INfluencia : Quel a été lâimpact de la pandémie sur les marques ?
Thomas Kolster : La crise sanitaire a accéléré toutes les tendances qui se dessinaient depuis quelques années. La responsabilité des entreprises est un fait acquis aujourdâhui. La protection du climat, lâélection de Joe Biden aux Etats-Unis, le mouvement Black Lives Matter⦠Tous ces éléments ont créé un concours de circonstances parfait en faveur de la responsabilité sociale.
IN : Le bilan est donc plutôt positifâ¦
T.K : Pas vraiment. Les marques ont été mises sur un piédestal et elles se donnent aujourdâhui bien plus dâimportance quâelles en ont réellement. Elles ne peuvent pas et ne doivent pas toutes être des héroïnes qui vont sauver le monde. Quand vous circulez dans les allées de votre supermarché, vous avez lâimpression que tous les labels cherchent à être Gandhi ou Mère Teresa. Câest bien aussi de vendre du papier-toilette pour un bon prix sans pour autant revendiquer le fait de sauver la planèteâ¦
IN : Vous avez opéré un changement à 180 degrés car il y a dix ans, vous étiez un des seuls à parler de la raison dâêtre des entreprises.
 T.K : Câest vrai. Mais il y a dix ans, personne ne parlait de raison dâêtre et aujourdâhui toutes les entreprises promettent de rendre le monde meilleur. Cela a perdu tout son sens dâavoir une véritable mission car tout le monde dit en avoir une. Demandez-vous une minute quelles sont les marques qui ont réellement changé votre quotidien et vous vous apercevrez rapidement quâil nây en a pas tant que cela.
« Je suis contre les sociétés comme Patagonia qui montrent les gens du doigt et qui crient sur tous les toits ce que nous devons faire ou ne pas faire »
IN : Quelles pistes les marques doivent-elles suivre alors ?
T.K : il faut que les marques acceptent dâêtre des catalyseurs et non plus des héros. Elles doivent nous accompagner et nous aider à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Leur rôle est de nous pointer la bonne direction à suivre. Je suis contre les sociétés comme Patagonia qui montrent les gens du doigt et qui crient sur tous les toits ce que nous devons faire ou ne pas faire. Je déteste les marques activistes car elles ne sont pas inclusives. Le monde actuel est plus divisé que jamais. Tentons de rapprocher les consommateurs au lieu de séparer les « bons » des « mauvais ».
IN : Quelles sont les marques qui vont dans le bon sens dâaprès vous ?
 T.K : Nike a été, pour beaucoup, une marque qui les a motivés à faire du sport même lorsque la météo était mauvaise. Près de chez moi à Copenhague se trouve un magasin Ikea de 150 m2 où les salariés sont là pour nous aider à concevoir lâintérieur de notre domicile. Cette idée dâaccompagner le consommateur à atteindre ses buts me semble très bonne. Le label canadien Respect your Universe est aussi très intéressant car il encourage les gens à faire des activités physiques et ce quel que soit leur niveau. Des vendeurs plus ou moins sportifs viennent à vous dans les boutiques en fonction de vos besoins. Si votre seul objectif est de perdre du poids, et que vos vêtements sont devenus trop grands, vous pouvez alors les échanger gratuitement, pour en avoir un à votre nouvelle tailleâ¦
« Je déteste les marques qui disent quâelles feront ceci ou cela en 2030 ou 2040. Câest comme si je trouvais ma femme dans notre lit avec un inconnu »
IN : Que pensez des entreprises qui se donnent des objectifs sur le long-termeâ¦
 T.K : je déteste les marques qui disent quâelles feront ceci ou cela en 2030 ou 2040. Câest comme si je trouvais ma femme dans notre lit avec un inconnu et quâelle me disait quâelle allait être de moins en moins infidèle dans les années à venir pour finalement nâavoir aucune aventure dans dix ou vingt ans. Câest tout simplement insensé.
IN : une société, surtout si elle est très importante et présente dans de nombreux pays, ne peut toutefois pas changer totalement de modèle du jour au lendemainâ¦
 T.K : Câest certain mais se fixer des objectifs très éloignés de ses missions premières ne mène à rien. Vous croyez vraiment que les clients vont continuer dâacheter vos produits pendant dix ans en espérant que vous allez tenir vos promesses ? En réalité, ils vont juste aller chez vos concurrents qui ont, eux, déjà changé de modèle.
IN : Cette « nouvelle réalité » ne risque-t-elle pas de fragiliser les multinationales et les grands groupes ?
 T.K : Les grandes marques, qui ont tendance à se déplacer à la vitesse dâun supertanker, vont en effet faire face à un gros challenge et elles vont devoir sâadapter. Mais le Covid-19 a confirmé que le cash avait toujours raison et que les plus riches continuaient de sâenrichir. On commence ainsi à voir des multinationales racheter des petites marques qui vont dans le bon sens et cette tendance est appelée à durer. Une reprise nâest toutefois pas forcément synonyme de succès. Lâexemple de lâacquisition de Body Shop par LâOréal le prouveâ¦
source : www.influencia.net