Hamid Hassani (Têtu) : « Interpeller la société française au sujet des LGBTphobies est de notre responsabilité»

18 mai 2022

 



 

INfluencia : pour commencer, je voulais revenir sur cette direction artistique ouvertement inspirée de la série à succès Euphoria, comme le révèle le communiqué de presse…

Hamid Hassani : pour être tout à fait honnête, j’étais à deux doigts de faire retirer cette phrase du communiqué (rire). Il s’agit plus d’un clin d’œil qu’autre chose. Tout le monde apprécie la série, moi compris, et surtout Benoît Pétré qui a écrit et réalisé le film. Dès les premières discussions en interne, il m’avait évoqué son envie de s’en inspirer. On en riait presque en se disant que rivaliser avec la qualité visuelle de la série serait très compliqué (rire). On n’a pas vraiment les mêmes moyens. Mais il est vrai que nous avons repris ces mouvements de caméras fluides à base de travelling qui constituent la patte graphique d’Euphoria…

IN : ou le fait de privilégier une mise en scène qui se focalise sur les visages des personnages. Et cela fonctionne, on est loin de « l’esbroufe visuelle »…

H.H. : complètement, tout cela pour mieux faire passer notre message auprès des 17 ans, qui raffolent particulièrement de la série. Jusqu’à cette scène de danse qui empruntent plus particulièrement ces fameux codes visuels. Une séquence qui, d’ailleurs, aurait pu ne jamais exister. Nos trois saynètes, qui servent à faire passer notre message, fonctionnaient très bien entre elles, mais nous voulions également rendre compte de ces moments de ferveur propres à la jeunesse que la série incarne si bien.

IN : comment avez-vous muri cette opération ?

H.H. : pour en expliquer la genèse, il est important de revenir sur la stratégie globale du groupe. Depuis que le collectif TÊTU Ventures, composé d’entrepreneurs de la French Tech et des médias, a racheté le magazine en 2018, notre objectif premier est d’exister en dehors de nos colonnes. Cela ne veut pas dire que le magazine n’est plus important à nos yeux, il constitue toujours la colonne vertébrale du groupe.

SOS Homophobie a publié hier une étude aux chiffres affolants. Trèssommairement, l’homophobie croit de près de 20% chaque année.

Mais nous avons compris qu’il fallait également des prises de parole sur les différentes thématiques qui nous animent pour mieux interpeller la société française. C’est pour cette raison que nous avions déjà créé un spot l’année dernière à l’occasion de la précédente IDAHOT, beaucoup, beaucoup plus encrée sur la cellule familiale et dans les espaces de la vie quotidienne où  ces discriminations se cristallisent. Cette année on a voulu faire autrement. Je ne sais pas si vous avez vu le rapport annuel de SOS Homophobie publié hier mais les chiffres sont affolants.

le film sera diffusé à la télévision, sur les chaines de France TV et de Canal+.

Très sommairement, l’homophobie croît de près de 20% chaque année. Face à ce constat, nous avons fait le choix d’attaquer le problème par le prisme des discrimination ordinaires. Il fallait donc interpeller le plus de monde possible, ce que nous avons réussi à faire puisque le film sera diffusé à la télévision, sur les chaines de France TV et de Canal+. Sans oublier les différentes reprises médias générées par l’envoi de notre communiqué de presse. Nous étions convaincus qu’il était de notre responsabilité de porter ces combats, notamment auprès de la ménagère de 30, 35 ans, qui regarde C à vous en access prime time et qui sera peut-être amenée à réfléchir sur la question. Et nous en sommes fiers. Il est primordial d’ouvrir les chakras de tout le monde pour générer des débats vertueux au sein des familles.

 

 

IN : quels moyens sont à privilégier pour s’attaquer au mal à la racine ?

