INfluencia : le collectif Les Relocalisateurs, créé en mai 2021, se constitue en association. Pourquoi passer aujourdâhui à la vitesse supérieure ?
Virginie Sappey : la nouvelle donne sur la place du local et lâimportance de la territorialité sâest amplifiée avec la crise sanitaire et lâurgence écologique. Une nouvelle géographie culturelle redessine le maillage territorial. Chez beaucoup de nos clients, les systèmes de gouvernance se sont décentralisés et les régions ont leur mot à dire dans les stratégies de communication. Dans nos métiers dâagence de stratégie et de communication ou en tant que média, nous devons tenir compte de cette dynamique. Sur le marché publicitaire, le local représente près de 10 milliards dâeuros selon France Pub, mais ces budgets sont largement trustés par des acteurs du digital américains et ne reflètent pas la dynamique impulsée par les Français à laquelle notre filière veut être partie prenante. La constitution du collectif avait eu beaucoup de résonance. Il fallait aller plus loin en créant cette association.
On peut être médiaplanneur et avoir un esprit citoyen en ne versant pas dans la facilité quâapportent les algorithmes et le volume
Florian Grill : on entend beaucoup parler de relocalisation industrielle et dâenjeux de souveraineté mais, de manière très paradoxale, pas du tout de relocalisation média. Câest pourtant un enjeu dâemploi et de pouvoir dâachat, auquel sâajoute une dimension fondamentalement citoyenne via lâinformation. Il ne sâagit pas dâêtre anti Gamam, mais lâindustrie des médias se doit de trouver lâéquilibre qui pourra alimenter les supports nationaux ou locaux qui portent lâinformation et répondent à des enjeux de démocratie. On peut être médiaplanneur et avoir un esprit citoyen en ne versant pas dans la facilité quâapportent les algorithmes et le volume. Le local demande un peu plus de travail mais propose de bons équilibres qui préservent notre démocratie. Pour traiter dâun tel enjeu de société, il fallait sâouvrir et élargir le périmètre au-delà des membres fondateurs du collectif.
IN : le poids croissant de Facebook et Google est un sujet soulevé de longue date au sein du SRIâ¦
V.S. : au sein du SRI, la démarche du Digital Ad Trust visait à faire évoluer les choix médias vers des sujets de qualité et de diversité. Malgré les engagements, les transferts ne suffissent pas à créer un véritable équilibreâ¦
IN : comment convaincre les marques de faire évoluer leur mix média ?
F.G. : cela dépend beaucoup de lâargumentation de lâagence média. CoSpirit explique beaucoup au retail lâimportance de nourrir les zones de chalandises dans lesquelles sont implantés leurs magasins. Ils comprennent que communiquer sur les médias qui génèrent localement de lâemploi et du pouvoir dâachat leur est aussi bénéfique. On peut mettre en avant la simplification et le ROI dans une logique de rentabilité immédiate, mais la responsabilité dâune agence média est de réfléchir à lâécosystème global. A nous de trouver les KPI qui vont convaincre les annonceurs et dâassumer notre responsabilité pour montrer quâun bon équilibre entre le national et le local génère plus dâefficacité pour le client.
La responsabilité dâune agence média est de réfléchir à lâécosystème global. A nous de trouver les KPI pour montrer aux annonceurs quâun bon équilibre entre le national et le local génère plus dâefficacité
V.S. : Dans son rôle citoyen de média, France TV Publicité fait aussi un travail de sourcing sur les start-up de lâAdtech pour faire éclore des entreprises françaises qui ont une expertise intéressante. Nous travaillons par exemple avec une start-up toulousaine Oalley dans le cadre dâune offre de télé segmentée qui permet de faire du géomarketing.
IN : dans lâouverture des Relocalisateurs à dâautres acteurs, les agences médias sont donc essentiellesâ¦
F.G. : les agences médias sont en effet toutes bienvenues au sein des Relocalisateurs. On souhaite dâailleurs lancer un Cercle des médiaplanneurs atterrés â sur le modèle du collectif Les économistes atterrés – pour appeler à la responsabilité et faire comprendre que, dans cette mission, il y a une dimension citoyenne à ne pas négliger. Il faut faire Åuvre de pédagogie auprès des clients pour trouver un bon équilibre entre les poids et contre-poids qui existent chez les annonceurs entre des directions achats, médias, marketing, dâexploitationâ¦
IN : de quels moyens se dotent les « nouveaux » Relocalisateurs et quelles vont être les première actions concrètes ?
F.G. : le collectif fonctionnait sur la bonne volonté de chacun. Alexis Goujon (ex-directeur stratégie, marketing et communication de CoSpirit, ndlr) a été nommé directeur général de lâassociation et est dédié à temps plein au projet. Il est en charge de lâélargissement de la cible des membres de lâassociation pour accélérer la prise de conscience sur le sujet, par exemple en allant chercher des grandes régions, entreprises et institutions, en mobilisant les acteurs économiques et politiques, les sociologues. Au-delà des webinars que nous faisions déjà , nous voulons produire des études, sortir des data, mener des actions de sensibilisation, par exemple avec ce futur Cercle des médiaplanneurs atterrés, organiser des grandes Journées du local, intervenir en région, multiplier les ateliers de débats, les tables rondesâ¦
V.S. : le domaine des études est très pauvre sur cette dimension du local. Il serait intéressant dâavoir une Journée des études du local. La connaissance de cet échelon doit pouvoir irriguer lâensemble de la chaîne de valeur.
IN : des nouveaux membres ont-ils déjà été validés ?
F.G : nous venons dâannoncer lâouverture mais des discussions sont déjà engagées avec plusieurs entreprises pour quâils deviennent membres. Le montant de lâadhésion a été fixée à 25 000 euros, qui nâest pas un montant anodin. Il reflète les enjeux et les objectifs qui sont les nôtres. Nous devenons une organisation structurée qui a besoin de se doter de vrais moyens pour porter cette ambition.
source : www.influencia.net