IN : comment se porte Iligo depuis cette période de crise sanitaire ?
Olivier Goulet : le cÅur de lâannée 2020 a été compliqué dâun point de vue business mais nous sommes repartis sur une croissance très forte, et lâactivité 2021 dépassera nettement celle de 2019. Nous avons deux grands piliers : lâun qui est une mesure dâefficacité des actions de communication très liée à nos contrats annonceurs, câest un secteur qui souffre un peu. Le deuxième volet shopper concerne des enquêtes-consommateurs autour des produits et des innovations. Il est en plein boom. Les marques sont revenues dans le jeu, elles sentent que le marché reprend donc elles sont pleines de projets. La partie marketing marche donc mieux que la partie communication même si on arrive à trouver des ponts entre les deux.
IN : pourquoi Drive to Responsibility ?
O. G. : même si le secteur de la RSE se développe énormément, il manque un peu de rationnel. Parfois, la communication est mise en premier avant même de faire des choses concrètes. Nous avons essayé de remettre lâéglise au milieu du village en bâtissant un protocole qui va de la réflexion sur les valeurs de la marque, de lâentreprise, de lâinstitution, aux points de contact à investir, en passant par les messages à adresser et jusquâà la mesure ensuite des effets des actions.
On a vu quâon était dans un marché dâopportunité pour ne pas dire parfois dâopportunisme et nous avons essayé de le structurer. Quand on veut communiquer sur plein de sujets sociaux, sociétaux ou environnementaux, cela ne marche pas, plus rien nâémerge. Donc on a décidé de rationaliser cela.
IN : pouvez-vous nous présenter Drive to Responsibility ?
O.G. : Drive to Responsibility est un set de 4 mesures qui peut sâacheter par tiroirs ou au global, selon vos besoins. Cette offre a été constituée de choses que nous avions déjà et enrichie de choses que nous nâavions pas.
Tout dâabord, les valeurs. Nous avons des sets de mesures basées sur les valeurs de Schwartz, un universitaire américain qui a développé ce modèle il y a une trentaine dâannée. Il sâagit de 20 valeurs sur lesquelles on peut mesurer à la fois quelles sont les valeurs des consommateurs, quelles sont les valeurs des marques et quelles sont les valeurs des entreprises. Dans les 20 Valeurs, il y en a 3 ou 4 qui sont liées à la RSE mais le fond dâune marque aujourdâhui nâest pas de faire de la RSE. Câest bien de le rappeler.
Il y a deux volets : les valeurs de la marque dans lâesprit des consommateurs et les valeurs des consommateurs eux-mêmes.
La deuxième mesure consiste à définir quels points de contact sont légitimes pour exprimer toutes ces valeurs liées à la RSE. On note par exemple que lâémotionnel fonctionne bien sur lâaudiovisuel mais quâil a besoin dâune vraie rationalisation : on ne fait passer quâun message par ce canal. Ensuite, il faut apporter du rationnel avec des supports print ou digitaux.
Le troisième point concerne les messages eux-mêmes. On utilise à la fois de lâeye-tracking et des tests de contribution dâéléments créatifs. Nous avons des modèles de contribution qui permettent automatiquement de noter une communication sur un certain nombre de critères et de voir en quoi ces critères sont contributifs de lâappréciation de la création. Cela permet dâéviter des erreurs, de ne pas aller trop loin.
Cela nous a amené en 2021, poussé par des clients, à imaginer la création dâun panel quâon a appelé « dâexperts », pour juger des créations. Ces « experts » sont des gens très impliqués dans le domaine, qui écrivent et échangent sur le sujet par exemple… Lâambition est de pouvoir pré-tester des annonces en faisant le crash-test auprès des gens qui sont les plus durs, les plus exigeants. Ils vont chercher le petit détail. Câest intéressant car ça ne veut pas dire que vous ne pourrez pas lancer votre campagne en lâétat, mais vous serez préparé aux points de friction potentiels sur lesquels on peut vous attaquer et cela vous permet dâanticiper la réponse.
Enfin, la dernière mesure développée en 2020 est le drive to purpose. Il sâagit de mesurer, après une action de communication, lâévolution des critères définis en amont comme la raison dâêtre de lâentreprise ou de la marque.
IN : comment vous êtes-vous appliquée cette responsabilité à vous-même ? Est-ce que dans le fonctionnement de votre métier il y a des choses qui ont changé ?
O.G. : nous avons mis en place début 2020 une charte RSE dans lâagence, ce qui est assez atypique à notre niveau, étant donné notre taille dâentreprise. Nous avons un responsable RSE qui vise à sâassurer que nous sommes cohérents par rapport à ces bonnes pratiques dans notre univers. Nous sommes peu polluants de par notre activité. Mais nous appliquons aussi des mesures de respect strict de la privacy. Câest très important à lâheure où les individus et les consommateurs doutent sur cette notion. Et même si cette notion dâespace privé est en train dâévoluer assez rapidement chez les jeunes générations qui acceptent facilement de partager avec nous des photos, des vidéos, du contenu sur leur quotidien.
IN: à quelques mois des élections présidentielles, Iligo ne fera jamais de sondage ?
O. G.: non. Nous faisons des sondages qui peuvent être explicatifs par exemple de comment évolue la classe moyenne, comment évoluent les attitudes et opinions par rapport à certains thèmes de société qui sont de fait politiques, mais nous ne ferons pas de baromètre sur les cotes de popularité des présidentiables !
Une petite remarque à ce sujet : faire des sondages quantitatifs câest bien et très utile, mais aller rencontrer les gens en vrai en parallèle, câest encore mieux. Ãa rentre dans la logique du good, du respect des individus, de leurs réalités complexes. Câest presque politique. On vient à leur contact.
IN: sur les attentes clients (annonceurs, marques), comment voyez-vous le marché aujourdâhui ?
O.G : pour moi, le Good est un mouvement de fond. Demain les entreprises devront avoir cette obsession de suivre leur impact social, sociétal, environnemental… La difficulté aujourdâhui, câest une forme de « cornerisation » de la RSE au sein des entreprises. Câest un peu comme le digital⦠ câétait bien au début quâil soit à part dans les entreprises pour apprendre et aller vite, mais plus ensuite car il était tellement séparé quâil nâinfusait pas suffisamment. La RSE câest un peu pareil, elle devra instiller partout. Sur lâimage corporate, mais également sur les produits.
Il y a des secteurs sur lesquels les produits expriment facilement cette dimension comme la voiture électrique. Pour beaucoup dâautres produits ou services, câest plus complexe, voire cela remet en cause le produit lui-même. On peut penser par exemple à lâeau en bouteille.
Ce qui va être très compliqué pour les marques, câest de faire des choix. Dès lors que vous revendiquez des valeurs, forcément il y a des gens que vous allez potentiellement vous mettre à dos. Il faut lâaccepter. En cela la marque peut devenir plus « politique ». On le voit déjà pour certaines grandes marques aux Etats Unis.
Les valeurs RSE sont aussi pour les marques lâoccasion de retrouver du temps un peu plus long. On ne construit pas un positionnement de ce type en quelques semaines, ni quelques mois. Il faut de la persévérance, et prendre le temps de mesurer intelligemment les évolutions. Câest notre ambition.
source : www.influencia.net