INfluencia : vous êtes une des premières agences de communication à plonger dans le bain de lâentreprise à mission. Quâest-ce que cela implique ? Pourquoi les agences sont elles à la traine ?
Luc Wise : la loi Pacte est récente (NDLR, a loi PACTE, a été promulguée le 22 mai 2019 ). Près de 260 entreprises en France sont inscrites dans lâobservatoire qui répertorie ces dernières. Sidièse y est inscrite, nous sommes effectivement agiles et aptes, par notre taille, à nous soumettre à des engagements qui demandent un engagement sans faille.
IN.: dans lâimmédiat, il nây a aucun cadre légal, pas dâorganisme particulier dédié aux entreprises à mission ? Comment procède-t-on ?
L.W. : la loi Pacte en est la garante. Pour en faire partie, il y a un vrai travail fait à lâinterne, de partage de concepts, dâengagements. La raison dâêtre est bien plus quâune belle phrase, même si elle est aujourdâhui utilisée à tort et à travers. Câest une cohérence de pensée autour du rôle et de la responsabilité de lâentreprise. Ensuite, il est vrai, quâil nây a pas à proprement parler de vrai registre aux greffes du tribunal, pas de cadre légal, lâobjectif est dâen compter 10 000 à horizon de 2025. Chacun a pour objectif de se fixer un cadre RSE qui lâengage réellement. Des objectifs qui sont audités par un organisme extérieur. Câest⦠une vraie mission !
IN. : quels sont précisément vos engagements ?
L.W. : il y en a cinq, dont découlent 18 points précis à atteindre (lire en résumé, ci-dessous). Travailler avec des annonceurs qui Åuvrent pour un monde plus juste et durable, contribuer à la transition énergétique, former aux bonnes pratiques environnementales et sociales et favoriser lâinsertion sociale et professionnelle, oeuvrer pour une répartition plus juste de la richesse créée, lutter contre toutes les formes de discriminationâ¦
IN. : quelle est la moyenne dââge de vos collaborateurs ? Et leur implication dans la philosophie de The Good Co?
L.W. ils ont en moyenne 34 ans, sont hyper-concernés. Ils y tiennent beaucoup à leur nouveau statut. Dâune part parce quâils sont acquis à ce type de raisonnements, sinon ils ne sauraient pas chez nous (rires). Par ailleurs, nous nous rendons compte que nous avons besoin existentiellement dâêtre cohérents, en accord avec nos idéaux. Le temps des grands écarts entre bons sentiments, et actes est essentiel à la « santé mentale » de tout un chacun, bien plus largement à toute une jeune population.
IN. : que pensez-vous apporter de plus ou de différent dâune agence telle quâUtopies ?
L.W. : Utopies est une entreprise formidable pionnière sur les enjeux RSE en France. Elle a été fondée en 1993 et reste plus que jamais une référence en la matière de conseil, dâinnovation et stratégies RSE. The Good Co nâapporte pas plus, mais différemment. Notre cÅur de métier est un peu différent ; nous sommes une agence craative qui a fait le choix de mettre la force de la créativité notamment à travers des campagnes de communication, pour promouvoir des modes de vie plus justes et plus soutenables. Câest cette raison dâêtre que nous avons inscrit dans nos statuts grâce à la loi pacte.
IN. : en tant que citoyen comment percevez-vous la France, sa politique, ses avancées dans ce domaine?
L.W. : au regard des urgences sociales et environnementales auxquelles nous sommes confrontés, la politique est lâaffaire de tous et de toutes. La politique, -au sens de la bonne conduite de la société-, est trop importante pour être laissée aux seuls politiques. Celle-ci passe aussi par nos choix de consommation, de mode de vie, de nos choix professionnels. Les citoyens français ne sây trompent pas en considérant que les entreprises ont autant de responsabilité que les gouvernements concernés concernant la santé et la société. (cf. voir étude « Life reimangined : mapping the motivations that matters for todayâs consumers » dâAccenture). Le monde de lâentreprise ne peut pas être apolitique. Lorsquâelle décide par exemple de délocaliser sa production ou de ne pas sâacquitter de ses impôts dans un pays, elle fait également un choix éminemment politique.
IN. : The Good Company est par essence missionnaire⦠Que vous apporte exactement le « label » entreprise à mission ? Un cadre, une légitimation ? Ne vous sentez-vous pas un peu seul⦠face à vos consoeurs?
L.W. : au-delà de sa dimension économique, quel rôle lâentreprise peut-elle jouer dans la société ? Quel est le rôle quâelle joue par rapport à la société et par rapport à la planète ? Elle est là lâavancée. Nous avons un rôle à jouer dans « la politique du monde ». Ses impacts ne sont plus simplement économiques. Lâapport de la loi pacte et le statut dâentreprise à mission nous donne un cadre, des obligations, des objectifs à atteindre, une clarté dâesprit partagée. En 1970 Milton Freedman considérait que la responsabilité sociale de lâentreprise était dâaccroître les profits⦠Il a fait beaucoup de mal en considérant que lâentreprise nâavait quâune finalité économique. Le grand mal entendu nait au début des années 80. La révolution néolibérale de ces années-là a voulu nier ses impacts sur la planète et les hommes. Un aveuglement qui revient comme un boomerang aujourdâhui⦠La loi Pacte permet de rappeler que nous nâavons pas quâune finalité lucrative. Un rappel à lâordre salutaire.
IN. : quâavez-vous pensé de lâaction de 180Amsterdam Planet Vs. Bolsonaro, campagne de AllRise ?
L.W. : je crois beaucoup dans la capacité de la communication à faire bouger les lignes. Les associations environnementales comme Greenpeace, Extinction Rebellion, ou aujourdâhui AllRise avec cette campagne ont toujours fait preuve dâune très grande créativité pour éveiller les consciences et mobiliser lâopinion publique. LorsquâAllRise dit que les crimes contre la nature sont aussi des crimes contre lâhumanité , cela me paraît absolument juste. On a trop longtemps dit que le réchauffement climatique était un problème environnemental alors que câest aussi un problème humanitaire, sanitaire, géopolitique. Le réchauffement climatique est le grand problème de lâhumanité.
source : www.influencia.net