La qualité de l’air en péril dans les mégapoles du Sud.

18 avril 2022

Les géographes et les démographes semblent formels : les mégapoles du Sud se développent de manière spectaculaire… et visiblement incontrôlée… depuis plusieurs décennies. Situées dans les pays les moins avancées, ou PMA pour reprendre le vocabulaire de l’ONU, ces mégacités regroupent déjà la majorité des citadins du globe. Selon l’article Les défis de l’urbanisation dans les pays du Sud publié en 2018 par Jacques Véron, directeur de recherche à l’INED – l’Institut National d’Etudes Démographiques –, 3,2 milliards de citadins les habiteraient, contre moins de 1 milliard au « Nord », « avec un processus d’urbanisation extrêmement rapide et un accroissement continu de la taille de ces grandes villes (…) Selon les dernières projections des Nations unies, la population urbaine des pays du Sud devrait s’accroître de quelque 2,5 milliards de personnes d’ici 2050 ». Pour mieux savoir où l’on met les pieds, il existerait actuellement une trentaine de zones urbaines comptant plus de 10 millions d’habitants dans le monde, principalement en Asie du Sud-Est, en Afrique et au Moyen-Orient, selon l’ONU. Comme vous pouvez vous en douter, cet accroissement, presque agressif, entraine avec lui son lot de dérèglements climatiques, surtout relatifs à la pollution atmosphérique.

 

Tropic Thunder

Mais les chercheurs ne sont pas – encore – arrivé au bout de leur surprise. Une étude publiée le 8 avril dans Science Advances est venue confirmer l’hypothèse d’une dégradation accélérée de la qualité de l’air dans les mégapoles d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, ainsi que d’une plus grande exposition de leurs habitants à certains polluants atmosphériques dangereux pour la santé. Cette enquête menée par l’UCL – University College London – a été conduite dans 46 futures mégapoles du Sud, en utilisant les observations spatiales établis par les instruments embarqués à bord de satellites de la NASA et de l’ESA, l’agence spatiale européenne, sur la période 2005-2018. Nous avons recensé, entre autres, Abidjan, Bamako, Dakar ou encore Kinshasa pour le territoire africain, Bangalore, Karachi et Mumbai pour l’Asie du Sud, Bangkok, Hanoi ou Jakarta pour l’Asie du Sud-Est, et pour finir Riyadh et Sana’a pour le moyen orient. La liste complète des villes étudiées et les résultats détaillés de l’enquête sont à retrouver sur Science Advances.

Dans toutes ces villes, les auteurs ont constaté des augmentations annuelles significatives des polluants directement dangereux pour la santé, allant jusqu’à 14 % pour le dioxyde d’azote et jusqu’à 8 % pour les particules fines. Mais l’étude démontre également des augmentations d’agents précurseurs aux particules fines, allant jusqu’à 12 % pour l’ammoniac et jusqu’à 11 % pour les composés organiques volatils réactifs. Les chercheurs ont attribué cette dégradation prématurée de la qualité de l’air aux industries émergentes et à divers facteurs résidentiels telles que le trafic routier, la combustion des déchets et l’utilisation généralisée du charbon de bois et du bois de chauffage.

 



 

L’auteur principal de cette enquête, le Dr Karn Vohra, qui a réalisé l’étude en tant que doctorant à l’université de Birmingham, a déclaré : « La combustion à ciel ouvert de la biomasse pour le défrichage et l’élimination des déchets agricoles a, par le passé, dominé de manière écrasante la pollution atmosphérique dans les pays tropicaux. Notre analyse suggère que nous entrons dans une nouvelle ère de pollution atmosphérique dans ces villes, certaines connaissant en un an des taux de dégradation que d’autres villes connaissent en une décennie ».

 

Des populations qui suffoquent

Les chercheurs ont également constaté une multiplication d’1,5 à 4 de l’exposition de la population urbaine à la pollution atmosphérique au cours de la période d’étude dans 40 des 46 villes pour le dioxyde d’azote et 33 des 46 villes pour les particules fines. Un drame sanitaire causé à la fois par cette croissance démographique que nous venons d’exposer et par la détérioration rapide de la qualité de l’air. Selon l’étude, l’augmentation du nombre d’habitants qui décèdent prématurément à cause de l’exposition à la pollution atmosphérique a été la plus forte dans les villes d’Asie du Sud, en particulier à Dhaka, au Bangladesh – avec au total 24 000 décès –, et dans les villes indiennes de Mumbai, Bangalore, Kolkata, Hyderabad, Chennai, Surat, Pune et Ahmedabad – pour presque 100 000 morts ! –. Selon les chercheurs, si le nombre de décès dans les villes tropicales d’Afrique est actuellement plus faible en raison d’un meilleur accès aux soins sur le continent, qui ont entraîné une baisse globale de la mortalité prématurée, les pires effets de la pollution atmosphérique sur la santé se produiront probablement dans les décennies à venir.

Le Dr Eloise Marais, co-auteur de l’étude, a déclaré : « Nous continuons à déplacer la pollution atmosphérique d’une région à l’autre, au lieu de tirer les leçons des erreurs du passé et de veiller à ce que l’industrialisation rapide et le développement économique ne nuisent pas à la santé publique. Nous espérons que nos résultats inciteront à prendre des mesures préventives dans les régions tropicales ». Pour conclure ce rapport, loin d’être réjouissant, le Dr Vohra explique : « Si […] ces tendances persistent, il est certain que la situation va empirer. Admettons que la qualité de l’air ne change pas. Même dans ce cas figure, la population de ces villes se développe de manière si dramatique que la mortalité prématurée est vouée à exploser ».

 



 





source : www.influencia.net

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