Ãtre responsable, dans toutes les dimensions de sa vie comme dans sa consommation, nâest plus une option pour les Français. Ou plutôt nâétait plus une option, avant la réapparition de lâinflation dans leur vie sous une forme quâils nâavaient pas connue depuis des années. Mais les temps changent. La pression des prix qui montent, inexorablement, et parfois furieusement â de 80 à plus de 100⬠pour faire un plein de diesel de 50 litres en 3 mois⦠– change déjà la donne dans les dépenses de consommation courante des classes moyennes avec lesquelles nous dialoguons depuis 2007. Et si, demain, câétait leur rapport à la responsabilité sociale et environnementale qui changeait ? Et pas pour le meilleur, en ce qui concerne les marques ?
La responsabilité, ça devrait être pour tout le monde.
Ãa devrait. Depuis 2007, câest en effet la première fois quâun rejet aussi clair, sans ambiguïté, provocateur même se fait jour sur les plateformes que nous animons, révélateur dâun état dâesprit encore minoritaire, mais quâil faut entendre.  « Consommer responsable nâest absolument pas une préoccupation pour moi en ce moment, je nâai pas lâargent dâacheter du bio ou du made in France. Lâindustriel étranger à petit prix me convient très bien.»[1] Tout se passe comme si un mouvement qui semblait il y a encore quelques mois irrévocable â et facilité par lâaugmentation bienvenue du pouvoir dâachat suite aux confinements de 2020 et 21 â était tout à coup entravé pour les Français les plus fragiles. Comme si ce qui était non seulement souhaitable, mais nécessaire pour tous, devenait inatteignable pour certains.
Quand lâinflation réactive toutes les frustrations de la crise du pouvoir dâachat.
Câest que lâinflation réactive ce que le Covid et le quoiquâil en coûte avaient masqué. « Je pense que tout augmente, on ne peut nier lâévidence. Moi mon salaire est bloqué depuis 10 ans. A un moment, ça va craquer. ». Ce qui était sinon oublié, du moins momentanément calmé revient en force, sous une forme dâautant plus inattendue quâelle est rendue plus dramatique encore par la violence de la guerre, et les dérèglements économiques quâelle accroît. Le vocabulaire de la frustration qui était le leur revient en force dans les mots des Français, comme en 2008 â et en 2008, la crise du pouvoir dâachat nâavait pas été précédée des 2 ans de pandémie, dâenfermement et de stress sanitaire qui exacerbent les pensées négatives des plus en difficulté.
La responsabilité va-t-elle devenir un sport de combat?Â
Un sport de combat, câest ainsi que Bourdieu parlait de la sociologie, cette discipline quâil concevait comme la compréhension des rapports de force qui dictent non seulement les rapports entre les classes sociales, mais leur façon de voir le monde, leurs valeurs et leurs comportements de tous les jours. On peut se demander si, à mesure que consommer responsable devient aussi un sport de combat, la responsabilité ne va pas devenir, elle aussi, un marqueur de classe impitoyable. Un signe dâappartenance et de réussite pour certains – ceux qui vivent dans les métropoles où la mobilité peut être douce, pour qui acheter bio est devenu une évidence facile à mettre en acte, pour qui la hausse des prix du diesel ne signifie pas moins de déplacements pour voir leurs proches parce quâils roulent déjà à lâélectrique. Un facteur dâexclusion supplémentaire pour dâautres – ces Français des classes moyennes et modestes qui font ce quâils peuvent depuis des années pour consommer mieux, mais se trouvent aujourdâhui confrontés au mur de lâinflation, demain à lâinterdiction dâentrer avec leur vieux véhicule dans les ZFE où la consommation heureuse et responsable continue comme avant.
Demain, la responsabilité sans les marques ?
Câest pourquoi il va falloir que les marques soient, plus que jamais, aux côtés des Français et notamment des plus vulnérables. Câest pourquoi il va falloir quâelles fassent de lâinclusion le préalable de toute démarche de responsabilité. Quâelles donnent plus que jamais les moyens de consommer, sans avoir le sentiment de se sacrifier, à ceux qui ne les ont pas ou qui demain ne les auront plus, si la poussée inflationniste de ce début 2022 se confirme. Sans quoi, le risque est réel quâils les remplacent purement et simplement par des produits et des pratiques qui leur permettent déjà de sâen passer âenseignes anti-gaspi qui sont le new Bon Coin, troc, DIY, achat groupé de biens et de produits alimentaires hors circuits traditionnels, sorties à domicile, seconde main non plus en complément mais en substitution pour se faire encore un peu plaisir⦠Des produits des pratiques qui leur offriront peut-être moins de satisfaction imaginaire que leurs marques et leurs enseignes préférées, mais leur donneront le pouvoir de mettre leur consommation en accord à la fois avec leurs convictions et leurs moyens du moment.
[1] Inflation, le retour – étude FreeThinking, mars 2022
source : www.influencia.net