The Good : Courbet a une histoire et un nom singuliers. Comment est née cette marque disruptive ?
Marie-Ann Wachtmeister : Courbet, câest la convergence entre deux volontés. Celle de Manuel (Mallen) qui a travaillé 30 ans sur la place Vendôme, qui en découvrant le diamant de laboratoire voulait monter une marque écologique. Et la mienne, ancienne de chez Procter et McKinsey, qui a monté plusieurs start-up en Suède, alors en formation pour devenir prof de Yoga, et qui se demandait comment contribuer plus à lâécologie. Nous avions travaillé ensemble chez Poiray. On sâest lancé avec la conviction quâen joaillerie, le changement écologique devait venir par le haut, par le luxe.
Portés par nos valeurs, nous avons mis un an à donner vie à notre vision, monter notre équipe, dessiner la 1ère collection. Nous avions beaucoup dâidées, de souhaits, de désirs : lâutilisation dâor recyclé, des écrins biodégradables, des éléments de showroom 100% écologiques, capables dâavoir une seconde vie. Nous avons dû nous informer, nous éduquer. Nous avons tout décortiqué : lâemplacement, les méthodes de livraison, trouver le bon réseau de fournisseurs, toujours en essayant dâavoir le plus petit impact. Car le mauvais choix est toujours le plus facile et le moins cher.
Cette vision nous a donné de lâénergie, on était optimiste et naïf, surtout pour affronter toutes les difficultés que lâon allait rencontrer. Nous avons choisi dâêtre une DNVB pour la vente en circuit court tout en sâinstallant Place Vendôme. Et choisit de sâappeler Courbet, du nom du peintre qui a participé à déboulonner la colonne Vendôme. Tout un symbole⦠Câest notre côté disruptif et rebelle.
Maintenant Courbet a 4 ans, nous sommes restés fidèles à la vision, nous avons juste un peu nuancé notre façon de distribuer, via Farfetch et Net-à -Porter. Si on veut être dans le luxe, et proposer une alternative écologique, il faut à tout prix respecter les codes du luxe. Sinon on est sur un autre marché. Nous avons dû déconstruire ce qui fait le luxe pour reconstruire une offre alternative. Le luxe câest la rareté, la qualité (service, emballage, produit, lieu), le langage employé, la façon de communiquer. Mais il manque lâécologie, la bonne conscience et une attitude plus accueillante.
Alors pour notre marque, nous avons absolument voulu assurer la qualité et la beauté, que les diamants soient le top de la qualité. Nous avons voulu une marque haut de gamme et moderne : fluidité de lâinteraction, de la transaction, du confort. Nous avons aussi scruté les nouvelles façons de faire, qui viennent des nouvelles générations.
TG : Vous vous positionnez comme une marque de joaillerie écologique. Quâest-ce que cela signifie ? Peut-on vraiment être écologique quand on fait de la joaillerie ?
M-A.W : Notre mission : unir le beau et le bien. Pour faire le bien, il faudrait sâabstenir dâacheter un bijou. Mais si vous êtes dans lâintention dâacheter un bijou, alors nous sommes là pour offrir une alternative plus écologique. Unir les deux, allier le bien et le beau, câest le challenge. Câest difficile pour une personne de faire des choix écologiques aujourdâhui. Cela réduit ses choix à peu de chose. Mais quel soulagement pour le cÅur de savoir que quelque chose est bien fait, que le cachemire ne vient pas dâune bête quâon a raclé jusquâau sang. Savoir ce qui est derrière. Dâoù notre slogan : sans le bien, le beau nâest rien.
La joaillerie écologique, câest la joaillerie qui réduit un maximum son empreinte carbone et son impact sur la biodiversité, à lâaide notamment de lâinnovation et de la technologie. Sans elles les choses ne bougent pas, que ce soit dans la création des diamants comme pour le recyclage de lâor via lâe-waste.
TG : Comment mesurez-vous votre impact pour justifier dâêtre écologique ?
