INfluencia : depuis votre création, vous enchaînez les acquisitions et diversifications. Où en-est votre modèle économique ?
Jérémy Parola : pour mieux comprendre notre modèle, il faut faire la distinction entre les activités BtoB et BtoC. Prenons lâexemple du print, qui répond parfaitement à ces deux enjeux. Câest un produit éditorial qui intéresse une audience (BtoC), elle-même source dâintérêt pour les annonceurs (BtoB). Nous sommes aujourdâhui le n°1 de la presse magazine payante avec 117 millions dâexemplaires vendus en 2020. La production et la diffusion des magazines notamment en print est un axe majeur et prioritaire de développement pour nous, bien quâil ne soit pas le seul. Nous réunissons aujourdâhui 52 marques médias et 45 sites internet. Et je nâintègre pas dans ce calcul Melty, qui fait lâobjet dâune offre exclusive d’achat de notre part. Dans nos activités BtoB, nos clients sont de plus en plus des éditeurs, en plus des annonceurs et agences. La raison est que nous mettons à leur disposition nos propres outils technologiques pour répondre à leurs besoins.
IN : entre vos différentes sources de revenus â abonnements, services aux marques et éditeurs, publicité â lesquelles prennent le plus dâimportance ?
J.P. : le chiffre dâaffaires des activités BtoC est grosso modo de 25 % supérieur aux recettes des activités BtoB. Le premier semestre 2021, nous avons enregistré un chiffre dâaffaires de 227,1 millions dâeuros dont 126,3 millions dâeuros grâce entre autres à nos 2,2 millions dâabonnements. Les activités BtoB ont généré quant à elles 100,8 millions dâeuros sur la même période. Cela représente une hausse de 28 % comparé au premier semestre 2020. En tout ce que nous faisons, nous retrouvons toujours les mêmes ingrédients : des contenus, des audiences et des marques. Prenons lâexemple de la publicité : une bonne monétisation publicitaire dépend dâune bonne audience. En revanche, nous lâavons constaté pendant la période Covid, alors que le marché publicitaire sâeffondrait, nous avons garanti notre stabilité en nous assurant un revenu qui nâa pas bougé grâce à nos abonnés. Tout lâenjeu pour nous est donc de continuer de lancer de nouvelles marques médias, ce que nous faisons tous les ans, notamment en print, selon un modèle dâabonnement ou de vente au numéro. Nous en avons lancé sept cette année (Gueuleton, Tanin, Damidéco, etc.).
IN : au-delà dâune logique de croissance par les acquisitions, comment faire évoluer son chiffre si ses bassins dâaudiences ne sont pas extensibles à lâinfini ?
J.P. : en augmentant le panier moyen de nos abonnés grâce à une démarche servicielle, comme lâoffre de chaînes SVOD (Top Santé, Auto Plus), des sites thématiques payants (paywall) et les hotlines dâassistance sur différents sujets (juridique, informatique, etc.). Câest de cette manière que nous avons réussi à augmenter le panier moyen mensuel de nos abonnés de 7 % le premier semestre 2021 comparé au premier semestre 2020. Depuis le début de lâannée, environ 600 000 personnes ont augmenté leur panier moyen dâun gros tiers. On lance ces services en lien avec les marques médias existantes. Ces derniers finissent par prendre une existence propre, car beaucoup dâutilisateurs sây intéressent exclusivement. Cela fait avancer notre base dâabonnés.
IN : peut-on dire que la crise de la Covid vous a conforté dans votre stratégie ?
J.P. : les abonnements sont en effet un axe fort et prioritaire pour nous. Et, il est vrai, la crise nous a confortés dans cette idée, notamment avec cette logique de renforcement du panier moyen. Cette année et en 2022, nous allons continuer de lancer de nouveaux services dans ce sens. Mais cet axe nâest pas le seul. Nous souhaitons également développer nos activités BtoB. Tandis que le BtoC nous permet dâassurer la récurrence de nos revenus, lâadtech nous offre une porte ouverte sur le monde.
IN : pouvez-vous être plus précis ?
J.P. : nous avons en effet transformé notre stack publicitaire afin de le mettre à disposition des tiers, quâils soient en France ou à lâinternational. Nous avons transformé nos outils et notre savoir-faire en une plateforme qui couvre tous les besoins des éditeurs. En très peu de temps, nous en avons fait une ligne de revenus à part entière. Tout cela est logique : dans notre marché, les plus grandes recettes et valorisations se font dans lâadtech, beaucoup plus que chez les médias. Nous avons déjà signé avec 38 éditeurs.
IN : quels sont vos autres axes forts de développement ?
J.P. : nous venons de lancer Edisound, une plateforme de distribution de podcasts natifs payés à lâécoute par les producteurs. à travers notre SSP connecté sur tous les sites éditeurs, nous leurs offrons une garantie dâécoute. Au lieu de payer très cher la diffusion de son podcast de marque chez iTunes ou Spotify sans aucune garantie dâécoute, chez nous le producteur achètera son écoute sur la cible souhaitée. Nous ne sommes rémunérés que si le podcast est écouté. Nous nous développons également en mettant en place plein dâautres solutions en fonction des besoins de nos publishers, comme les petites annonces et le live shopping.
IN : au final quelle est lâimportance de la publicité pour vous aujourdâhui ?
J.P. : la publicité a son importance pour nous, mais il est vrai que nous en sommes très peu dépendants. Câest une source de revenus qui continue de croître mais à un rythme moins soutenu que les autres piliers. Lâimportance de la publicité se dilue. Si vous considérez par exemple la publicité qui nous parvient à lâancienne, via les agences, elle ne compte que pour 10% des revenus totaux du groupe. Nous avons très fortement accéléré sur le programmatique, qui génère 70 % de nos revenus digitaux. Le programmatique est le modèle auquel on croit pour générer de la valeur. Nous avons pris des positions partout, notamment auprès dâannonceurs qui recherchent de la performance.
source : www.influencia.net