La proximité crée la confiance, qui induit à son tour l’engagement.

27 mai 2022

INfluencia : l’étude Françaises, Français reflète les grandes évolutions sociétales à l’œuvre à partir de l’étude des contenus de la PQR. Que met-elle en évidence sur la place et le pouvoir du local ?

Stéphane Delaporte :  le pouvoir du local – et par extension l’attraction du local – est devenu un nouveau paradigme. Les évolutions au niveau des populations sont la résultante des crises que nous traversons depuis trois ou quatre ans avec les Gilets Jaunes puis le Covid, et du développement de technologies qui permettent de travailler différemment. Toutes les générations peuvent aspirer à un nouveau projet de vie. Le champ du local n’est plus réservé aux activités politiques ou économiques. Il irrigue la société, la structure, et son importance va perdurer.

Dominique Levy-Saragossi : un lent et long mouvement de décentralisation, jusqu’alors invisible d’un certain nombre de cercles de décisions – dans lesquels j’inclus les politiques, les marques… – s’est imposé parfois de manière éruptive ou irruptive dans tous les domaines. Il est devenu absolument incontournable et s’accompagne d’une recomposition géographique, très éloignée de la vision française d’une structure en étoile avec un « hypercentre » parisien censé irriguer l’ensemble du pays par capillarité. La notion de province a quasiment disparu du vocabulaire au profit des « régions » ou « territoires ». Paris et le désert français du géographe Jean-François Gravier date de 1947. On va finir par arriver à « la France et le désert parisien ».

IN : quels territoires bénéficient le plus de cette recomposition géographique ?

DLS : la capitale perd 60000 à 70000 habitants par an, essentiellement des jeunes familles, et leurs destinations ont changé. L’exode vers la banlieue a basculé vers un nouveau choix de vie. Ce n’est pas la même chose de quitter Paris pour aller habiter à Montreuil que pour aller à Vannes. Le modèle de vie urbain et hyper urbain avec la ville du quart d’heure est devenu moins attractif que les vraies villes du quart d’heure que sont Poitiers, Orléans, Annecy… Tout le monde n’a pas la capacité de remettre en cause et ne plus subir l’endroit où il vit, mais une grande partie de la population – celle qui intéresse le plus les annonceurs parce qu’elle concentre le pouvoir d’achat le plus important – peut s’affranchir d’un certain nombre de contraintes géographiques et, ce faisant, réinvestir des territoires.

IN : a-t-on alors le même sentiment d’appartenance à une ville ou une région ?

SD : être de quelque part est devenu un élément positif par le jeu des mobilités et par la possibilité de s’inventer une nouvelle vie en allant habiter dans la région ou la ville qu’on a choisie. Afficher la région au sein de laquelle on habite est un marqueur d’identité, de consommation et de comportements de vie. On le voit avec les numéros des départements sur les plaques d’immatriculation.

DLS : se revendiquer de Marseille, de la côte basque ou de la Bretagne était une chose. Aujourd’hui, des régions avec des personnalités moins marquées deviennent des pôles d’attractivité en tant que tels. Les gens se définissent moins par leur région d’origine que par l’endroit où ils ont choisi de vivre. C’est même devenu un ancrage nécessaire dans un moment où les identités politiques, sociales et de genre sont de plus en plus flottantes. Dans ces choix de vie, il ne s’agit pas de se retirer sur ses terres pour travailler, mais de s’implanter dans un endroit offrant une qualité de vie qui n’existe pas forcément dans une métropole, sans perdre la connexion avec le monde entier. Grâce à technologie, le monde est entré à Angers !

IN : dans quels secteurs économiques les évolutions se font-elles le plus sentir ?

