The Good : pouvez-vous nous faire un rappel historique des engagements de l’entreprise en matière de RSE ?
Maria Outters : Pierre Bellon a créé Sodexo à Marseille il y a 55 ans avec une idée totalement novatrice et structurante pour nous, lâexpression dâune mission double : créer une communauté de collaborateurs, de clients, de fournisseurs et dâactionnaires qui auront pour vocation dâapporter de la qualité de vie à ceux que lâon sert et de contribuer au développement économique, social et environnemental des communautés, des régions et des pays dans lesquels nous exerçons nos activités.
Sodexo propose des services de restauration collective mais également des services de facilities management dans des secteurs variés tels que la santé, lâéducation ou les sports & loisirs avec sa filiale Sodexo Live ! ainsi que des services Avantages et Récompenses. Sodexo a la particularité dâopérer dans des milieux très différents pour des consommateurs eux-mêmes très différents, allant des tout petits enfants à lâécole, aux étudiants dans les universités et les écoles ou encore les adultes au travail ou les personnes âgées.
La société est cotée à la bourse de Paris mais la famille de Pierre Bellon, fondateur du groupe, détient toujours la majorité du capital (42,8%), ainsi que des droits de vote. Pour nous, câest un gage et une garantie dâinscription sur le long terme. Lâentreprise sâest beaucoup diversifiée, a beaucoup grandi en profitant de dynamiques de croissance de nouveaux marchés et de nouveaux services mais est restée fidèle à ses origines et à sa culture dâentreprise, notamment grâce à ce contrôle familial.
The Good : est-ce que le positionnement autour de la qualité de vie est de l’impact positif sur l’environnement existait déjà à l’époque ou vous l’avez reformulé depuis ?
MO : Il a été formulé dès le départ ! Câétait innovant à lâépoque, les termes ont à peine évolué. Le côté environnemental est venu un peu après mais la dimension sociale et locale était déjà là et cette vocation double dâêtre une entreprise de services qui a un impact positif est telle quelle depuis 1966. Fort dâune multitude dâactions locales, le groupe a fédéré ces actions en créant une direction développement durable en 2007-2008. La première feuille de route du groupe, le Better Tomorrow Plan, est sortie en 2009.
Les enjeux environnementaux et sociaux devenant de plus en plus importants, nous avons voulu aller encore plus loin dans notre ambition, et en 2016, nous avons travaillé une nouvelle feuille de route du Better Tomorrow 2025 en nous donnant un horizon temps de 10 ans, avec des objectifs précis et des KPIs pour mesurer les progrès. Elle articule lâensemble des engagements dans une matrice qui résume lâensemble de nos opportunités et de nos actions, dâabord en tant quâemployeur en matière notamment de sécurité et de mixité. Ensuite, figurent nos engagements en tant que prestataires de services, autour de la nutrition, de la santé, des achats locaux, de lâempreinte carboneâ¦
Au-delà de nos rôles dâemployeur et dâentreprise de service, en tant quâentreprise citoyenne, nous sommes convaincus que nous avons aussi un rôle à jouer dans les pays dans lesquels nous opérons et dans la société en général. Nous soutenons 3 grandes causes : lutter contre la faim dans le monde, lâautonomisation des femmes, et la lutte contre le gaspillage alimentaire qui pour nous est un scandale moral, économique et environnemental. 9% des émissions de carbone dans le monde sont liées au gaspillage alimentaire. La production alimentaire représente environ 30% dâémissions de carbone dans le monde et malheureusement 30% de cette production est gaspillée.
Tous nos engagements sont chiffrés et explicites. Nous avons des objectifs pour 2025, et nous avons des mesureurs de progrès pour nous donner les moyens dây parvenir. Nous les reportons chaque année de façon très transparente dans le rapport annuel et les faisons auditer par KPMG. Nous sommes très drivés par la data.
NOUS AVONS TRAVAILLÃ UNE NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE DUÂ BETTER TOMORROW 2025Â EN NOUS DONNANT UN HORIZON TEMPS DE 10 ANS, AVEC DES OBJECTIFS PRÃCIS ET DES KPIS POUR MESURER LES PROGRÃS.
The Good : quels sont les principaux axes de votre plan Better Tomorrow 2025 ?
