Accusateurs mais crédules. Les sympathisants de la droite radicale pour ne pas dire extrêmes ne cessent dâaccuser de tous les maux les « fake news » propagés par les médias « mainstream » qui seraient, selon eux, contrôlés par les lobbys du mal. Lors de ces meetings électoraux, Donald Trump répétait que la presse « fake news » était le « véritable ennemi du peuple ». En France, lâextrême-droite ne cesse également de critiquer les médias traditionnels. Lors de son meeting électoral à Lille, le 5 février, Eric Zemmour sâen était pris à « la propagande immigrationniste, woke et décoloniale de France Inter, qui n’hésite pas à insulter les Français qui ne pensent pas comme eux ».
Un phénomène en hausse
La circulation de fausses informations est, sans aucun doute, un phénomène massif qui rythme la vie politique contemporaine. Une vaste majorité de Français (68%) pense ainsi avoir déjà été exposée à de la désinformation en ligne, selon les dernières données publiées par lâEurobaromètre sur la démocratie de lâUnion Européenne. Lâimpact de ces fake news sur le comportement des électeurs dans les urnes est toutefois mal connu. Kantar Public et Ogilvy Paris se sont associés pour publier plusieurs études à ce sujet. Leurs premiers travaux se sont concentrés sur la propagation et lâinfluence des fausses informations chez lessympathisants dâextrême-droite.
Accrocs aux fake news
Plusieurs études en Europe et aux Etats-Unis ont prouvé que la consommation de fake news était plus élevée parmi lâélectorat de droite. Ce phénomène nâest pas étonnant en soi. « Ces fausses infos renforcent les préférences existantes des gens, explique Laurence Vardaxoglou, un chercheur doctorant à lâEcole dâéconomie de Paris qui a co-écrit un rapport à ce sujet. Des revues spécialisées en psychologie ont aussi montré que les sympathisants du FN étaient plus sensibles aux fausses informations car ces dernières leurs donnaient le sentiment dâêtre spéciaux. Ces personnes sont aussi dans un état émotionnel qui les empêche dâêtre ouverts aux idées quâils ne partagent pas et ils ont tendance à regarder uniquement les gros titres des articles au lieu de lire lâensemble des textes. »
Toujours plus radicaux
Lâarrivée dâEric Zemmour dans le paysage politique français a encore changé la donne. Une étude publiée par la Fondation Jean Jaurès a en effet montré que lâélectorat potentiel de lâancien polémiste était plus radical que celui de Marine Le Pen sur les questions relatives à lâimmigration et à lâislam.
Pour étudier la sensibilité aux fake news des sympathisants dâextrême droite, Kantar Public et Ogilvy Paris ont réalisé une enquête en ligne du 9 au 10 janvier 2022, auprès dâun échantillon de 1011 personnes représentatif des Français en âge de voter. Les sondeurs ont présenté aux participants deux affirmations trompeuses diffusées récemment dans les médias et sur les réseaux sociaux et établies comme fausses par les « vérificateurs de faits » indépendants. Ils leur ont ensuite posé quelques questions sur leur exposition à chacune de ces informations et au crédit quâils y accordaient. Ces fake news concernaient deux sujets qui font régulièrement lâobjet dâopérations organisées de désinformation : lâimmigration et la vaccination. Ãric Zemmour avait ainsi affirmé, le 9 décembre, sur France 2 que dans la banlieue parisienne, 80 à 90% des mineurs étaient d’origine maghrébine ou africaine. Dans lâémission lâInfo en QuestionS diffusée sur la plateforme Odysee,  le 23 décembre 2021, la chercheuse Astrid Stuckelberger avait, quant à elle, expliqué que les enfants de personnes vaccinées nâétaient « pas normaux, hyper agressifs » et quâils devaient être « éloigner des bébés humains » car ils étaient « transhumains ».
Des différences notables
Concernant la fake news liée à lâimmigration, 33% des partisans dâEric Zemmour lâavaient déjà vu circuler sur les réseaux sociaux et 44% en avait parlé à leurs proches. 73% la jugeaient même crédible. Ces pourcentages sont nettement moins élevés chez les électeurs de Marine le Pen, (27%, 31% et 67%) et ils sont encore plus bas chez lâensemble des Français (19%, 18% et 37%).
Lâaffirmation sur la vaccination contre le Covid-19 a, elle, beaucoup moins dâimpact et de crédibilité. Moins dâun Français sur dix (9%) dit y avoir été exposé et un sur vingt (6%) la juge crédible. Lessympathisants de Marine Le Pen sont plus nombreux à adhérer à cette désinformation (9%) et ce taux est plus élevé chez les partisans dâEric Zemmour (13%). Ces différences restent toutefois plus limitées que sur les questions liées à lâimmigration. « Câest assez rassurant dans un sens car dâautres études dans le passé nous laissaient penser que les électeurs dâextrême-droite pouvaient croire à tout et à nâimporte quoi mais notre enquête montre que cela nâest pas forcément le cas », assure Laurence Vardaxoglou.
Lâextrême-gauche serait-elle aussi concernée ?
Les extrémistes ne seraient-ils pas tout simplement plus enclins à croire des fake news qui semblent confirmer leurs convictions ? Un partisan de la France insoumise ou de Lutte Ouvrière ne répéterait-il pas à ses proches des informations erronées concernant les excès des ultra-riches ou lâexploitation des travailleurs dans les usines des pays en voie de développement ? Un écolo radical ne diffuserait-il pas des articles alarmistes et exagérés sur la dégradation de notre environnement ? « Vous nâêtes pas le premier à me poser cette question, avoue le chercheur doctorant à lâEcole dâéconomie de Paris. Nous allons étudier lâimpact des fausses informations sur dâautres catégories de population pour nous en assurer. » La lecture de cette enquête promet dâêtre intéressanteâ¦
source : www.influencia.net