INfluencia : pour commencer, je voulais revenir sur cette direction artistique ouvertement inspirée de la série à succès Euphoria, comme le révèle le communiqué de presseâ¦
Hamid Hassani : pour être tout à fait honnête, jâétais à deux doigts de faire retirer cette phrase du communiqué (rire). Il sâagit plus dâun clin dâÅil quâautre chose. Tout le monde apprécie la série, moi compris, et surtout Benoît Pétré qui a écrit et réalisé le film. Dès les premières discussions en interne, il mâavait évoqué son envie de sâen inspirer. On en riait presque en se disant que rivaliser avec la qualité visuelle de la série serait très compliqué (rire). On nâa pas vraiment les mêmes moyens. Mais il est vrai que nous avons repris ces mouvements de caméras fluides à base de travelling qui constituent la patte graphique dâEuphoriaâ¦
IN : ou le fait de privilégier une mise en scène qui se focalise sur les visages des personnages. Et cela fonctionne, on est loin de « lâesbroufe visuelle »â¦
H.H. : complètement, tout cela pour mieux faire passer notre message auprès des 17 ans, qui raffolent particulièrement de la série. Jusquâà cette scène de danse qui empruntent plus particulièrement ces fameux codes visuels. Une séquence qui, dâailleurs, aurait pu ne jamais exister. Nos trois saynètes, qui servent à faire passer notre message, fonctionnaient très bien entre elles, mais nous voulions également rendre compte de ces moments de ferveur propres à la jeunesse que la série incarne si bien.
IN : comment avez-vous muri cette opération ?
H.H. : pour en expliquer la genèse, il est important de revenir sur la stratégie globale du groupe. Depuis que le collectif TÃTU Ventures, composé dâentrepreneurs de la French Tech et des médias, a racheté le magazine en 2018, notre objectif premier est dâexister en dehors de nos colonnes. Cela ne veut pas dire que le magazine nâest plus important à nos yeux, il constitue toujours la colonne vertébrale du groupe.
SOS Homophobie a publié hier une étude aux chiffres affolants. Trèssommairement, lâhomophobie croit de près de 20% chaque année.
Mais nous avons compris quâil fallait également des prises de parole sur les différentes thématiques qui nous animent pour mieux interpeller la société française. Câest pour cette raison que nous avions déjà créé un spot lâannée dernière à lâoccasion de la précédente IDAHOT, beaucoup, beaucoup plus encrée sur la cellule familiale et dans les espaces de la vie quotidienne où ces discriminations se cristallisent. Cette année on a voulu faire autrement. Je ne sais pas si vous avez vu le rapport annuel de SOS Homophobie publié hier mais les chiffres sont affolants.
le film sera diffusé à la télévision, sur les chaines de France TV et de Canal+.
Très sommairement, lâhomophobie croît de près de 20% chaque année. Face à ce constat, nous avons fait le choix dâattaquer le problème par le prisme des discrimination ordinaires. Il fallait donc interpeller le plus de monde possible, ce que nous avons réussi à faire puisque le film sera diffusé à la télévision, sur les chaines de France TV et de Canal+. Sans oublier les différentes reprises médias générées par lâenvoi de notre communiqué de presse. Nous étions convaincus quâil était de notre responsabilité de porter ces combats, notamment auprès de la ménagère de 30, 35 ans, qui regarde C à vous en access prime time et qui sera peut-être amenée à réfléchir sur la question. Et nous en sommes fiers. Il est primordial dâouvrir les chakras de tout le monde pour générer des débats vertueux au sein des familles.
IN : quels moyens sont à privilégier pour sâattaquer au mal à la racine ?
