Son parcours ressemble à celui du pays quâelle aime tant. Laure DâHauteville a traversé tous les soubresauts du Liban. La guerre, la révolution, une explosion apocalyptique, la corruption généralisée, lâinflation galopante⦠Cette ancienne journaliste culturelle, qui a étudié lâhistoire de lâart avant de travailler dans une galerie parisienne spécialisée dans les oeuvres des années 50, lutte sans relâche pour maintenir à flot la Foire internationale dâart moderne et contemporain dédiée aux artistes du Moyen-Orient et dâAfrique du Nord quâelle a créé il y a plus de 20 ans. Pour la seconde édition consécutive, le Menart Fair se tiendra cette année du 19 au 22 mai à Paris, dans lâHôtel particulier de Cornette de Saint Cyr avenue Hoche, à deux pas de lâArc de Triomphe. Dès quâelle le pourra, Laure DâHauteville retournera sâinstaller à Beyrouth. Lâhistoire est un éternel recommencementâ¦
Lorsque cette passionnée et passionnante femme dâaffaires a posé ses valises en 1991 dans la capitale libanaise pour suivre son mari banquier, elle a commencé à suivre le parcours « typique » de lâexpatriée. « Nous étions constamment invités à des dîners avec mon ancien mari et pendant que les hommes parlaient finance, leurs épouses discutaient dâart, se rappelle-t-elle. Lâart a toujours occupé une très grande place dans ce pays. La vie artistique ne sâest jamais arrêtée. Durant la guerre lorsquâun quartier était bombardé, les galeries transféraient leurs Åuvres sous les bombes pour les installer dans une zone moins dangereuse afin dâassurer leurs expositions. Au fil du temps, les femmes avec qui je parlais mâont persuadé de fonder le premier salon dâart moderne et contemporain de la région. Mon idée était de faire un « one off » en 1998 mais Artuel a connu un tel succès que jâai continué à organiser cet événement chaque année. »
Un bref passage par Singapour
En 2005, lâassassinat du Premier ministre, Rafiq Hariri, plonge le pays dans le chaos. Obligée de rentrer à Paris, Laure DâHauteville rejoint lâéquipe dâArtparis pour les aider à sâimplanter au Moyen-Orient. En 2007 et 2008, elle fonde et pilote la foire Artparis-Abu Dhabi qui existe toujours sous le nom dâAbu Dhabi Art Fair.  En 2009, elle retourne au Liban pour créer et prendre la direction de Beirut Art Fair. Cinq ans plus tard, elle créé dans la Cité-Etat le Singapore Art Fair quâelle cédera un an plus tard à ses partenaires locaux, ne parvenant plus à gérer ses multiples occupations.
A nouveau, le chaos
Le 10ème anniversaire de la Beirut Art Fair en 2019 est un succès énorme avec 36.000 visiteurs contre à peine 3500 lors de la première édition. Mais trois semaines après cet événement, la révolution éclate au Liban et le 4 août 2020, lâexplosion sur le port de Beyrouth qui détruit tout le centre-ville de la capitale ainsi que ses musées et ses galeries dâart finit de jeter le pays dans la plus grande anarchie. La devise nationale sâeffondre. Le cours de la livre libanaise passe de 1500 à ⦠26.000 pour un dollar. La corruption est partout. Lâélectricité est constamment coupée et le mazout se vend sous le manteau. Tous les avoirs des particuliers sont également bloqués par leurs banques. « Du jour au lendemain, jâai tout perdu, résume Laure DâHauteville. Je suis donc rentrée à Paris en 2020 en ayant lâimpression que lâhistoire se répétait quinze ans plus tard. Jâai toutefois utilisé le confinement à bon escient, car pour la première fois de ma vie, jâai eu le temps de réfléchir à mon avenir. »
Lâidée lui est alors venue de fonder à Paris une foire équivalente à celle quâelle avait créée à Beyrouth. La première édition de Menart Fair se déroule déjà à lâHôtel particulier de Cornette de Saint Cyr. En dépit des restrictions sanitaires, lâévénement parvient à réunir 3600 visiteurs. 22 galeries originaires de 13 pays ont exposé leurs Åuvres. Le succès a été tel que certains exposants ont choisi cette année de réserver des espaces plus importants. 18 galeries basés dans 12 pays ont ainsi prévu de présenter cette année les pièces de plusieurs de leurs artistes. Un espace important sera également consacré aux NFT, ces certificats numériques basés sur la blockchain qui sâéchangent souvent en cryptomonnaie et qui ne peuvent pas être censurés par les gouvernements. 4500 curieux sont attendus, principalement des collectionneurs et des membres dâinstitutions qui souhaitent avoir un espace consacré à lâart moyen-oriental dans leurs musées. Menart Fair devrait encore rencontrer un joli succès cette année. Laure DâHauteville lâespère tout en rêvant probablement de retourner un jour dans son Beyrouth chériâ¦
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