Le défi de 2022 sera d’impulser une relance compatible avec la transition écologique

13 septembre 2021

À la relance, avec Bertille Toledano, co-présidente de l’AACC.

« À la relance », c’est le nouveau format pensé pour ce mois de redémarrage. Pour cela, la Réclame est allée sonder les principaux représentants du secteur du marketing et de la communication pour connaître l’état d’esprit des acteurs de l’industrie publicitaire. Qui dit rentrée, dit reprise. Reprise des activités et — donc ? – de l’économie. Après 18 mois marqués par la crise sanitaire, la fameuse relance est-elle enfin là, les investissements ont-ils repris de manière significative et où se portent-ils ? 

Bertille Toledano, présidente BETC Paris et co-présidente de l’AACC, nous expose les enjeux et défis à venir pour le marché publicitaire.

​​Quel est le moral du secteur en cette rentrée ? 

Bertille Toledano : Je sens qu’il y a une belle énergie, comme on a pu s’en rendre compte aux Rencontres de l’Udecam : le moral est plutôt bon, les gens étaient contents de se retrouver, contents de retravailler ensemble, d’avoir plein de projets et de choses à faire.

Maintenant, il faut que ça dure, car nous sommes tous un peu précautionneux face à une éventuelle reprise de la crise sanitaire, nous restons donc prudents dans nos prévisions, dans nos anticipations et dans nos façons de procéder. 

Sentez-vous un regain d’activité au sein des agences et d’investissements de la part des annonceurs ? Ont-ils repris à un rythme d’avant crise ?

B.T. : Oui, il y a une reprise d’investissements, clairement : les agences et les annonceurs manifestent l’envie d’investir, avec des besoins en vidéo, en campagnes, en conseil, en activations, etc., on ressent donc un retour des investissements. Globalement, les prévisions tablent autour de 13 % pour le marché de la publicité en 2021. En juin de cette année, la filière communication faisait état d’une croissance de 20 % par rapport à la même période l’année dernière (juin 2020). Si on regarde le chiffre d’affaires cumulé de la filière com entre juin 2020 et juin 2021, nous sommes à -9 %. Il y a une croissance, mais qui peine encore à rattraper le fort coup d’arrêt des mois de crise. Nous ne sommes donc pas revenus au niveau pré crise. Pour le moment, on observe « seulement » une croissance des investissements.

Cette croissance est notamment portée par la publicité numérique, dans une autre mesure par la publicité télévisuelle qui se porte plutôt bien, la radio, la publicité extérieure… La presse écrite quant à elle souffre encore un peu, à + 2 %. C’est encore faible par rapport à ce que cela devrait être. On constate un début de reprise dans la pub, c’est un vrai mouvement de reprise et de croissance

En revanche, en tant que présidente de l’AACC, c’est l’indice des prix qui m’intéresse : je vois une reprise du travail, certes, mais elle doit s’accompagner d’une reprise de la valeur. Cela fait des années que l’on vit une pression sur nos prix. Lorsque Xerfi analyse la reprise du marché de la communication, l’institut constate qu’elle va être pénalisée par l’effet négatif de la pression sur les prix des agences qui peinent à revaloriser leur travail. Il faut être très clair sur le fait que nous allons entrer dans une période de tension et de revalorisation de nos tarifs. Et ce, pour plusieurs raisons : 
– nous nous trouvons dans un indice des prix négatif par rapport à l’indice du marché : +0,3 % quand le marché est à + 1,5 % sur les prix à la consommation ; 
– il y a une vraie tension sur le marché du travail : nous vivons une pénurie de talents, nous avons du mal à recruter, car les talents préfèrent se diriger vers des métiers mieux rémunérés que les métiers de la communication. Comme nous sommes sur des métiers de talents, c’est extrêmement dangereux. 

Il va forcément y avoir une pression à la hausse sur les tarifs et sur les métiers de la communication. Entre autres parce que la demande est forte, surtout en ce moment où les clients et les compétitions reviennent, mais avec moins de talents et de possibilités. Sur un marché de l’offre et de la demande, cela va revaloriser de façon un peu mécanique nos prix. Le vrai sujet de la rentrée va être celui du partage de la croissance et de la valeur.