H.H. : le clip est comme il est, presque conçu comme un spot de campagne pour la prévention routière : il faut marquer la rétine des spectateurs en 2mn max. Dès lors, il est difficile de faire plus que de les amener à se dire : « ⦠câest vrai que je peux blesser quelquâun en lâinsultant de telle ou telle façonâ¦Â ». Pour combattre efficacement les LGBTphobies, il faut sâinvestir sur le terrain comme le font différentes associations et cellules psychologiques en défendant, par exemple, la mise en place des centres dâaccueil à destination des jeunes privés de soutien familial en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Sans oublier les interventions en milieu scolaire qui sont essentielles pour éveiller les consciences.
Nous sommes particulièrement satisfaits de lâintronisation prochaine dâun ambassadeur LGBTQI+ au sein même du gouvernement.
Changer la mentalité dâun parent qui réagit de manière violente vis-à -vis des choix de son enfant, ce nâest pas avec un clip quâon va y arriver. Concernant les actions gouvernementales nécessaires à mettre en place, nous sommes particulièrement satisfaits de lâintronisation prochaine dâun ambassadeur LGBTQI+ au sein même du gouvernement. Nous sommes même très impatients dâen connaitre lâidentité. Là où, à notre échelle, nous pouvons agir câest en ouvrant nos colonnes aux acteurs qui portent ces combats pour faire évoluer les choses dans le bon sens. Câest à cela que nous servons.
IN : comment BNP Paribas, LVMH et Mastercard en sont-ils venus à soutenir cette opération ?
H.H. : nos trois partenaires font déjà partie de notre think tank Têtu Connect, qui réunit près 50 entreprises. Quand je leur ai proposé de sâinvestir sur cette question ils nous ont tout de suite répondu favorablement. Cela nous permet, outre la contribution financière quâils nous apportent, de profiter de leurs réseaux â LVMH compte par exemple 180 000 employés dans le monde â. Alors oui, la diffusion en TV permet de toucher encore plus de monde mais petit à petit, à chaque nouvelle communauté touchée, notre reach sâaccroît. Je dis souvent dans les workshops que nous animons : « certes, nous nous adressons à la communauté LGBT+, mais tous les salariés qui travaillent dans ces entreprises, et qui sont souvent des parents, peuvent dâun coup être confrontés à ces questions ».
IN : est-il difficile de trouver des partenaires financiers légitimes pour sâexprimer sur cette question ?
H.H. : les choses bougent positivement depuis quelques années. Les dirigeants dâentreprises, plus ouverts et désireux dâinsuffler du changement quâauparavant, ont compris que ces questions ont désormais un poids déterminant dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Alors, je ne vous cache pas quâil mâarrive encore de mâadresser à des DRH qui ont besoin dâêtre convaincus. Mais câest très bien comme ça, et câest aussi notre rôle après tout. Il est important de souligner quelque chose : là nous parlons des droits de la communauté LGBT+, mais il ne faut pas oublier les combats des personnes racisées, des handicapées⦠câest aussi ça la convergence des luttes : générer de lâimpact tous ensemble.
Sexe et genre par ici, le mercredi 25 mai !
Si vous souhaitez explorer davantage les sujets relatifs au genre et à la sexualité, nous ne pouvons que vous conseiller la prochaine journée dâétude organisée le 25 mai prochain par le département de psychanalyse de lâUniversité Paris 8 intitulée, judicieusement, Sexe et Genre. Lâoccasion pour les différents parties prenantes de revenir sur la place du genre au sein même de la théorie Lacanienne. Quand même la sphère psychanalytique, qui a souvent été taxé dâhétéronormativité dans sa conception du genre et de trop pathologiser les personnes transgenres, se saisit de la question, cela prouve que la société avance dans la bonne direction. Rendez vous lâannée prochaine pour un nouvel état des lieux.
En savoir plus
Euphoria est la deuxième série la plus vue sur HBO, et pourrait même à lâavenir venir détrôner Games of Thrones ! Ce teen drama provoque un véritable raz de marée de réactions positives et continue ainsi dâobtenir la faveur du public et des critiques. Ont notamment été particulièrement salués la direction artistique de la série, la performance des acteurs et les sujets abordés.
source : www.influencia.net