INfluencia: Emma, Margot, pour commencer peut-être pouvez-vous nous rappeler vos parcours respectifs?
Emma Chevalier: j’évolue dans le monde de la musique et du son depuis plusieurs années en tant que chanteuse, comédienne voix-off, autrice et compositrice. En 2018, quand émerge le podcast natif, je tombe amoureuse de ce média. Il allie le son et le sens, et offre une grande liberté d’expression. Je confectionne alors mes premiers podcasts dans mon studio sur mon temps libre, puis cette activité prend de plus en plus de place et je décide de monter ma propre société de production : Saga sounds.
Margot Raoulx: Après une école de commerce, j’ai travaillé pendant quelques années dans le milieu du conseil en achat et organisation. Puis j’ai cofondé une association, Louise Rosier, qui a pour mission de sensibiliser les enfants au bien-manger, grâce à des partenariats avec des chefs et des diététiciens. La transmission est au cÅur de l’association, car on apprend souvent à cuisiner par d’autres et pour les autres. L’association porte aussi le nom de ma grand-mère, car c’est avec elle que j’ai appris à cuisiner.
Il nâest pas évident de vivre des podcasts natifs, dâautant que câest un des seuls médias qui ne soit pas subventionné.
IN. : Emma vous avez produit plusieurs podcasts, pouvez-vous nous raconter pourquoi ces sujets vous ont-ils touchée? Et question subsidiaire, est-il possible aujourd’hui de vivre des podcasts?
E.Ch. : Chez Saga sounds, nous avons déjà produit deux séries Déjà et Dernières Limites. Cette dernière a reçu un accueil chaleureux du public et de la presse (Les Inrocks, Télérama, Usbek et Rica…) et nous en sommes très fiers. Il nâest pas évident de vivre des podcasts natifs, dâautant que câest un des seuls médias qui ne soit pas subventionné. Les marques sont elles par contre de plus en plus friandes de podcasts car certaines ont compris que câest un moyen différent et souvent plus fort dâatteindre le public.
IN. : comment vous êtes-vous rencontrées?Â
M.R.: nous nous sommes rencontrées par une connaissance commune. Emma avait déjà cette idée de proposer des podcasts pour les particuliers. Lâidée mâa tout de suite plu. La transmission est pour moi quelque chose de très important. Jâétais très proche de ma grand-mère et jâaurais adoré garder sa voix pour toujours.
91 % des Français affirment que les liens intergénérationnels sont fondamentaux pour leur construction personnelle.
IN. : comment est né Mémorable? En quoi cette thématique vous est-elle apparue comme évidente?
M.R. : oui comme je le disais, la transmission est un sujet qui nous tient beaucoup à cÅur et nous ne sommes pas les seules. Selon une étude de l’Ifop datant de 2020, 91 % des Français affirment que les liens intergénérationnels sont fondamentaux pour leur construction personnelle. Une autre étude a aussi retenu notre attention : selon Mediapost Publicité, des millions de Français souhaitent écrire leurs mémoires mais très peu passent à lâaction. La peur de la page blanche y est pour beaucoup et le temps à y consacrer peut être décourageant.
selon Mediapost Publicité, des millions de Français souhaitent écrire leurs mémoires mais très peu passent à lâaction.
E.Ch et M.R. : et puis il y a le pouvoir de la voix. Elle transmet beaucoup dâémotions et nous dit beaucoup de la personne qui parle. Enfin, l’audio, qui est le média du temps long, de lâattention, de lâimagination, nous paraissait idéal pour la réalisation de récits de vie.
Mémorable propose un récit continu et chronologique de la vie de nos proches et non des bribes dâinformations éparses.
IN. : cela tient-il à cette époque où le sentiment domine d’une dissolution de la mémoire, et d’une sursollicitation de nos esprits qui nous donne l’impression de « perdre » nos récits ?
M.R. : Oui en effet. Nous sommes tous très sollicités. Il nous est parfois compliqué de rendre visite à nos parents, à nos grands-parents. Une fois en leur présence, on perd beaucoup dâinformations, une activité en chassant une autre. Mémorable câest prendre le temps dâécouter lâautre. Nous avons un récit continu et chronologique de la vie de nos proches et non des bribes dâinformations éparses.
IN. : des formats courts destinés à retracer les origines d’objets, d’Åuvres d’art (d’art d’art), de films en ce moment avec le festival de Cannes, des docs sur la musique⦠A-t-on besoin que l’on nous rappelle d’où ça vient?
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E.Ch. : oui ça a lâair dâêtre une tendance. Jâai le sentiment que cette sursollicitation permanente nous donne envie de revenir aux origines. Comme le disait si justement lâécrivain Amadou Hampâté Bâ : âpour savoir qui lâon est, il faut savoir dâoù lâon vientâ.
Selon Médiamétrie, en mars, les podcasts français ont été écoutés ou téléchargés dans le monde plus de 202 millions de fois.
IN. : on parle beaucoup de podcasts, justement, leur succès est-il une réalité, ou une mode?
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E.CH. : Les chiffres parlent dâeux-mêmes. Selon Médiamétrie, en mars, les podcasts français ont été écoutés ou téléchargés dans le monde plus de 202 millions de fois. Cela représente 27 millions de plus que le mois précédent. Je pense que câest une tendance qui ne va faire que se renforcer si on regarde ce qui se passe aux Ãtats-Unis. Le podcast répond aux besoins de notre époque et fait entendre de nouvelles voix et de nouvelles écritures.
IN. : vous vous adressez à des « particuliers » avec Mémorable, vous imaginez d’autres cibles à toucher avec ce concept ?
M.R. : Il y a plusieurs cibles dans la cible. Pour le moment, on s’adresse à des particuliers et à leurs récits de vie. Nous allons proposer aussi prochainement des offres spécifiques pour dâautres moments importants de la vie comme les mariages ou les naissances, toujours pour les particuliers.
Nous avons aussi commencé à travailler avec des entreprises. Elles utilisent lâaudio pour raconter lâhistoire de leurs marques, leurs fondateurs, leurs salariésâ¦
IN. : c’est un objet que vous vendez avec sa clé USB, quelles en sont les étapes de fabrication?
M.R. : Un Mémorable c’est d’abord l’envie de recueillir les mémoires d’un proche, ami, familier. Les commandes se font sur www.memorable.audio. Ensuite, un journaliste professionnel prépare lâentretien avec le client. Le jour J, le journaliste interviewe la personne chez elle, durant deux heures environ. Il la met en confiance pour quâelle raconte dans les meilleures conditions possibles son récit de vie. Le journaliste est aussi technicien son et il se charge dâenregistrer durant lâentretien.
Puis, notre équipe dâingénieurs du son effectue le montage, le mixage et lâhabillage musical. Ce travail professionnel permet de plonger dans le récit de la personne quâon aime.
E.Ch: enfin, nous envoyons un coffret personnalisé avec une clé USB contenant le récit sonore. Une fois reçu, la personne peut le partager facilement avec ses proches. Lâenregistrement peut sâécouter seul ou à plusieurs, partout, tout le temps. Dans un premier temps les enregistrements se font en Ile-de-France, puis dans le reste de la France dès 2023 et en Europe en 2024.
source : www.influencia.net