Quels sont les autres leviers à actionner pour attirer les talents et les jeunes en agence ? 

B.T. : Il existe beaucoup d’autres leviers. Celui que nous avons commencé à valoriser au sein de l’AACC est de faire de nos métiers, dans un premier temps, des métiers de progrès : nous devons accompagner, anticiper, transformer en partie la société de consommation, la vision qu’on en a, la relation entre notre consommation et le développement durable, mais aussi notre engagement dans la société et dans l’environnement. Il est donc très important que nos métiers soient à la pointe pour véhiculer des imaginaires qui soient compatibles avec notre transition écologique. 

Ensuite, je crois beaucoup à la création, nos métiers sont un pont entre les industries de la culture — les métiers de la création, que ce soit ceux du cinéma, de la musique, de la mode — et les métiers du commerce. Ce pont est intéressant, car il permet de financer une grande partie des industries culturelles, nous devons donc mieux le valoriser. Plus nous serons dans ce circuit-là, plus nous attirerons des talents également intéressés par cette proximité avec les métiers de la création.

Enfin, nous avons beaucoup de chance, car nos métiers sont très ouverts, avec une compréhension très large du monde et des échanges. Nous pouvons ainsi travailler autour de l’électricité le matin, puis de l’automobile l’après-midi et sur la grande distribution et la beauté le lendemain. Cette vision de l’ensemble de la société est intéressante, car elle nous rend proches des gens et de leurs aspirations tout en comprenant leur évolution. C’est un levier pour attirer les jeunes dans nos métiers.

Les leviers sont donc présents du côté de la création, de la curiosité, de l’engagement des nouveaux imaginaires, ils doivent tous être actionnés. Toutefois, un travail c’est aussi un salaire, même si nos métiers sont intéressants — les jeunes ne nous disent pas le contraire — ils sont considérés comme mal rémunérés. Qui plus est quand nous faisons face aux GAFA. Aujourd’hui, les agences n’ont plus l’exclusivité en matière de publicité : tous les GAFA et les grands médias font de la publicité, leur santé économique est beaucoup plus importante et puissante que la nôtre. Beaucoup de talents basculent également du côté des consultants. Actuellement, les talents ne quittent pas une agence simplement pour intégrer une autre agence de publicité, ils vont chez TikTok, chez Facebook ou Google et dans les cabinets de conseil. On peut valoriser l’intérêt de notre métier, mais on ne peut pas rester totalement décalé par rapport au marché.

Où se portent les investissements des annonceurs aujourd’hui ? 

B.T. : C’est assez clair : la publicité numérique représente +18 % de croissance sur un marché à + 13 % et elle devrait représenter 68 % des investissements cette année. Ensuite, la télévision, la radio, la publicité extérieure résistent bien et augmentent aussi. C’est un peu plus dur pour la presse écrite. 

Globalement, il y a eu une surpression de tout ce qui est économie numérique du côté des annonceurs avec un transfert très important vers l’e-commerce : cela représente 30 % de l’activité de nos clients. C’est une croissance forte il est Le vrai sujet de la rentrée va être celui du partage de la croissance et de la valeur normal qu’elle s’accompagne d’un investissement.

En revanche, il ne faut pas se méprendre, l’étude Media Reactions de Kantar (publié le 1er septembre dernier, NDLR) montre que l’intérêt du grand public se porte également vers tout ce qui se passe en presse, dans la publicité magazine, sur les points de vente et dans les événements. L’efficacité immédiate est très recherchée, mais l’attractivité, la désirabilité de marque ne doit pas être oubliée : quel que soit son prix, si une marque n’est pas désirable, elle sera toujours trop chère. 

Certes, l’engouement est très puissant sur la publicité numérique, mais il ne faudrait pas se tromper, le public reste très sensible à la publicité off line, notamment au cinéma. Les points de contact sont différents, tout comme ce qui est délivré. Pour délivrer de l’information, de la conversion, évidemment, la publicité online est importante, cependant, pour donner des valeurs de marque, de la réputation, de la relation émotionnelle, d’autres médias sont formidables.

