Dans le contexte du mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent »), survenu après quâun Afro-Américain George Floyd est mort lors de son arrestation par des policiers blancs en 2020, plusieurs fabricants de cosmétiques ont été critiqués sur leurs produits éclaircissants pour la peau, les poussant à modifier leur identité visuelle, par trop chargée de stéréotypes raciaux. Le groupe de cosmétiques Unilever (Dove, Axeâ¦) a ainsi décidé, en mars 2021, de bannir le terme « normal » de ses publicités et packagings et sâest engagé à « façonner une définition plus inclusive de la beauté ». Lâannée précédente, il avait rebaptisé sa crème éclaircissante Fair & Lovely (« claire et jolie ») vendue en Inde. Dans la foulée, LâOréal annonçait la disparition des mots « blanc », « blanchissant » et « clair » sur les emballages de ses produits de beauté.
Les marques font lâobjet de toutes les attentions sur un marché où les consommateurs sont devenus très attentifs à leurs valeurs et pratiques, en particulier aujourdâhui sur lâinclusivité. Un concept pas nouveau, mais qui connaît un essor et une forte médiatisation (notamment sur les réseaux sociaux) ces dernières années. Il signifie inclure tout le monde, en intégrant les notions de sexe, âge, origine et handicap⦠Lâidée étant de prévenir et lutter contre la discrimination et/ou la stigmatisation des minorités. Comment aborder ce phénomène ? « Il y a un paradoxe sur la question de lâinclusion â lâémergence et la revendication des identités â entre la réalité démographique de la diversité culturelle française et une revendication du fait que ce soit une marque qui porte cette transformation sociétale, et non plus la société en elle-même, les pouvoirs publics et/ou les médias. Ce discours de lâinclusivité est opérationnel, depuis une dizaine dâannées, chez les marques devenues le miroir de la société. Celles-ci ont une capacité de transformation beaucoup plus avérée, elles sont en avance, rendant les institutions maladroites avec ce sujet », expose le sociologue Stéphane Hugon, cofondateur et dirigeant du cabinet Eranos.
Sincérité ou opportunisme ?
Et comment les marques appréhendent lâinclusivité ? « Sur la forme, à travers la représentativité qui est le reflet de la société, mais aussi le fond, en ayant les preuves de leurs propos. Certaines vont même au-delà en traitant le sujet comme un combat avec des prises de position », expose Céline Chouéri, directrice générale adjointe en charge du planning stratégique chez Altmann+Pacreau. à lâimage de Camaïeu, qui sâengage pour les femmes victimes de violences conjugales aux côtés de lâassociation Solfa. La marque de prêt-à -porter a mis en place une campagne signée Buzzman (janvier 2022) pour faire connaître et rappeler le numéro (3919) dâécoute de la Fédération nationale Solidarité Femmes. Le dispositif e-commerce mettait en scène certaines collaboratrices transformées en « modèles » portant les stigmates de violences et faisait figurer le 3919 en place du prix produit. Dans les magasins, les équipes revêtaient un tee-shirt (en vente) aux couleurs du numéro. « Lâinclusivité est un enjeu de cohérence et de sincérité. Les marques doivent aligner leur discours à leurs actions tant au niveau de la communication que du corporate ou du recrutement. Cela signifie être exemplaire pour ne pas paraître opportuniste. Nous notons une évolution positive en ce sens ces dernières années en France. Certaines entreprises inscrivent même lâinclusivité dans leur raison dâêtre. La marque Naturalia, par exemple, met au centre de ses décisions et ses actions la nature et lâhumain. Les consommateurs sont dans cet état dâesprit et plébiscitent les marques construites sur ces valeurs. » Ce que confirme Fanny Camus-Tournier, directrice du planning stratégique chez Ogilvy Paris : « Les jeunes décryptent les messages, ils sont sensibles aux marques qui prônent lâinclusivité. Leur crédibilité passe par une prise de position ou/et un engagement fort. Lâinclusivité nâest dâailleurs plus un argument de différenciation, mais bien un contrat de base. » Nâen demeure pas moins que si lâinclusion sâinscrit dans le marketing, la communication et les ressources humaines, dans les faits, toutes les marques ne travaillent pas encore tous ses aspects, indispensables pour faire grandir la société.
source : www.influencia.net