M-A.W : Nous venons de réaliser notre bilan carbone : il est de 0 tonne pour le scope 1; 0,5 tonnes pour le scope 2 et de 352 tonnes pour notre scope 3 (96% de nos émissions viennent de lâapprovisionnement en diamants). Il reflète lâannée 2020. En 2021, nos fournisseurs ont beaucoup changé, ont réduit leur empreinte carbone, voire pour certains sont carbone-neutres. Quand on fait son bilan carbone, on se rend compte des impacts de lâensemble de ses actes. Câest très éducatif. Le bilan carbone sert à mesurer notre progrès mais aussi à nous guider dans nos choix.
Il y a aussi lâéthique. On devrait dire dâailleurs joaillerie écologique et éthique. Dans notre cas, l’écologie va entraîner lâéthique. Car ce sont désormais les pays développés qui produisent des diamants de laboratoire avec des salaires normaux quand dâautres exploitent des personnes, des pays. On sait que les villages exploités ne gardent même pas 5 % de la valeur. Et que les trous restent des trous. La création dâemplois ne justifie pas tout.
TG : Comment le secteur de la joaillerie vous regarde-t-il ? Les regards ont-ils changé depuis 4 ans ?
M-A.W : Il reste encore des acteurs ancrés dans la tradition, mais jâai lâimpression quâon sent les vents souffler. Chaque marque qui se lance ne se lance que sur du diamant de laboratoire et sur du haut de gamme. Lâindustrie pensait que le diamant de laboratoire allait être dans le bas de gamme. Lâindustrie sâest trompée. Aujourdâhui il y a un secteur du diamant de laboratoire. Cela veut dire que le marché adopte cette pierre.
En 4 ans les choses ont beaucoup changé. Au début, on se sentait seuls sur le sujet. Quand nous avons cherché à lever des fonds, on nous parlait seulement de Stella McCartney et de Tesla. Les grandes marques ont compris lâénorme impact quâelles peuvent avoir. Elles vont très bien faire les choses, mais vont juste être dans le « réactif ». Câest une différence dâavoir lâécologie dans son ADN et mener le changement à travers lâinnovation. Câest une philosophie de porter un effort écologique global pour faire changer les choses.
TG : Vous avez créé un nouveau segment de marché. Comment convainc-on les consommateurs de bouger ?
M-A.W : Il faut de lâénergie et du budget ! Les deux premières années, une grande partie de notre effort a porté sur lâéducation (de ce quâest un diamant de laboratoire). Aujourdâhui, on continue bien sûr. Mais il y a beaucoup moins de résistance, de questions, de doutes. On met beaucoup plus le focus pour faire connaître nos collections. On a toujours voulu être choisis pour lâécologie. Pour nous câest une réussite. Et nous sommes désormais plusieurs à avoir le même message. La situation reste cependant compliquée. Il reste des zones grises, comme la capacité de comparer les empreintes carbones réelles de chacun.
TG : Quels sont vos projets pour 2022 ?
M-A.W : On sâest lancés en décembre en Chine, et ça se passe très bien pour le moment. Nous avons travaillé avec une égérie chinoise très engagée, qui a transmis notre message écologique. Nous avons mis notre focus sur la Gen Z, ils sont beaucoup plus conscients de lâenvironnement. Câest un vrai plus pour eux quand ils peuvent acheter quelque chose avec moins dâimpact. Nous allons également lancer une grande parure, de 100 carats, qui va marquer notre entrée dans la haute joaillerie. Nous continuons de travailler avec nos 6 associations partenaires, à qui lâon donne 15% de nos ventes de la collection Letâs Commit. Et notre objectif désormais, câest celui dâavoir un impact positif, contribuer à la décarbonation, et contribuer à lâimpact sur la biodiversité par les fonds que lâon verse aux associations en charge de la protection des animaux marins, de la sauvegarde de la faune sauvage ou la protection des forêts avec Rainforest Alliance.
source : www.influencia.net