DLS : l’offre alimentaire est la première impactée pour répondre à l’aspiration au bien-manger et à la santé par l’alimentation associée au local. Dans des zones qui n’avaient souvent plus qu’un supermarché de proximité, les consommateurs veulent retrouver du circuit court, du bio… Cela recompose de manière assez importante le paysage de la distribution alimentaire et impose aux distributeurs de revendiquer leur ancrage local. Il y a plusieurs années, Leclerc communiquait déjà sur les alliances locales et les fournisseurs locaux. Aujourd’hui, Lidl fait une campagne sur l’emploi local. Tous les secteurs revendiquent un statut d’acteur du local : la banque quand elle parle de « vos projets là où ils sont », de « votre épargne qui fait du bien près de chez vous », les réseaux qui, comme McDonald’s, revendiquent une utilité sociétale locale.

« Le citoyen a du mal à faire bouger les politiques sur la réappropriation des territoires et envoie des injonctions aux marques afin que celles-ci deviennent actrices de ces évolutions. »

SD : dans le secteur de l’énergie, TotalEnergies travaille son image de marque en misant sur la proximité et l’utilité avec son crédit de 5 euros pour un plein de 50 litres réalisé dans ses 1150 stations-services de en zones rurales. La diversité des attentes autour du local va impacter le politique, qui devra relocaliser des services publics. Pour ceux qui arrivent dans des villes avec des schémas de santé parisiens, alors qu’il faut plus de six mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, il y a un problème ! Le citoyen comprend bien qu’il a du mal à faire bouger les politiques sur la réappropriation des territoires et envoie des injonctions de plus en plus fortes aux marques afin que celles-ci deviennent actrices de ces évolutions.

IN : les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de l’ampleur du phénomène ?

SD : le pouvoir politique court derrière une évolution sociétale alors qu’il devrait en être l’acteur. Il existe (encore) une vraie dichotomie entre la réalité de la prise de pouvoir des territoires dans la vie de tous les jours sur des items de consommation, d’existence des marques et la façon dont le monde politique le ressent. Beaucoup de politiques ont compris que les discours top down ne fonctionnent plus. Certains parlent de relocalisation en urgence… C’est une affirmation mais pas encore une action, alors qu’il y a une forte demande des citoyens. Pourtant, l’activité économique des TPE-TPI et PME-PMI qui sont dans les régions devient beaucoup plus essentielle qu’auparavant. Il faudrait que le politique leur crée un environnement pour qu’elles puissent exprimer réellement ce qu’elles sont et ce qu’elles peuvent être sur un marché.

DLS : beaucoup de solutions issues d’alliances tripartites entre associations, pouvoirs publics locaux et entreprises prouvent leur efficacité à hauteur d’homme et à un échelon humain. En revanche, il est difficile de trouver aujourd’hui des solutions concrètes qui démontrent aussi clairement leur efficacité à l’échelon national. Quand les Français citent ce qui fonctionne ou dysfonctionne, ils font référence à leur expérience quotidienne, qui est nécessairement dans la proximité : l’état de la circulation, du ramassage des ordures ménagères, la présence d’espaces verts, d’équipements, l’accès aux soins, à l’emploi, à l’école… Lors de leurs déplacements sur le territoire, les politiques ont de plus en plus tendance à porter des propositions, des solutions à l’impact local tangible. Ils essaient ensuite souvent de leur donner une valeur d’exemple et un retentissement national. C’est à la fois incontournable et insuffisant. Décarboner Dunkerque a un impact fort sur le bilan carbone national, mais c’est un projet dont la valeur d’engagement n’est pas évidente pour un citoyen dans le Sud de la France qui se demande ce qui se passe chez lui et a le sentiment d’y vivre d’autres pollutions. Les médias locaux sont extrêmement précieux pour les politiques qui doivent réussir à montrer qu’ils comprennent le pays et qu’ils agissent pour les Français, là où ils sont.

SD : les marques ont un peu la même problématique dès lors qu’elles doivent traiter de sujets qui sont liés à la RSE, à la protection du climat, à l’inclusion, à leur marque employeur ou à la partie éthique de leur activité. Elles doivent réussir à faire un lien direct avec quelque chose de mesurable par leurs consommateurs ou clients. Elles doivent incarner la réalité de leurs affirmations, et cette incarnation passe et passera de plus en plus par les notions de proximités. Qui mieux que le média implanté physiquement en local et qui produit des contenus de proximité peut les aider à exprimer cela ?

