Chaque année nous atteignons toujours plus rapidement le jour du dépassement, câest-à -dire le jour où l’humanité a dépensé l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an. Cette année câétait le 29 juillet. Lâanthropocène a ses limites. Si la notion de limites planétaires nâest pas nouvelle, (on la doit au rapport Meadows pour le Club de Rome en 1972, intitulé âThe limits to growthâ), elle est plus que jamais dâactualité face à la prise de conscience globale des risques climatiques notamment. Les limites ne sont pas que planétaires, mais aussi humaines face à lâoverwork, à la déshumanisation du travail, …et même géographique – le monde se recomposant pour beaucoup à proximité.
Ainsi les marques et les entreprises doivent intégrer pleinement ces limites dans leurs stratégies si elles ne veulent justement pas être limitées dans leurs activités. Car chacun a conscience que les dérèglements observés sont liés à nos modes de vie et de consommation et attend donc un engagement fort et impactant des entreprises à transformer leurs activités pour plus de durabilité. Selon lâétude Kantar Foundational Study,
59% des Français pensent que construire un monde plus durable ne dépend pas que dâeux mais que cela relève dâabord de la responsabilité des entreprises et des marques. Les marques doivent donc agir, mais en veillant à être sincères et légitimes. 73% doutent du caractère désintéressé des marques et 48% ont déjà sanctionné des marques qui ne respectent pas leurs exigences en matière de RSE.
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Tendance 1Â : lâimpact est le nouveau cap
La forte attente de transparence de la part de lâensemble des parties prenantes de lâentreprise a fait passer celle-ci dâune âblack boxâ à une âcrystal boxâ. Les entreprises nâont -presque- plus de secret pour leurs salariés et clients. Elles ne peuvent plus se le permettre – les réseaux sociaux ayant notamment ouvert grand les portes et les fenêtres de lâentreprise. Et la matière âcorporateâ est désormais digne dâintérêt pour les consommateurs : sourcing, lieu et mode de fabrication, transport, distribution, communication ; chacune des activités de l’entreprise est scrutée par ses observateurs. Des marques nous ont dâailleurs remonté que les actions en matière de RSE qui étaient jadis cantonnées à de lâinformation interne deviennent des sujets de communication, dans le luxe notamment.
Nos entretiens ont révélé également le dé-silotage des sujets RSE. Dans son Re.Shape, lâentreprise devient RSE â Centric. Câest une mission désormais intégrée par la plupart des décideurs interrogés qui évoquent spontanément la transformation de leur entreprise et les enjeux en matière de marketing et de communication durable, et la nécessité de âconjuguer croissance rentable ET durableâ comme nous lâa cité cette grande marque de PGC. Quelques-unes des marques interrogées nous ont révélé être en processus pour devenir société à mission.
Ces changements sâaccompagnent de nouveaux outils de mesure. Lâimpact et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sâintègrent aux KPI des professionnels de la communication et du marketing. Campagnes éco-conçues, indicateurs RSE intégrés aux incentives, indice de circularité, dâinclusivité, certification BCorp, entreprise à mission, etc…. Chaque fonction doit penser à la facture que la terre lui enverra en fin dâannée, à lâinstar dâune grande marque de luxeâ¦
Ainsi, après plus dâune décennie de transformation digitale, et dans un monde qui montre ses limites, les marques et leurs décideurs mettent le cap sur la durabilité pour concilier écologie ET économie, durable ET rentable et doivent pour cela se mettre en quête de nouvelles pratiques.
Tendance 2Â : Unlimited Solutions
La deuxième tendance identifiée dans cette nouvelle lecture dâun monde plus limité est le développement infini de nouvelles solutions et de nouveaux modèles plus vertueux.
La contrainte devient le meilleur allié de la créativité. On lâa vu avec le Covid, les entreprises inventent de nouvelles solutions, dans la âdébrouilleâ et le système D. En déplaçant leur regard, elles trouvent de nouveaux matériaux, de nouveaux produits, qui ouvrent de nouveaux champs : des chaussures à base de champignons, des solutions zéro-déchet, anti-gaspi, le rapprochement avec des producteurs ultra-locaux, ou encore un nouveau concept de lieu dédié à la seconde chance – allant des matériaux sourcés en seconde main à un personnel en réinsertion.