MO : Sâagissant du volet social, la première de nos priorités concerne la sécurité et la santé de nos 412 000 collaborateurs, envers lesquels nous sommes engagés dans une démarche 0 accident. Pour cela, nous formons et sensibilisons nos équipes à ces enjeux, nous innovons dans la formation avec des lunettes en 3D, des simulations qui permettent de prendre moins de risques et de former nos collaborateurs sur tous les gestes prioritaires. Nous avons signé, lâan dernier, un accord avec lâorganisation mondiale des travailleurs dans lâalimentation (UITA) pour garantir la sécurité de nos salariés qui a dû être renforcée en temps de Covid. Ce nâest pas un sujet nouveau mais il est très important. Il ne faut pas relâcher les efforts.
La deuxième priorité est la mixité. Dès 2008/2009, Sodexo a structuré une direction de la diversité, initiative totalement iconoclaste à lâépoque. Les objectifs fixés ont été atteints : nous étions à moins de 20% de femmes dans les instances dirigeantes, nous sommes aujourdâhui à 43%. Il y a 60% de femmes au conseil dâadministration, 39% au Comex. Sodexo est une entreprise très féminine, très égalitaire et comporte 55% de salariées femmes. Il était important de travailler sur le haut des échelons.
Nous avançons aussi sur dâautres formes de discrimination : les orientations sexuelles, lâethnicité, les cultures, le handicap⦠Câest un enjeu business car bénéficier de tous les talents possibles est source dâune meilleure performance pour lâentreprise. Nos études en interne démontrent que des équipes plus mixtes et plus diverses permettent dâaméliorer les marges dâexploitation, de renforcer lâengagement, contribuant à une performance pluridisciplinaire à la fois financière et non financière.
The Good : et sur le volet environnemental ?
MO : Notre premier engagement : la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il y a là , une opportunité économique, morale et environnementale à y travailler. Nous avons cofondé la International Food Waste Coalition il y a 6 ans afin de réfléchir et dâagir ensemble face aux problématiques et aux freins quotidiens pour avancer dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Nous étions la première entreprise de notre secteur à lier un incentive financier et une ligne de crédit bancaire dont le taux est indexé sur notre performance sur la réduction du gaspillage alimentaire en 2019.
Nous sommes également la première entreprise à avoir travaillé son empreinte carbone globale. Nous avons commencé en 2010 nos premières estimations avec lâaide du WWF et avons réussi à calculer lâintégralité de nos scopes 1,2 et une grande partie du scope 3. Nous lâavons soumis en 2019 au SBTI afin de faire approuver une trajectoire carbone et une réduction de -34% de nos émissions sur le scope 1,2 et 3 dâici 2025. Cela nous permet dâêtre en ligne avec les accords de Paris et une trajectoire limitée à 1,5°C. Nous avons récemment publié nos résultats sur les scopes 1 et 2, nous sommes à -37,2%. Un grand nombre dâinitiatives structurelles sont en cours de concrétisation, ce qui est pour nous une grande source de fierté. Nous nous sommes engagés à utiliser 100% dâélectricité renouvelable sur nos sites dâici 2025 et nous avons rejoint RE100 pour nous y aider. Nous avons également pris des engagements sur la déforestation dans nos achats responsables.
The Good : quels sont vos gros centres de consommation de CO2 aujourd’hui ? Où avez-vous déjà réduit votre consommation et où avez-vous encore de la marge de manÅuvre ?
MO : Sur nos scopes 1 et 2 (opérations en direct sur nos propres sites) nous avons travaillé par exemple à lâefficacité énergétique des bâtiments, lâisolation, et une bascule vers de lâénergie verte dans nos cuisines centrales, dans 50 pays. Nous atteignons environ 24% dâélectricité verte aujourdâhui avec pour objectif 100% à horizon 2025.
Sur notre scope 3, il faut travailler avec nos clients et nos consommateurs. Il reste beaucoup de progrès encore à faire pour pousser par exemple, pour nos sites clients, des engagements pour plus de menus végétariens. Nous accompagnons aussi les changements de comportement en sensibilisant sur ces enjeux.
Ensuite, la question des déplacements de nos salariés sur nos sites est importante afin de réduire les distances travail-domicile et proposer de bonnes solutions de transport.
The Good : Sodexo opère dans 56 pays. Comment déployez-vous votre plan Better Tomorrow 2025 au niveau mondial ? Quelles sont les disparités saillantes entre les différentes zones dans lesquelles vous opérez ? Comment vous inspirent les différentes zones dans lesquelles vous êtes présents ?
MO : Cette feuille de route est mondiale. Jâai la chance de mâappuyer à la fois sur le comité de direction du Groupe mais aussi de travailler avec des responsables RSE dans nos régions et pays. Dans chaque pays, un « Better Tomorrow Champion » avec lequel nous sommes en contact permanent, agit comme référent pour sâassurer du bon déploiement de notre feuille de route globale.
