INfluencia : cette campagne mondiale pour féter les 50 ans de I’m worth it, est la « confirmation » dâune intuition que vous avez soumise à lâOréal Paris il y a environ deux ans. Quel a été le process ?
Julien Calot : lorsque nous avons commencé à réfléchir sur ce que représentait LâOréal il y a deux ans nous avions l’intime conviction quâil fallait revenir aux fondamentaux de la marque. Nous nous sommes, mes créatifs et moi, re-penchés sur ses racines. Nous sommes en 1973. Autour de la table de réunion. Des hommes et une⦠jeune femme de 23 ans, libre, et irritée de constater que ces collègues ne voient dans la femme quâun objet⦠Et puis ce cri, d’Ilan Specht, la rédactrice seule à la table « Because I’m worth it».
IN. : 1973, en plein mouvement de libération des femmesâ¦
J.C. : exactement. Le mouvement féministe est en marche, et cette jeune rédactrice met les mots sur ce quâelle voit et ressent autour dâelle et quâelle revendique. Un moment historique pour la marque LâOréal, dont le spot à lâépoque va jusquâà admettre ouvertement que ses produits sont couteux, parce que les consommatrices le valent bienâ¦
IN. : du coup, vous reprenez lâoriginal et proposez quelque chose de neuf dâinspirant à lâOréal.
J.C. : oui, on le fait de manière proactive, en nous faisant la réflexion que la marque a perdu le lien avec sa base, et de sa force. Quâil faut remettre du sens, et de lâemphase, car le monde dâaujourdâhui est bavard et égocentré. On fait une sorte de test avec Viola Davis il y a deux ans, juste avant l’explosion de Black Live Matters, on tourne des images face caméra, avec une lumière sommaire, ou en tout cas pas réfléchie, et chez LâOréal ils aiment. Avec lâaccord de la maison mère, nous lançons la campagne, elle fait le tour de la planète, plus de 9 millions de vues… Nous poursuivons en ce sens avec Eva Longoria.
IN. : aujourdâhui , en somme, vous officialisez ces essais ? En proposant au public 11 témoignages intimes et touchants ?
J.C. : Exactement, toutes ces égéries que nous connaissons, qui travaillent pour certaines, avec Lâoréal -comme Jane Fonda– depuis 30 ans, racontent leurs récits, leurs histoires intimes qui leur ont permis de comprendre quâelles avaient une valeur.
IN. : comment travaillez-vous avec elles ?
J.C. : vous lâavez constaté par vous-même, il suffit dâun set, dâune caméra (une Red de préférence), dâune lumière standard, qui finalement va mettre en lumière le rendez-vous avec le public. Câest un tête à tête, une complicité liée à une expérience vécue puis partagée. Je réalise les films, avec plusieurs chefs opérateurs, qui se demandent un peu comment ça va le faire avec cette lumière, et puis c’est justement cela qui apporte la grâce.
IN. : chacune de ces femmes et (de cet homme, le comédien danois Nikolaj Coster-Waldau ) racontent un vrai moment de bascule ?
J.C. : oui, câest ce qui est très touchant. En fait certaines de ces égéries sâapproprient complétement un texte écrit par nous sous leur dictée, dâautres réécrivent ce que nous mettons sur papier avec Liam Fearn et Eric Landowski. Dâautres nous offrent leurs témoignages et nous les remettons en forme⦠Un travail fait en équipe. Lorsque Kate Winslet finit de dire son texte, elle éclate en sanglots. Câest très émouvant.
IN. : comment faire émerger la sincérité, la connivence aujourdâhui sur des réseaux sociaux saturés dâimages et de sons?
J.C. : justement, il était là lâenjeu. LâOréal est multiple, avec ces différentes personnalités qui lâincarnent de manière humaine. Soit exactement à l’opposé de ce qui se passe actuellement sur les réseaux où tout est âmoi, moi, moiâ, où les filtres, lâautocélébration règnent, et où par conséquent, les personnes lambda, qui regardent ces fils, finissent par se sentir inexistantes, diminuées. LâOréal a toujours vendu de la confiance en soi. Aujourdâhui, cette quête est plus valable que jamais. La femme LâOréal ne se compare pas aux autres, elle partage son expérience.
IN. : côté pile ous êtes ingénieur en physique des ondes, matheux, dites-vous, côté face, peintre. Du coup comment se retrouve-t-on dans la pub, à 30 ans (il y a dix ans)?
J.C. : jâai propose à mon cerveau droit de discuter avec mon gauche et ils ont trouvé un compromis. 7 ans dans le luxe chez Air Paris, cinq bientôt chez McCann Paris, où je supervise la création, une agence très agréable⦠Je peins par ailleurs⦠Finalement tous ces aspects se retrouvent dans le travail que je fais pour LâOréal. La passerelle de la peinture, un travail intérieur, va bien avec ce que l’on montre de LâOréalâ¦
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