« Les médias locaux sont extrêmement précieux pour les politiques qui doivent réussir à montrer qu’ils comprennent le pays et qu’ils agissent pour les Français, là où ils sont. »

IN : avec quels leviers en ce qui concerne la PQR ?

SD : la PQR est un média de marques historiques à forte valeur patrimoniale, parfaitement identifiées, qui présente aujourd’hui un atout majeur parce que ses valeurs autour de la proximité sont plébiscitées par les citoyens. La fonctionnalité de ces marques médias, notamment autour du serviciel, est parfaitement identifiée par ses consommateurs de contenus. La confiance est au centre de tout ce que fait la PQR. Une vérité alternative ou une fake news est extrêmement difficile à combattre d’une façon nationale. Une fausse information qui concerne un territoire est plus facile à démonter, car les faits sont vérifiables. La proximité crée la confiance, qui induit à son tour l’engagement. Tous les univers se retrouvent dans ce triptyque qui est au cœur de la PQR. Le monde marchand cherche à faire reconnaître la fonctionnalité de ses marques et à engager le citoyen-consommateur auprès des produits de ces marques. Le politique doit convaincre les citoyens de voter et de s’intéresser à la politique. En tant que régie, nous sommes convaincus que les marques médias qui continueront à avoir une existence réelle sont les marques dont la fonctionnalité sera parfaitement identifiée. C’est le cas pour tous les médias qui traitent de la notion de proximité, et en particulier pour la PQR.

IN : quid des autres médias ?

DLS : les médias nationaux font beaucoup pour prouver qu’ils ne sont pas des médias « parisiens ». Dans la série Fragments de France et ses cent articles réalisés à travers le pays, ou les chroniques de La France buissonnière, Le Monde propose des « papiers de proximité » pour capter une vision sensible et nuancée du pays. France Inter délocalise une émission politique à Tours, Saint-Brieuc, Metz, Valence… En tant que sondeurs, tous les médias nationaux et les journalistes nous posent la même question : comment arrivez-vous à restituer cette fragmentation de la réalité, qui est une fragmentation de plus en plus fine territorialement. La notion de moyenne, ou de « Français moyen », rend évidemment difficilement compte de cette dispersion des opinions. Le phénomène s’est encore accéléré ces deux dernières années.

IN : françaises, Français est devenu une étude de référence. En quoi est-elle originale ?

DLS : 366 n’a jamais demandé à BVA de servir le média, mais d’apporter un éclairage sociologique sur le pays. Pour nous, c’est un objet d’étude unique et précieux, car il est extrêmement rare que nous ayons l’opportunité de travailler sur un champ de questionnement aussi large. Au-delà du travail effectué pour Françaises, Français, la recomposition du paysage national est un phénomène que nous constatons tous les jours et que chacun cherche à comprendre. Aujourd’hui, le patron de Carrefour n’a jamais eu autant envie qu’on lui parle de politique, et le politique n’a jamais eu autant envie qu’on lui parle de ce qui se passe chez Carrefour. La prise de conscience que c’est le citoyen-individu-consommateur qui va refaçonner la société est bien là. Nous avons pris le parti de croiser systématiquement les regards pour éclairer au mieux cette réalité, lui donner corps et tracer des perspectives.

SD : cette étude a pour objet d’apporter une parole d’expert et propose de regarder comment tout ce qui sort des territoires impacte la vision et la réalité de la société française. Elle ne cherche pas tant à identifier les signaux faibles qu’à nous projeter sur les éléments structurants de la société française. Il se trouve que cela justifie la fonctionnalité de la PQR et sa spécificité. Tant mieux ! Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions continué à faire ce travail d’expertise.





source : www.influencia.net

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