INfluencia: pourquoi sâintéresser à lâexpérience et aux nouveaux standards proposés par les GAFA – et les entreprises de la tech en général ?
Pierre Gonnet : Nous avons cherché à comprendre comment les GAFA traduisaient en expérience les besoins de base des utilisateurs – simplicité, pertinence, sécurité, temps réel⦠Beaucoup de standards ont été créés par les GAFA : câest le cas par exemple de Netflix, qui est assez emblématique. De lâinterface utilisateur jusquâà la production de contenus, Netflix a mis la personnalisation au cÅur de son modèle. Pour chaque utilisateur, lâinterface va être différente, y compris pour les vignettes qui présentent chaque contenu.
IN. : de nouveaux standards dâexpérience sont-ils en train dâémerger ?
Pierre Gonnet : oui : un autre exemple est celui dâApple, dont le modèle change beaucoup actuellement. Sa prochaine étape est de repenser lâidentité à lâheure du numérique, avec son Apple ID. Pour certains, cela commence par le passe Covid, mais dans plusieurs pays, les fonctionnalités vont sâétendre encore plus loin.
IN. : le metaverse pourrait-il aussi bouleverser tous les standards actuels ?
 Jean-Christophe Liaubet : notre vision est qu’il nây aura pas un métavers, mais une multitude, avec des modalités dâaccès variées et des cas dâusage très riches, allant du BtoC au BtoB – et pas seulement pour se divertir ou socialiser. Toutes les industries sont concernées. Trois secteurs sont déjà particulièrement actifs sur le sujet : le luxe, la grande consommation, avec des acteurs comme Nike, et lâindustrie, mais plutôt avec une vision âjumeau numériqueâ.
Les différents acteurs qui ont pris la parole sur le sujet ont dâailleurs des approches très différentes. Facebook/Meta a une vision centralisée, centrée sur la réalité virtuelle. Roblox propose aux marques dâintégrer son metaverse (comme Nike qui y a lancé récemment Nike Land) et de bénéficier de sa large audience (47 millions dâutilisateurs quotidiens).Â
Nvidia est dans une proposition davantage BtoB, baptisée âOmniverseâ, autour dâune plateforme ouverte et extensible sâadressant conçue pour la collaboration virtuelle de différents acteurs ( designers, ingénieurs, chercheurs, éditeurs de logiciels, entreprises de tout secteur) pour le développement de nouvelles solutions (avatars augmentés par lâIA par exemple) et les simulations en temps réel.Â
Nike a des indicateurs de croissance assez similaires à ceux de Puma. Pourtant, les investisseurs valorisent Nike près du double.
Niantic et Snap, eux, croient davantage à la réalité augmentée que virtuelle, avec des ponts entre mondes physique et virtuels. Mais la porte dâentrée du metaverse reste lâécran : même si les casques progressent, lâordinateur et le mobile restent les outils qui ont la plus forte pénétration. En attendant peut-être les lunettes connectées.
IN. : dans votre étude, vous établissez une corrélation entre qualité de l’expérience et valorisation boursière : pouvez-vous la détailler ?Â
Pierre Gonnet : la qualité de lâexpérience se retrouve assez clairement dans la valorisation boursière. Nike, par exemple, a des indicateurs de croissance assez similaires à ceux de Puma. Pourtant, les investisseurs valorisent Nike près du double.
Jean-Christophe Liaubet : par le passé, on a connu des primes à la technologie dans les valorisations, aujourdâhui on voit émerger des primes à lâexpérience. Nous sommes convaincus quâune révolution très puissante arrive, celle du Web3, dans laquelle les marques vont pouvoir tirer partie de leur avantage concurrentiel : le lien quâelles ont créé avec leurs utilisateurs. Lâéconomie de l’expérience va vraiment être incarnée dans ce Web3.
IN. : le Web3 ?Â
Jean-Christophe Liaubet : câest une nouvelle ère de lâinternet : le Web3 va rajouter au web tel qu’on le connait la couche blockchain, ce qui va permettre de créer de nouveaux modèles économiques. Sa promesse est dâoffrir des modèles décentralisés, dans lesquels la communauté retrouve un pouvoir.
Le Web3 est cette révolution d’une ampleur et une vitesse inégalées qui risquent de surprendre, car elle va sâopérer sur une infrastructure qui existe déjà et compte plus de 4,5 milliards dâutilisateursâ¦
Le Web 1.0 était un Internet à sens unique (consultation dâinformation) et reposait sur lâordinateur. Le Web 2.0 introduit lâère de lâéchange dâinformation (réaction et partage de contenu), du social et la connexion entre les individus, avec la généralisation du téléphone mobile, des réseaux sociaux et des technologies cloud. Il repose sur de grandes et puissantes plateformes (dont les GAFAM et BATX) centralisant les données, la valeur et le pouvoir qui y sont associés.Â
Le web 3.0 va instaurer un changement de paradigme : c’est lâère de la décentralisation et de la reprise en main par les communautés et les créateurs de la valeur quâils génèrent. Il sâagit dâune triple révolution : culturelle avec le développement dâune idéologie (qui était celle dâInternet à ses débuts), technologique (avec le développement à lâéchelle des technologies blockchain), et enfin économique avec lâémergence de nouveaux modèles offrant plus de transparence et un partage plus équitable de la valeur (grâce au crypto monnaies notamment).Â
Notre conviction est que cette révolution va se passer avec une ampleur et une vitesse inégalées qui risquent de surprendre, car elle va sâopérer sur une infrastructure qui existe déjà et compte plus de 4,5 milliards dâutilisateursâ¦
Pour réussir dans le Web3, il faut une communauté forte, certes, mais aussi une interopérabilité, et de la responsabilité…
IN. : ce modèle décentralisé est aux antipodes de celui des GAFA. Peut-il vraiment sâimposer ?
Pierre Gonnet : câest un des signaux faibles que nous commençons à observer : les GAFA ont créé des standards dâexpérience en oubliant un élément indispensable : la responsabilité. Dans ce paysage, Apple sâen sort mieux, du fait quâil propose des expériences qui se présentent comme plus responsables que les autres.
Jean-Christophe Liaubet : oui, les GAFA ont mis en place des standards élevés en termes dâexpérience client, mais sans miser suffisamment sur lâéthique et la confiance de leurs utilisateurs. Câest leur talon dâAchille. Car pour réussir dans le Web3, il faut une communauté forte, certes, mais aussi une interopérabilité, de la responsabilité et un modèle bien aligné avec les intérêts des différentes parties prenantes.Â
Facebook/Meta par exemple, a très bien réussi sur la partie expérience, mais ses tentatives de développer une économie associée – avec Libra/Diem notamment – ont été des échecs. Jây vois une opportunité pour lâEurope : nous pouvons retrouver de la compétitivité, parce que le continent est plutôt bien positionné sur les sujets blockchain, environnement, éthiqueâ¦Â
IN. : et pour les marques ?
Jean-Christophe Liaubet : les cartes vont être rebattues. On voit des maisons de luxe qui réfléchissent à ce quâelles peuvent proposer en termes dâexpérience immersive à leurs clients ou aux nouveaux modèles autour des NFT et des tokens. Ce quâon a devant nous en matière dâinnovation est plus puissant que tout ce que nous avons vu ces dernières décennies.
source : www.influencia.net