Les conséquences de l’accord entre Google et la « presse française »

22 janvier 2021

Les gagnants et les perdants de l’accord entre Google et la « presse française ». © monticellllo – stock.adobe.com

Un accord entre Google et la « presse française »

Sur son blog, Google annonce la signature d’un accord avec l’Alliance de la Presse d’Information Générale. L’APIG représente 289 médias généralistes,  des quotidiens nationaux et des titres de presse écrite régionale. Cet accord, précise Le Monde, « fixe le cadre dans lequel Google négociera des accords individuels de licence avec les membres ». Google indique que « la rémunération prévue dans les accords de licence entre chaque éditeur de presse et Google est basée sur des critères tels que, par exemple, la contribution à l’information politique et générale, le volume quotidien de publications ou encore l’audience Internet mensuelle ».

Pourquoi Google doit rémunérer les médias

Cet accord est la conséquence de la directive européenne sur le droit voisin de la presse. La France est le premier pays de l’Union à transposer cette directive dans son corpus de lois nationales. Pour résumer, le principe est le suivant : les plateformes qui utilisent des contenus de médias doivent les rémunérer au titre du droit voisin, un principe proche du droit d’auteur qui protège les auxiliaires de création. Par exemple, Google est contraint de rémunérer un titre de presse s’il référence un article sur son moteur de recherche, Google Actualités ou Discover.

Des négociations souhaitées par l’Autorité de la concurrence

Le Monde estime que cet accord est « l’aboutissement de nombreux mois de négociations dans le cadre fixé par l’Autorité de la concurrence ». Et pour cause : plutôt que rémunérer la presse, Google avait d’abord préféré contraindre les médias à accepter la reprise sans contrepartie de leurs contenus. La presse avait alors deux choix : ajouter une petite ligne de code pour accepter le référencement non-rémunéré ou subir une forte baisse de leur visibilité sur Google (pas d’image, pas d’extrait…).

L’Autorité de la concurrence était alors intervenue, sur saisie de l’APIG et l’AFP, pour contraindre Google à négocier « de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés ».

Vers une presse à deux vitesses

Chez Google et dans les newsrooms des plus grands médias français, on se félicite de cet accord. Google prouve sa bonne foi, pour un coût qui reste à déterminer, auprès des autorités. Les médias signataires ont l’impression d’avoir fait plier un géant. Ils bénéficieront d’une rémunération supplémentaire, appréciée par un secteur qui éprouve certaines difficultés ; et même d’une visibilité supplémentaire, puisque Google va leur accorder une place de choix sur Google News avec sa fonctionnalité News Showcase.

Google News Showcase © Google

À contenus et éléments techniques équivalents, Google a toujours privilégié les sites populaires, qui obtiennent de nombreux liens d’autres sites faisant autorité, sur son moteur de recherche. Les médias dominants sont ainsi « naturellement » privilégiés sur les résultats de recherche, et Google Actualités semble encore plus sensible à la popularité des titres de presse. En réservant des zones de visibilité à certains médias, triés sur le volet par Google, l’inégalité de traitement entre les titres va nécessairement augmenter. On pourra distinguer plus clairement « les médias qui travaillent avec Google » et les autres, qui subiront une baisse relative de leur part de visibilité.

Les titres indépendants vont y perdre des plumes, mais pas que : le JDN précise que « Google a fait le choix de ne négocier qu’avec les titres d’information politique et générale (IPG) », ce qui exclut de facto L’Équipe, Le Point, Paris Match ou encore RTL. Cet accord pourrait avoir de vraies conséquences sur le pluralisme de la presse.

Une loi qui renforce l’influence de Google

À l’origine, le législateur souhaitait créer une nouvelle source de revenus pour la presse, en ponctionnant les géants du web. C’était aussi une manière de montrer les muscles et rappeler à des sociétés privées qui prennent beaucoup d’importance qu’elles ne sont pas au-dessus des lois, que ce sont les représentants du peuple qui décident.

Cette stratégie trahissait néanmoins un certain manque de culture numérique, une méconnaissance des mécanismes d’apport de trafic – et donc de business – des plateformes aux sites web. Certains sites payent pour être visibles sur Google et cela constitue d’ailleurs l’essentiel de ses revenus. Les députés ont voulu inverser le paradigme en faisant payer Google pour référencer des sites web. Ils auront partiellement réussi, en obtenant une rétribution pécuniaire et de la visibilité supplémentaire – mais pour certains titres uniquement, choisis par un géant.

Au final, les directives et les lois nationales auront des dommages collatéraux non-négligeables. Pour la société, le coût à long terme sera peut-être plus important que le pécule obtenu par certains titres de presse à court terme. Et surtout : il y aura des gagnants et des perdants. L’impact ne sera pas uniforme. Parmi les gagnants, nous retrouverons « les grands médias » et Google, évidemment. Ses pouvoirs sont renforcés, puisque la relative neutralité de traitement est désormais sacrifiée au profit d’accords bilatéraux. Le prix payé par Google peut sembler conséquent mais il doit être comparé à ses nouveaux leviers d’influence et à la relative tranquillité politique dont il pourrait bénéficier suite à l’accord obtenu. Les yeux des autorités se tourneront sans doute ailleurs. La patate chaude est désormais entre les mains des autres géants de la tech.

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