INfluencia : dans le cas de la PQR, le poids du print et des ventes et abonnements est-il encore très important ?
Luc Vignon : les revenus liés à la diffusion sont en effet significativement plus importants que ceux liés à la publicité. Dans les recettes globales, le print pèse plus lourd que le digital. On peut dire quâavec 4 millions dâexemplaires vendus chaque jour, le print de la PQR se porte plutôt très bien ! Nous sommes des médias payants sur le print, avec en plus une maîtrise forte des canaux de diffusion. La presse quotidienne régionale maîtrise près de la moitié de ses points de vente, câest très important. La proximité avec ses lecteurs se joue donc à deux niveaux : au niveau du contenu et de la distribution. Cette fonction a été très fortement illustrée durant les périodes de confinement qui ont entraîné un très fort hausse de nos audiences, y compris sur le digital.
IN : le modèle payant est-il viable sur le digital ?
L.V. : la bascule du modèle gratuit vers un modèle payant sur le digital est un travail de longue haleine qui porte déjà ses fruits. Cela suppose de se différencier et de montrer à ses lecteurs en quoi lâinformation leur est utile au quotidien. Les éditeurs de la PQR travaillent en ce sens. Aujourdâhui 35 millions de visiteurs uniques consultent chaque mois les 47 sites de la presse quotidienne régionale. Il sâagit de contenus éditoriaux produits par des journalistes. à noter que 70 % de nos audiences digitales sont sur le mobile (web et les applications).
IN : comment se porte la publicité ?
L.V. : sur le digital, le modèle publicitaire se porte plutôt bien. Et la raison est que nous sommes sur des environnements premium. Notre métier ici chez 366, câest de valoriser au maximum ces emplacements. Ceci étant, nos médias cherchent à développer le modèle payant, de façon à établir un meilleur équilibre entre ces deux types de recettes. Tout le travail qui est accompli depuis des années vise cet équilibre. Câest surtout un travail de qualification dâaudiences : on peut proposer un contenu payant à une audience régulière sâil répond à ses centres dâintérêt. Par ailleurs, la valeur de lâattention nâest pas la même selon que vous êtes sur un simple contenu de divertissement ou, au contraire, sur un contenu éditorial produit par des journalistes. Cela vaut aussi pour lâintégration publicitaire. Nous sommes tous pourtant souvent jugés à la même enseigne. Les acheteurs regardent les taux de visibilité et de clics et le nombre dâimpressions. Mais ils oublient de sâintéresser à la valeur de lâattention et à la qualité du contenu et de lâintégration publicitaire.
IN : vous semblez critique à lâégard de lâécosystème publicitaire – quel message souhaitez-vous adresser aux annonceurs ?
L.V. : nous devons en effet interpeler les marques et les agences, car le marché ne reconnaît pas la juste valeur des marques médias. Le juge de paix des campagnes est souvent le taux de clics, sans que lâon ne tienne compte de lâunivers où le message est diffusé. Un utilisateur doit pouvoir comprendre le message publicitaire et sâen souvenir, câest la base de la communication publicitaire. On ne peut comparer un site média à de lâUGC [user generated content, N.D.L.R.], chacun sa fonction, chacun sa valeur. Les retombées en termes de compréhension et de mémorisation du message publicitaires ne sont pas du tout les mêmes. Personne ne conteste la valeur des marques des annonceurs. La même notion de valeur vaut pour les marques médias.
IN : pourtant les « sellers » disposent dâoutils pour stimuler la valorisation de leur CPM, non ?
L.V. : les sellers disposent de quelques outils, mais il faut faire bien davantage. Le pouvoir reste beaucoup trop concentré encore entre les mains des acheteurs. Or, sâil est vrai que le rôle de lâacheteur, câest dâacheter  au meilleur prix, tous les inventaires ne se valent pas. Câest au vendeur de défendre la valeur de son inventaire.
IN : cela passe par quoi concrètement ?
L.V. : cela passe par une meilleure maîtrise des outils mais également par un accès sélectif et une plus grande transparence entre les acheteurs et les vendeurs. En deux mots, il faut maîtriser ses canaux de distribution. La logique est la même que pour le print : il suffit dâappliquer les règles business à la publicité. Vous devez avoir un positionnement de prix clair et une distribution qui soit cohérente avec cela. Les audiences que nous générons nous permettront de développer de plus en plus dâoffres payantes. Cela signifie quâil y aura de moins en moins de volume pour la publicité et que celle-ci doit tenir compte de la valeur intrinsèque de lâinventaire. Cela passe également par un traitement privilégié de la relation directe avec lâacheteur : plus vous avez d’intermédiaires, plus câest opaque, lâexpérience de lecture se dégrade et la valeur de lâinventaire sâérode.
IN : à vous entendre, on pourrait presque imaginer la fin des ad exchangesâ¦
L.V. : non, ce nâest pas souhaitable. Le programmatique, bien utilisé, câest très efficace. Mais il doit servir une stratégie commerciale. Le rôle des commerciaux reste majeur chez nous. Ils rencontrent les acheteurs et sâaccorder sur les meilleurs supports et la meilleure manière de mettre en Åuvre ces investissements au service de la marque. Tout cela doit précéder les deals et la technique.
IN : quels retours concrets recueillez-vous avec cette stratégie ?
L.V. : nous enregistrons une croissance très forte de nos recettes sur le digital. Nous avons doublé nos recettes digitales entre 2018 et 2020, et cette année nous aurons +30 %. La moitié de notre chiffre dâaffaires vient du programmatique, avec plus de 40 % de deals et il faut que cela progresse encore. Nous avons également développé de nouveaux formats (vidéo, télé, multiscreen) : nous comptons 500 millions de streams par mois. Les usages évoluent (desktop, mobile, TV en live ou replay), nos médias évoluent et notre offre publicitaire accompagne cela. Nous devons maîtriser tous les outils modernes, programmatique et data (contextuelle, sémantique, etc.).
source : www.influencia.net