Les marques et les entreprises questionnent et repensent leurs pratiques et leurs modèles d’affaires à lâaune de ces nouvelles contraintes. Pour certains il sâagit de passer dâun modèle de vente à un modèle de service, plus durable. Pour dâautres, il sâagit de reprendre la main sur la production des biens quâils vendent, passant de distributeurs à éditeurs pour sâassurer dâun bel ouvrage, dâun bon approvisionnement, de lâintégration des savoir-faire. Souvent une politique de âpetits-pasâ comme nous lâa indiqué un distributeur, mais autant de cailloux mis bout-à -bout qui font un chemin plus responsable. Selon la Kantar Sustainability Foundational Study 2021, les 5 sujets dâattentes prioritaires des consommateurs envers les marques sont : la surconsommation et le gâchis (25%), le surpackaging et les emballages non recyclables (24%), les émissions de carbone et de gaz à effet de serre (17%), la pollution de lâeau (16%) et de lâair (15%).
Enfin, parfois câest aussi en replongeant dans des techniques plus « ancestrales » que les marques peuvent se régénérer. Old is the new good ! Cela vaut pour lâagriculture qui se déclare désormais « régénératrice ». Nous pourrions citer aussi le vent en poupe des modèles mutualistes, dont lâexistence remonte à plusieurs décennies mais dont la vision est follement actuelle : meilleur partage de la valeur, intégration de lâensemble des parties prenantes dans la gouvernance, respect de la planète et des hommes, ⦠Des modèles qui redonnent du sens par des enjeux impérieux : âon se lève le matin pour lutter contre le réchauffement climatique, par pour des KPI. Et ça change toutâ¦â
Tendance 3Â : Exit Egotisme
La troisième tendance est celle de la fin de lâégotisme. Entreprises, consommateurs, passent du âjeâ au ânousâ. On se pense désormais dans un tout. En rupture avec les tendances du début du siècle autour de lâindividualisme et du âmoiâ, la crise a redonné du sens à lâintérêt général. Un intérêt général qui ne va pas contre l’individu, mais qui se construit avec.
A commencer par les entreprises, qui intègrent la notion dâintérêt général dans leur stratégie, prenant conscience de leur rôle politique – au sens des affaires de la Cité. En premier lieu, les marques ayant assumé des missions de quasi intérêt général pendant la crise – fournir de lâénergie, remplir des rayons essentiels, assurer, financer, divertir… Mais aussi des marques et entreprises qui sâengagent désormais pour fournir aux instances publiques (Etat, collectivités, â¦) ce qui peut être utile au Bien Commun – de la data, des locaux comme centre de vaccination, sâinscrivant dans une démarche âcontributiveâ.
A cet égard, nombreuses sont les marques et entreprises qui évoquent la nécessité désormais de collaborer avec lâensemble de leurs parties prenantes, clients, salariés, fournisseurs et même leurs concurrents. Câest lâavènement de lâère du-co. Transformer durablement une filière passe par ce que lâon nomme la coopétition, faisant désormais sienne cette maxime : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Ainsi les entreprises de transports sâassocient-elles pour mettre en commun leur connaissance et faciliter la mobilité de lâensemble des utilisateurs.
Enfin, cet intérêt général passe aussi par lâinclusion, la diversité et le vivre ensemble. Les vagues successives de Me Too, Black Lives Matter et les campagnes de lutte contre les discriminations portent leurs fruits au sein des organisations : en interne, le recrutement se veut plus inclusif et diversifié, la posture D.E.I (diversity, equiity and inclusion) se développe. En externe, les campagnes célèbrent la diversité, et tentent de mettre fin aux clichés et stéréotypes. Comme nous le confiait cette marque de lifestyle âTout ce qui sâest passé avec Black Lives Matter, ça remue en interne, ça remue nos équipes. Est-ce que lâon est suffisamment diverses dans la manière d’être staffés, et dans nos campagnes ? Comment trouver une voie non militante, mais suffisamment forte pour montrer que lâon soutient ces sujets comme la gender diversity? Cela passe par des preuves et des actions terrains, concrètes et du travail avec les associationsâ.
Câest donc un profond changement de mindset pour les marques et les entreprises qui doivent adopter une pensée systémique, et prendre en considération lâensemble des externalités, des impacts, positifs comme négatifs, et penser âCommunsâ. Heureusement, les entreprises françaises sont prêtes : selon le baromètre innovation Kantar pour Leyton, elles placent la RSE en tête des sujets pour lâinnovation (câest moins le cas au UK et en Espagne). Pour 83% dâentre-elles, lâinnovation environnementale et sociale va devenir indispensable dans les prochaines années pour rester pertinentes et compétitives.
The Future of brands tend vers un monde plus SUFFICIENT
Les modèles de demain seront ceux en mesure de sâadapter créativement à ces nouvelles « contraintes » durables, dâaccepter les limites, de mieux mesurer lâimpact de leur activité pour trouver de nouvelles pratiques. A lâabondance et la surcharge de choix, préférer une forme de justesse, de suffisance, plus en phase avec les aspirations de la société et les limites planétaires.
source : www.influencia.net