Beaucoup sâen doutaient, la plupart le craignaient et ils avaient, hélas, raison⦠Depuis des années TikTok jurait, la main sur le cÅur, à ses utilisateurs américains que ses employés en Chine ne pouvaient pas consulter leurs données personnelles et confidentielles. Un vilain mensongeâ¦
En 2019, le Comité des investissements étrangers aux Etats-Unis a voulu sâen assurer en lançant une enquête pour connaître les implications pour la sécurité nationale de la collecte de données américaines par le réseau créé par le géant chinois ByteDance. Lâannée suivante, Donald Trump avait même menacé d’interdire complètement l’application. Selon le président américain de lâépoque, la « collecte de données de TikTok menace de permettre au Parti communiste chinois d’accéder aux informations personnelles et exclusives des Américains ». Lâhomme dâaffaires avait, hélas, raison.
Une décision tardive
Dans un billet de blog, la plateforme dâéchanges de vidéos vient dâannoncer quâelle avait modifié « l’emplacement de stockage par défaut des données des utilisateurs américains ». « Aujourd’hui, 100 % du trafic des utilisateurs américains est acheminé vers Oracle Cloud Infrastructure, précise ce communiqué. Nous utilisons toujours nos centres de données aux Ãtats-Unis et à Singapour pour la sauvegarde, mais à mesure que nous poursuivons notre travail, nous prévoyons de supprimer les données privées des utilisateurs américains de nos propres centres de données et de basculer entièrement vers les serveurs cloud Oracle situés aux Ãtats-Unis. »Mais si ces datas nâétaient pas stockées auparavant aux US, où étaient-ils conservées ?
« Tout est vu en Chine »
Des enregistrements révélés par BuzzFeed News de 80 réunions auxquels ont participé 9 employés chinois de ByteDance prouventque les salariés de la maison-mère de TikTok ont eu accès, au moins entre septembre 2021 et janvier 2022, aux données de leurs utilisateurs américains. Les salariés de la filiale américaine de lâapplication devaient même sâadresser à leurs collègues en république populaire pour avoir des renseignements sur les flux de datas générés aux Etats-Unis. « Tout est vu en Chine », expliquait un employé du service « Trust & Safety ». Le nom de ce département peut aujourdâhui prêter à sourire⦠ou à pleurer. Dans une autre réunion qui sâest tenue en septembre 2021, un directeur a qualifié un ingénieur chinois de « Master Admin » qui a « accès à tout ».
Un coup dâépée dans lâeau ?
En décidant de confier à Oracle, le stockage des données de ses utilisateurs américains, ByteDance cherche visiblement à calmer les critiques à son encontre. Mais si les informations confidentielles comme les dates de naissances et les numéros de téléphone devraient bien être conservées sur le cloud de Larry Ellison, il est possible dâimaginer que les salariés chinois de lâapplication pourront toujours consulter les vidéos de chats et analyser les opinions politiques des internautes. Ces informations pourraient les aider à modifier leurs algorithmes de recommandations pour pousser des contenus appréciés par le régime pékinois. Le lieu physique de stockage des datas nâa également aucune importance si un contrôle strict nâest pas mis en place pour vérifier qui peut avoir accès à ces informations.
Le verre à moitié plein
Les plus pessimistes peuvent donc toujours penser que la récente annonce de TikTok, qui compte plus de 1 milliard dâadeptes, ne modifiera dâaucune manière les pratiques discutables de ses dirigeants. Le « Big brother » chinois pourrait ainsi continuer de nous espionner en toute impunité. Les plus optimistes pourront, eux, saluer une décision qui semble aller dans la bonne direction. « La levée générale de boucliers contre les réseaux sociaux, face à leurs échecs répétés à gouverner effectivement leurs écosystèmes, mâindique que le risque (que ces plateformes pourraient représenter pour la démocratie) est désormais bien identifié, expliquait récemment à La Quotidienne Influencia, Annabelle Gawer, Professeur titulaire de la chaire d’économie numérique à lâUniversité du Surrey. La démission de Sheryl Sandberg, la puissante No 2 de Facebook nous annonce la fin dâune ère, celle de la plateforme triomphante qui peut se permettre dâagir sans contrainte forte réglementaires et au fi des préférences dâutilisateurs. » La décision de ByteDance de collaborer avec Oracle suivrait la même logique. On peut, tout du moins, lâespérerâ¦
source : www.influencia.net