Comment voyez-vous l’année se profiler ?

B.T. : Nous allons encore vivre une année de transition, je n’ai pas l’impression que l’on soit encore complètement sortis de la crise sanitaire. C’est délicat de faire des pronostics. En cette période, nous sommes globalement dans une accélération de la transition numérique et nous assistons simultanément à une transition écologique. Le vrai défi de 2022 sera une relance vers plus de sens et compatible avec la transition écologique.

Il ne faut pas se leurrer, le monde du numérique n’est pas un monde sans impact écologique. L’AACC va travailler sur cette empreinte numérique et écologique : nous devons tous être responsables dans notre façon de gérer l’économie numérique, comme lorsque l’on évoque le passage aux catalogues en ligne par exemple.

La zone de tension se cristallise sur la question : comment accompagner une croissance compatible avec la transition écologique ? C’est maintenant que nous pouvons faire émerger de nouveaux imaginaires, accompagner nos clients vers la valorisation de ce qu’ils font de mieux, ranimer le lien social, car les tensions sociales risquent d’être importantes, comme toujours dans une phase de reprise. La crise a été plus dure pour certaines catégories sociales que pour d’autres : les 20 % les plus riches de la population s’en sont mieux sortis que les 20 % les plus pauvres. Notre rôle de communicants est d’accompagner une certaine cohésion sociale et un imaginaire qui tend vers cette cohésion souhaitée.

Cet aspect de proximité avec les gens, d’écoute de leurs aspirations doit se retrouver dans les conseils délivrés à nos clients pour ne pas faire naître trop de frustrations. La question de la répartition de la valeur et de la croissance va être centrale dans les débats à venir, notamment en cette année électorale, aussi bien entre nous et nos clients, qu’entre les consommateurs et les marques, ou les citoyens et l’État. On le voit à la faveur du confinement, il y a une demande de collectif, cela a du sens lorsque l’on est communicant, d’accompagner une transformation, une transition écologique et donc une croissance compatible avec la transition écologique et ce besoin de cohésion sociale.

Y a-t-il des menaces pouvant contrecarrer cette reprise ou est-ce que le marché et l’économie ont gagné suffisamment en résilience pour ne pas s’en inquiéter ?

B.T. : Si nous entrons dans une grande phase de crise sociale, nous allons vivre le plus grand coup d’arrêt qu’on puisse faire à notre croissance. Si les Gilets Jaunes ou d’autres mouvements de contestations sociales repartent un peu partout en France, nous allons avoir du mal à relancer l’économie.

J’observe au moins 2 grands enjeux : écologique et social. Il faut à la fois relancer une croissance responsable, qui privilégie les investissements de long terme, les consommations compatibles avec notre développement durable, mais aussi une croissance sociale, comme ce que l’on note dans l’Éducation en ce moment, avec les tensions autour des équipements en matériel informatique : avec une partie des cours et du travail à distance, il est nécessaire que l’équipement soit accessible à tous. En termes de cohésion sociale, chacun doit pouvoir travailler dans de bonnes conditions.

Ce sont des sujets très concrets de consommation et de cohésion sociale. Les agences-conseil ont véritablement un rôle à jouer, notamment dans la valorisation de l’accessibilité de chacun à une société de progrès. Elle ne peut pas être rendue possible si elle n’est atteignable que par 20 % de la population quand les 80 % restants sont maintenus dans une consommation moins vertueuse.

C’est le grand changement de ce qu’on a appelé la société de consommation avec ses 60 années de croissance et de progrès : auparavant, il y avait des consommations de classe, on ne mangeait pas pareil chez les ouvriers et chez les cadres, on ne s’habillait pas pareil chez les paysans et les notables, etc. Aujourd’hui, toutes classes confondues, on veut des sneakers comme Jay-Z, les aspirations sont devenues universelles, et les aspirations sont un facteur de cohésion universelle. Si nous faisons émerger une consommation plus progressiste et engagée, nous devons la rendre accessible à tous.







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agence de communication à Rennes

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