INfluencia : dans votre communiqué, vous écrivez : « leur générosité (des entreprises) se heurte à des difficultés très concrètes. Parmi elles, des politiques RSE difficiles à mettre en pratique, une non maîtrise des codes et un retour sur investissement impossible à calculer ». Dans le cadre des métiers que vous avez pratiqués avant de fonder Charitips, avez-vous été témoin de cette difficulté à concilier politique RSE et ambition économique, inhérente à bon nombre dâentreprises ?
Maxime Quillévéré : par les postes que jâai occupés, mais surtout par les employeurs qui mâont fait confiance, jâai eu la chance de travailler dans des entreprises qui cherchaient réellement à faire valoir leur RSE. Je pense notamment à mon expérience chez Shine, une neobanque reconnu pour être un acteur particulièrement responsable et consciencieux. Le bon élève de RSE par excellence mais qui peut se le permettre tant la fintech, le secteur dans lequel elle exerce, est un domaine prospère économiquement et ouvert sur ces questions dâintérêt général. Dès sa création ses fondateurs avaient à cÅur dâintégrer à son mode opératoire des valeurs qui leur étaient chères. Câest dâailleurs pour ça que je les avais rejoints. De base, je voulais travailler dans la fintech et plus particulièrement dans une neobanque, mais câest par leur engagement quâils mâont séduit. Mais ce paradoxe que vous mettez en exergue, plusieurs amis lâont constaté chez leurs employeurs et mâen en font part. Des entreprises, en lâoccurrence, trop souvent débordées par ces questions ou qui ne sentent pas légitimes de sâen saisir.
IN : concernant plus concrètement votre offre, vous dites que vous proposez « du développement sur mesure pour les demandes spéciales ou les grands comptes ». Pouvez-vous nous en dire davantage ?
M.Q. : chez Charitips, on se voit aujourdâhui comme des créateurs dâexpérience caritative. Notre mission est de faire en sorte que nos clients adaptent notre technologie à leur quotidien pour générer un fort impact social. Comme vous pouvez le voir sur notre site, nous avons une offre déclinée en plusieurs dispositifs, bien définie, mais qui ne colle pas forcément aux offres des entreprises qui nous contactent. Il est donc primordial dâêtre capable de nous y adapter. Par exemple, nous avons récemment dévoilé un projet mené pour la Banque Postale qui avait cÅur, comme lâindique leur appellation de « banque citoyenne », dâintégrer les citoyens/clients dans leurs process de décision. Ils ont donc créé le « conseil des clients », à savoir un comité participatif dans lequel sont élus des citoyens comme vous et moi et qui participe ensuite à la prise de décision de la Banque Postale. Pour les remercier de leur engagement, nos interlocuteurs de la banque postale se voyait mal les rémunérer en cash, cela nâaurait aucun sens. Nous avons donc mis en place une plateforme dédiée à cet évènement qui, pour chaque conseil promulgué par lâun des membres du comité, générait des cartes caritatives qui étaient ensuite distribuées à tous les élus pour leur permettre de donner une somme à lâassociation de leur choix. La raison qui nous pousse à travailler avec tel ou tel client est assez simple : on choisit dâaccompagner des entreprises qui sâengagent à faire un don qui sera toujours orienté par ses clients/collaborateurs. Et derrière nous créons lâexpérience capable de faire vivre chaque projet.
IN : un drôle de retour à lâenvoyeur quand on sait que câest justement le fait dâavoir offert une carte cadeau caritative à lâun de vos anciens collaborateurs qui vous a donné lâidée et lâenvie de fonder Charitips.
M.Q. : complétement. On a commencé par faire du B to C mais aujourdâhui nous ne faisons quasiment plus que du B to B, ce qui nous a demandé de développer notre offre pour nous dégager justement des cartes cadeaux. Mais elles constituent toujours la pierre angulaire de notre offre. Dâune manière ou dâune autre, elles finissent toujours par revenir, tout simplement car le pouvoir de décisions quâelles offres aux employés de nos clients est sans limite.
IN : vous dites que vos campagnes sont « à minima économiquement neutre et le plus souvent rentable ». Quels éléments vous permettent dâétayer ce constat ?
M.Q. : à vrai dire, nous nâavons pas encore beaucoup de recul car nous venons tout juste de lancer ce nouveau programme dâoffre Donation as a service. Mais pour affirmer cela, nous nous basons sur plusieurs éléments. Un calcul tout bête : quand une entreprise nous contacte, elle propose alors le budget de la campagne de donation. Sur ce budget, 60% sont déductibles des impôts et sur les 40% restants, on vient lui remettre tout un tas dâoutil pour les maximiser le plus possible en augmentant sa marque employeur.  Par exemple, pour un site dâe-commerce qui essaye de faire passer son panier moyen de 100 à 150 euros, on peut lui proposer un dispositif qui stipule que pour toute commande de 150 euros ou plus, 20 euros seront reversés à lâassociation caritative de son choix. Une somme que ne devra même pas régler le site car déductibles. Plus le lien émotionnel créé avec le client, sur lequel lâentreprise va pouvoir sâappuyer, nous sommes en mesure dâaffirmer que oui : la campagne sera rentable ou a minima neutre.
IN : selon une enquête du Collectif France Générosités, certes la générosité des sociétés a progressé de 119% en neuf ans mais quand on regarde dans le détail, le nombre de petites sociétés donatrices est passé de 15.500 à 62.000 en neuf ans alors que la part des grands groupes est en net recul (54% du volume total contre 62% en 2010). Quel type dâentreprises vont contacte le plus ?
M.Q. : sur lâoffre des cartes cadeaux, nous avions une typologie de client vraiment très large, de la TPE à la multinationale cotée en bourse. On avait même du mal à identifier une clientèle type. Mais sur notre nouvelle proposition de valeur, on se rend compte que nous sommes beaucoup plus pertinent à travailler avec des entreprises de 200 employés ou plus. Câest un indicateur comme un autre, nous ne refusons aucun client, mais à partir de cette base dâemployé, on remarque que les entreprises se dotent généralement dâune fonction RSE à temps plein. De plus, ces entreprise qui se saisissent de ces questions, souvent pour la première fois, ont peu dâexpérience en la matière. Pour piloter leur politique RSE, elles nomment des salariés qui viennent généralement du marketing, du partenariat ou autre et qui sont friands de nouveaux procédés et de nouvelles solutions qui vont venir appuyer leur mandat. Tout cela en partant de 0, ce qui est très intéressant pour nous.
IN : pour finir, je voulais vous questionner sur un phénomène actuel que plusieurs chercheurs pointent déjà du doigt : la banalisation du don. Ne pensez-vous quâà trop vouloir intégrer le don à lâacte dâachat et à une certaine dimension mercantile, vous finirez peut-être par désacraliser le principe même de la donation ?
M.Q. : câest une question très pertinente, que je me suis déjà posé par le passé, et qui était même le moteur de cette aventure. Avant de créer Charitips, jâavais lâintuition dâune potentielle fatigue autour du don tout en étant sûr de la nécessité de le démocratiser davantage. Nous avons donc fait un choix : les entreprises qui nous contactent adresseront le montant du don, endossons ainsi le rôle du « héros » tout en générant un réel retour sur investissement. On leur permet ainsi dâaugmenter leurs volumes, car lâopération est rentable, et on casse par la même occasion cette fatigue car les collaborateurs nâauront pas à sortir le moindre argent de leur poche. En bref, le process est beaucoup plus sein comme ça.
source : www.influencia.net