H.H. : le clip est comme il est, presque conçu comme un spot de campagne pour la prévention routière : il faut marquer la rétine des spectateurs en 2mn max. Dès lors, il est difficile de faire plus que de les amener à se dire : « … c’est vrai que je peux blesser quelqu’un en l’insultant de telle ou telle façon… ». Pour combattre efficacement les LGBTphobies, il faut s’investir sur le terrain comme le font différentes associations et cellules psychologiques en défendant, par exemple, la mise en place des centres d’accueil à destination des jeunes privés de soutien familial en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Sans oublier les interventions en milieu scolaire qui sont essentielles pour éveiller les consciences.

Nous sommes particulièrement satisfaits de l’intronisation prochaine d’un ambassadeur LGBTQI+ au sein même du gouvernement.

Changer la mentalité d’un parent qui réagit de manière violente vis-à-vis des choix de son enfant, ce n’est pas avec un clip qu’on va y arriver. Concernant les actions gouvernementales nécessaires à mettre en place, nous sommes particulièrement satisfaits de l’intronisation prochaine d’un ambassadeur LGBTQI+ au sein même du gouvernement. Nous sommes même très impatients d’en connaitre l’identité. Là où, à notre échelle, nous pouvons agir c’est en ouvrant nos colonnes aux acteurs qui portent ces combats pour faire évoluer les choses dans le bon sens. C’est à cela que nous servons.

IN : comment BNP Paribas, LVMH et Mastercard en sont-ils venus à soutenir cette opération ?

H.H. : nos trois partenaires font déjà partie de notre think tank Têtu Connect, qui réunit près 50 entreprises. Quand je leur ai proposé de s’investir sur cette question ils nous ont tout de suite répondu favorablement. Cela nous permet, outre la contribution financière qu’ils nous apportent, de profiter de leurs réseaux – LVMH compte par exemple 180 000 employés dans le monde –. Alors oui, la diffusion en TV permet de toucher encore plus de monde mais petit à petit, à chaque nouvelle communauté touchée, notre reach s’accroît. Je dis souvent dans les workshops que nous animons : « certes, nous nous adressons à la communauté LGBT+, mais tous les salariés qui travaillent dans ces entreprises, et qui sont souvent des parents, peuvent d’un coup être confrontés à ces questions ».

IN : est-il difficile de trouver des partenaires financiers légitimes pour s’exprimer sur cette question ?

H.H. : les choses bougent positivement depuis quelques années. Les dirigeants d’entreprises, plus ouverts et désireux d’insuffler du changement qu’auparavant, ont compris que ces questions ont désormais un poids déterminant dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Alors, je ne vous cache pas qu’il m’arrive encore de m’adresser à des DRH qui ont besoin d’être convaincus. Mais c’est très bien comme ça, et c’est aussi notre rôle après tout. Il est important de souligner quelque chose : là nous parlons des droits de la communauté LGBT+, mais il ne faut pas oublier les combats des personnes racisées, des handicapées… c’est aussi ça la convergence des luttes : générer de l’impact tous ensemble.

Sexe et genre par ici, le mercredi 25 mai !

Si vous souhaitez explorer davantage les sujets relatifs au genre et à la sexualité, nous ne pouvons que vous conseiller la prochaine journée d’étude organisée le 25 mai prochain par le département de psychanalyse de l’Université Paris 8 intitulée, judicieusement, Sexe et Genre. L’occasion pour les différents parties prenantes de revenir sur la place du genre au sein même de la théorie Lacanienne. Quand même la sphère psychanalytique, qui a souvent été taxé d’hétéronormativité dans sa conception du genre et de trop pathologiser les personnes transgenres, se saisit de la question, cela prouve que la société avance dans la bonne direction. Rendez vous l’année prochaine pour un nouvel état des lieux.

 

 

En savoir plus

Euphoria est la deuxième série la plus vue sur HBO, et pourrait même à l’avenir venir détrôner Games of Thrones ! Ce teen drama provoque un véritable raz de marée de réactions positives et continue ainsi d’obtenir la faveur du public et des critiques. Ont notamment été particulièrement salués la direction artistique de la série, la performance des acteurs et les sujets abordés.





source : www.influencia.net

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Hamid Hassani (Têtu) : « Interpeller la société française au sujet des LGBTphobies est de notre responsabilité»
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