« Félicitations, lâalgorithme a retenu votre projet, les données sont formelles : ce sera un carton mondial ! » Câest comme cela que les équipes de Netflix ont commencé leur premier rendez-vous avec le producteur Sébastien Deurdilly, le directeur général dâUpside Télévision à lâorigine du documentaire « Monsters Inside: The 24 Faces of Billy Milligan » (« Billy Milligan : ces monstres en lui » en français), aux millions de spectateurs.
Cet algorithme qui nous avait dit il y a quatre ans que Monsters Inside serait un succès mondial avait raison. Mais on nâarrive pas très bien à savoir si câest une bonne nouvelle
Lâanecdote, racontée à lâautomne 2021 sur la scène de la conférence Médias en Seine au siège du groupe Les Ãchos-Le Parisien, est révélatrice de la culture Netflix. Une culture dans laquelle les données et les algorithmes sont rois et permettent de tout optimiser, vraiment tout. Car lâexpérience de Sébastien Deurdilly ne sâarrête pas là : « On a rentré toutes nos données de budget dans leur logiciel comptable, et là , lâalgorithme a révélé tous les anachronismes. » Lâintérêt ? Pouvoir comparer le budget prévisionnel du projet avec ceux de toutes les autres séries financées par Netflix⦠pour mieux pointer les incohérences et optimiser ce qui peut lâêtre. Un exemple parmi (beaucoup) dâautres : « On nous a dit que notre estimation du coût dâélectricité pour quatre jours de tournage dans lâOhio à 55 dollars était surestimée et que câétait plutôt 40 dollars. » Redoutable⦠dâautant plus que Netflix demande aussi lâaccès aux comptes bancaires du producteur pour vérifier ensuite chaque dépense.
Ultra cibler, ultra raffinerâ¦
Si lâobsession de la donnée est poussée à lâextrême du côté de la production, elle lâest tout autant pour ce qui concerne la promotion des programmes une fois quâils sont diffusés sur la plateforme. « Sur notre série, ils ont édité des dizaines de vignettes qui étaient adaptées aux centaines de cibles marketing dont ils disposent parmi leurs [centaines de] millions dâabonnés. Il fallait sâadresser à chaque personne comme si cette série lui était adaptée », ajoute le producteur.
Nous savons que si nous ne captons pas lâattention dâun abonné dans les 90 secondes, celui-ci perdra probablement tout intérêt et passera à une autre activitéÂ
En effet, Netflix a raffiné ses pratiques marketing au fil des années. Un des enjeux premiers du service de SVOD (la vidéo à la demande avec abonnement) est dâoptimiser au mieux son algorithme de recommandation de nouveaux contenus grâce à toutes les données quâil a collectées sur les usages de chacun de ses membres. Le sujet est crucial pour retenir les abonnés dans lâapplication : « Nous savons que si nous ne captons pas lâattention dâun abonné dans les 90 secondes, celui-ci perdra probablement tout intérêt et passera à une autre activité », explique Gopal Krishnan, le vice-président de lâIngénierie de Netflix, dans un blog.
Séduire en 1,8 seconde
Pour être sûr de capter lâattention de ses abonnés lorsquâils se connectent, puis les inciter à lancer un nouveau film, documentaire ou épisode de série dès quâils en ont fini un, Netflix teste en permanence des milliers de combinaisons pour ses vignettes, en variant les couleurs des visuels, les personnages mis en avant, les émotions véhiculées, etc. afin de les faire correspondre aux goûts de chacun. Ainsi, un fan de comédies romantiques verra, pour le même film, une image bien différente que celle proposée à un passionné de films dâhorreur. Lâenjeu est de taille : dans une étude menée en interne par Netflix en 2014, ses chercheurs ont relevé que les utilisateurs consacraient en moyenne 1,8 seconde dâattention à chaque vignette présentant un programme. Est-ce que tout cela fonctionne ? A priori oui. Si Netflix, conscient du trésor quâil a entre les mains, est peu partageur de ses données, Sébastien Deurdilly a eu la satisfaction de voir son docu-série entrer dans le Top 10 de plusieurs pays. Aux Ãtats-Unis, Monsters Inside est même monté jusquâà la troisième place du podium, un exploit pour un contenu made in France. Conclusion du producteur : « Cet algorithme qui nous avait dit il y a quatre ans que cette série serait un succès mondial avait raison. Mais on nâarrive pas très bien à savoir si câest une bonne nouvelle ou nonâ¦Â »
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source : www.influencia.net