025 un paquebot propulsé par trois voiles de 1200m chacune afin de réduire les émissions du bâtiment de 40%. Michelin, un de ses concurrents, vise à équiper en 2022 un premier bateau dâune voile rétractable pour réduire de 20% la consommation de fioul lourd. Originalité du projet, lâaile pourra être installée directement sur un bateau en cours de conception, ou en rétrofit sur un navire existant. De son côté, Airseas, une entreprise financée par Airbus, expérimente le potentiel de tractation de cerfs-volants géants. Une voile géante de 1 000 m2 dressée en haut du mât pour économiser entre 20 et 45% de fioul. Au Danemark, lâarmateur Maersk a dâores et déjà installé en 2018 deux rotors cylindriques sur un de ses pétroliers et déclare avoir économisé 8,2% de carburant.
Un problème dâéchelle
Comme pour la voiture et lâavion, les innovations maritimes pour gagner en efficacité énergétique ne cessent de se multiplier. Mais la difficulté se trouve moins dans lâinnovation que dans son implémentation rapide sur des navires de grande envergure. Jusquâà présent, seule une poignée de cargos comme celui de Maersk ont su intégrer la technologie vélique, avec des effets assez réduits. Câest peut-être du côté des initiatives de plus petite taille que se trouve la solution la plus accessible. Rien quâen France, les entreprises Grail de Sail et TOWT proposent le transport de marchandise transatlantique avec des navires cargos 100% vélique. Pas de quoi transporter des milliers de tonnes de pétrole ou de gaz, mais suffisamment pour montrer quâune autre voie est possible, celle de la sobriété et de la relocalisation. Comme disent les amateurs de low-tech, « low is more ».
source : www.influencia.net