INfluencia : Quelles sont les origines de lâARPP ?
Stéphane Martin : Sous lâinfluence des Etats-Unis, les professionnels de la publicité ont commencé à se regrouper au sein de structures communes visant à défendre lâintérêt de lâinterprofession. En France, la Chambre syndicale de la publicité qui a été fondée en 1905 et la Corporation des techniciens de la publicité créée en 1920 ont fusionné au sein de la Fédération française de la publicité en 1935. Face à la méfiance du public face aux publicités qui se cachaient dans des rédactionnels publiés dans la presse, les publicitaires ont compris quâils ne devaient pas mentir à leurs clients sâils voulaient durer. Leur volonté de moralisationsâest traduite par la création le 29 août 1935 de lâOffice de contrôle des annonces (OCA). Le 20 août 1953, lâOCA a cédé sa place au BVP (Bureau de vérification de la publicité). Dans ses nouveaux statuts dévoilés en novembre 1970, le BVP sâest donné pour mission « de mener une action en faveur dâune publicité loyale, véridique et saine dans lâintérêt des professionnels de la publicité, des consommateurs et du public ». Au fil du temps, nous avons défini une liste de 30 règles déontologiques que nos 700 adhérents sâengagent à respecter. En 1992, le CSA a délègué le contrôle a priori de la publicité au BVP tout en conservant le contrôle a posteriori. Les années 2000 ont, elles, été marquées par la création de nouvelles instances comme le Conseil de lâéthique publicitaire (CEP) qui est une sorte de think-tank dont le rôle est dâanticiper les questions éthiques de la publicité et les évolutions déontologiques. En 2008, le Conseil paritaire de la publicité (CPP) a été mis en place. Cette instance de concertation représentant les différentes tendances de la société comme les associations de consommateurs et environnementales rend des avis préalables à lâélaboration et à la modification des règles déontologiques. Câest aussi en 2008 que le Jury de déontologie publicitaire (JDP) a vu le jour. Cette instance de sanction composée de personnalités indépendantes est chargé de se prononcer sur les plaintes du public à lâencontre des publicités qui ne seraient pas conformes aux règles déontologiques. Cette restructuration sâest conclue en 2008 par le changement de nom du BVP qui est devenu lâautorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).
IN : continuez-vous aujourdâhui encore à vérifier les contenus de toutes les publicités ?
S.M. : concernant les publicités télévisées, câest toujours le cas. La majorité des 24 salariés de lâARPP, dont le budget annuel qui atteint 4 millions dâeuros est entièrement financé par ses adhérents, sont des juristes. Ils visionnent par groupe de deux ou trois 25.000 publicités par an et ils exigent des modifications sur 10% des productions quâils consultent.
IN : quâen est-il des autres médias ?
S.M. : les comités visionnent 25.000 autres publicités par an. Il peut sâagir de campagnes dans la presse, à la radio, sur internet et même de scénarios que les marques peuvent envoyer à des influenceurs. Hors TV, nos experts demandent aux agences de modifier environ 70% des publicités quâon leur présente. Ce taux peut paraître élevé mais il est normal car lorsquâun de nos adhérents nous demande de visionner une production, câest souvent quâil a des doutes concernant son contenu.Â
IN : votre Jury de déontologie publicitaire reçoit-il, lui aussi, de nombreuses plaintes ?
S.M. : leur nombre devrait atteindre 750 cette année. Ce chiffre se situe dans la moyenne mais de plus en plus de plaintes sont recevables de nos jours.
IN : les créatifs dans les agences se plaignent dâêtre de plus en plus bridés dans leur travail. Ãtes-vous plus sévère que dans le passé ?
S.M. : les lectures ont bougé au fil des années. Les attentes de la société ne sont plus les mêmes et nous devons nous adapter à ces évolutions. Dès 1975, nous avons défini une règle pour que la femme ne soit plus traitée comme un objet. Nous avons aussi évolué lorsque le porno chic est apparu à la fin des années 90 et au début des années 2000. Les publicités automobiles ne doivent plus représenter la vitesse depuis 1988. Les spots ne peuvent plus montrer de consommateurs manger devant leur téléviseur et une séquence au petit-déjeuner doit toujours montrer sur une table des céréales, des fruits et un laitage afin de promouvoir les repas équilibrés. Nos règles sont réactualisées pour tenir compte du regard de la société civile qui sont les récepteurs des messages. Les créatifs savent que ce sont eux qui doivent adopter les règles qui sont mises en place mais ces règles sont dictées par des attentes.
IN : pourquoi imposer de telles règles ? Le législateur nâest-il pas supposé faire ce travail ?
S.M. : les premières lois sur la publicité sont assez récentes puisquâelles remontent aux années 70. Il était donc important de mettre en place un système dâautorégulation pour éviter les abus. La tendance depuis sâest inversée car il ne se passe pas une année sans quâune nouvelle loi nâimpose de nouvelles restrictions contre la publicité. Les mentions légales, rectificatives et informatives se sont notamment multipliées. Tous ces textes partent dâun sentiment légitime de vouloir bien informer les consommateurs mais la plupart dâentre eux sont trop longs, verbeux et mal adaptés aux formats sur lesquels ils doivent être diffusés. Nous nageons dans un océan de contraintes et le rôle de lâARPP est de tenter de simplifier ces règlements qui sâempilent comme des mille-feuilles. Les publicités automobiles doivent parfois contenir jusquâà 30 mentions différentes pour respecter la loi. Il va falloir un moment ou à un autre sâasseoir tous autour dâune table pour faire des arbitrages. Lâécoute sociale, câest bien mais les messages diffusés sur les réseaux sociaux ne sont pas forcément représentatifs de toute la population. Il faut trouver un bon équilibre.
source : www.influencia.net