« Notre audience à fort pouvoir d’achat aime vivre des expériences et les partager », Danièle Gerkens (Elle Décoration)

INfluencia : quel dispositif avez-vous imaginé pour les 35 ans de la marque Elle Décoration, dont le numéro anniversaire sort ce jeudi 19 mai ?

Danièle Gerkens : Elle Décoration est une marque qui, pendant longtemps, a beaucoup vécu via le papier mais pas uniquement. Pour les 20 ans, La Suite Girafe au 9e étage de la Cité de l’architecture et du patrimoine était devenue La Suite Elle Décoration et avait accueilli pendant deux ou trois ans des décorations de Christian Lacroix, Maison Margiella, Jean-Paul Gautier… Pour les 35 ans, nous avons eu envie de projeter Elle Décoration vers l’avenir. Cet anniversaire est marqué, côté print, par un numéro exceptionnel axé sur les futurs et les mondes de demain, avec des réflexions sur les maisons, les matériaux de demain, les manières dont on va vivre… L’édito est proposé en QR Code et revoie vers une vidéo de 10 minutes sur les débuts, l’histoire et les différentes étapes du magazine. Comme nous souhaitons qu’Elle Décoration soit non seulement une marque à lire mais devienne une marque à vivre – dont l’une des expériences extrêmement importantes reste le papier – nous avons cherché des expériences qui permettraient déjà d’aller au-delà du magazine.

Nous souhaitons qu’Elle Décoration soit non seulement une marque à lire mais devienne une marque à vivre

IN : de quelle manière ?

D.G. : depuis cinq ans, nous tirons pour l’anniversaire de la marque 1 000 exemplaires d’un numéro XXL offert aux annonceurs et à notre réseau d’architectes, de décorateurs… Cette année, il a été tiré à 2 000 exemplaires supplémentaires, proposés à la vente sur KissKissBangBang. Pour ce numéro collector, l’artiste et designer Benjamin Guedj a conçu une couverture 3D, qui permet au magazine géant de devenir un objet en tant que tel. Nous avons sollicité la galerie Amélie, Maison d’Art qui nous a présenté une sélection d’œuvres d’art et nous en avons sélectionné 8 qui sont proposées sur la plateforme participative. Chacun de ces artistes a proposé des œuvres numérotées ou « rehaussées », sur laquelle l’artiste est réintervenu et qui deviennent des œuvres uniques. Les souscripteurs de cette offre pourront participer fin juin à une soirée dans la galerie avec tous les artistes et la rédaction. L’événement fera le lien entre ce qu’est Elle Décoration – une marque qui propose un regard sur le monde et un point de vue sur le beau – et une expérience autour de ce que nous pensons être le beau. Il pourra d’ailleurs devenir un rendez-vous s’il rencontre le succès.

IN : qu’est-ce que cela dit de la manière dont vous voulez faire évoluer la marque et son modèle économique ?

D.G. : on essaie de travailler de manière plus cohérente sur nos médias pour faire vivre la marque et ses valeurs sur des audiences différentes. Il s’agit d’étendre le spectre des territoires d’expressions d’Elle Décoration en partant du papier et en restant ancré dans notre ADN de décoration, de design et d’art de vivre, mais en imaginant des revenus que ne soient pas seulement liés à la diffusion ou à la publicité. Depuis le début de l’année, entre la flambée des matières premières, la guerre en Ukraine, l’inflation et le reste, c’est devenu rock’n’roll et cela va durer…

IN : quelle place peuvent y trouver le métavers et les NFT sur lesquels vous travaillez ?

D.G. : le métavers et les NFT sont l’équivalent du Far West de la fin du XIXe siècle, mais en multi-dimensions : en inconnue absolue, mais aussi dans les dimensions qu’ils prendront et qu’on ne mesure absolument pas aujourd’hui. Pour l’instant, on y voit un peu de luxe et beaucoup de gaming mais, dans ce territoire, tout est à construire. On est persuadés que le beau a un avenir dans l’histoire des NFT. L’expérientiel est une des demandes principales des communautés sur les NFT et une marque comme Elle Décoration est parfaitement adaptée pour développer des expériences humaines, pas forcément avec une conférence ou une croisière. Les journalistes repèrent et sont des passeurs de tendances, ce qui peut se faire aussi bien sur le papier que dans les mondes virtuels. Notre audience à haut pouvoir d’achat s’y prête aussi particulièrement. Ce qui l’intéresse, c’est de vivre des expériences et de les partager car ce que l’on partage participe à l’invention et au récit de soi. J’ai le sentiment qu’à moyen terme, les personnes dont le capital financier et culturel est relativement important pourront vive dans le digital et dans le réel.

L’expérientiel est une des demandes principales des communautés sur les NFT. Une marque comme Elle Décoration est parfaitement adaptée pour développer des expériences humaines

IN : à quel horizon cela pourrait-il se concrétiser ?

D.G. : depuis fin 2021, une cellule transverse chez CMI travaille en mode collaboratif sur le Web3. Un projet Elle Décoration avance dans l’univers des NFT. En aucun cas autour du logo ou des couvertures qui sont des éléments à préserver, mais plutôt sur un projet associant des noms de l’univers « arty NFT » international avec des noms de l’univers du design et de la décoration. Si tout va bien, ce projet sera révélé à l’automne 2022.