Les enjeux et priorités environnementaux peuvent varier dâune région à lâautre. Par exemple, travailler sur le sujet du plastique est une évidence en Europe, câest aussi un sujet fort en Asie où la pollution des océans est extrêmement visible, donc concrète. Câest en revanche un sujet moins prioritaire en Amérique du Sud et aux Ãtats-Unis.
Autre exemple : le bien-être animal qui est très important en Europe, aux Ãtats-Unis, mais lâest beaucoup moins en Asie ou en Amérique du Sud. Il existe de grandes disparités sur tous ces sujets. Nous menons cette politique au niveau mondial, mais les niveaux dâengagement et de progrès varient en fonction des pays, des cultures et des priorités locales.
En revanche, tout le monde a rallié la cause du gaspillage alimentaire. Même chose pour la mixité et la diversité, ce sont des sujets sur lesquels tout le monde est très aligné et travaille de la même façon.
Les Ãtats-Unis sont très en pointe sur les sujets de diversité/mixité mais aussi ethnicité notamment avec le mouvement Black Lives Matter, quand ces sujets nous paraissent moins évidents en Europe.
Sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, lâAsie a fait énormément de progrès et de travaux. Ils mettent en place des systèmes malins de reconnaissance des actions individuelles, en organisant des concours. Tous les pays peuvent nous inspirer à un moment donné, ce qui veut dire que chaque pays a un challenge à relever.
The Good : et sur le marché français, quelles sont les principales attentes de vos clients ? Comment les embarquez-vous dans votre transformation ?
MO : Ces tendances ont été renforcées par la crise Covid et ont vocation à perdurer : la consommation à la carte, la livraison de repas, de click and collect, des frigos connectés. Câest une vraie tendance que Sodexo accompagne avec un certain nombre dâacquisitions et de développement en propre. Par exemple, en France, Sodexo a racheté FoodChéri pour répondre à ce besoin du consommateur de commander à tout instant et de pouvoir se faire livrer son repas.
La demande de plats végétariens se développe et nous faisons évoluer nos offres. Le local, le sain, le bon pour la planète sont vraiment des tendances que lâon observe partout et qui sâinscrivent durablement dans les habitudes de consommation.
La demande de transparence concernant ce que lâon mange se développe également avec notamment le nutriscore et lâéco-scoreâ¦. FoodChéri a été lâun des premiers en France à afficher lâéco-score et le nutri-score. Nous sommes en train de le déployer sur nos sites.
Nos collaborateurs sont nos premiers ambassadeurs pour relayer lâinformation auprès de nos clients et de nos consommateurs. Les outils digitaux nous permettent également un accès direct à nos consommateurs. Ainsi en Europe, avec lâapplication So Happy nous sommes en contact avec les parents des enfants qui déjeunent quotidiennement dans nos cantines. On investit beaucoup sur le digital par les applications.
The Good : Quels sont les projets qui font votre fierté aujourd’hui ?
MO : Sodexo est une entreprise citoyenne engagée. Le zéro faim dans le monde est un objectif des Nations Unies, câest lâODD numéro 2. Et câest depuis 25 ans la cause philanthropique de Sodexo. En 1996, une dizaine de collaborateurs de Sodexo ont créé Stop Hunger afin de distribuer des repas aux enfants défavorisés. Ce qui a démarré comme une initiative locale sâest ensuite étendu à travers le monde. Ce réseau de volontaires qui travaille avec 1200 ONG et partenaires est aujourdâhui présent dans 54 pays. Lâan dernier, Stop Hunger a réussi malgré le Covid à mobiliser 41 000 volontaires, pour distribuer 8,5 millions de repas. Câest une source de fierté. Lâobjectif est ambitieux : toucher 100 millions de bénéficiaires dâici 2025 ; nous en sommes à 52 millions. Nous avons un autre projet à ce stade naissant, La Passerelle, dont le 1er site verra le jour à Clichy-sous-Bois. Il sâagit dâun nouveau modèle économique à impact positif que nous développons dans un quartier prioritaire de la ville. Il repose sur la volonté de participer au développement de lâemployabilité des habitants, de contribuer à la sensibilisation à une alimentation saine, de contribuer à la cohésion et au lien social et à lâattractivité du territoire. Le site de Clichy-sous-Bois, qui ouvrira au printemps 2022 et sâincarne dans un bâtiment à haute qualité environnementale, rassemblera une légumerie, une crèche, une salle de formation et une salle de cohésion.
source : www.influencia.net